C’est en cherchant à étoffer ma liste de cadeaux pour le Noël que j’ai trouvé le dernier roman de Ron Rash, Terre d’Ombre, en vente et en découvrant l’auteur et l’histoire, j’ai été étonnée de ne pas le connaître à travers les éditions Gallmeister qui publient aujourd’hui la crème de la crème des romanciers américains. Le livre ajouté à ma liste, j’ai eu envie de découvrir cet auteur, et je me suis procurée en poche d’occasion son premier roman, Un pied au paradis (One foot in Eden).
Ron Rash est né en Caroline du Sud en 1953 et situe l’action au même endroit à la même époque : Oconee, comté rural des Appalaches, ancienne terre sacrée Cherokee, va prochainement être englouti par une compagnie d’électricité, qui prévoit l’installation d’un immense lac de rétention recouvrant les terres et les fermes de ses habitants. La fin du monde approche mais les hommes refusent d’y penser. La terre, ce bien précieux, se passe de génération en génération. Lorsque Holland Winchester disparaît, sa mère alerte le shérif, accusant son voisin, Billy Howcombe de l’avoir assassiné. Mais sans corps malgré une battue et des recherches sur les terres de Howcombe, le shérif n’a d’autre choix que de devoir laisser s’échapper un assassin.
Le récit se fait à cinq voix (ce que j’ignorais) : le shérif Alexander, puis le voisin, son épouse, leur fils et enfin l’adjoint au shérif. Cinq versions où chaque narrateur exprime sa vision des choses et où le lecteur assiste, impuissant, à la naissance du drame. Récit proche de l’apocalypse où se mêlent jalousie, vengeance, rancœurs et superstitions.
Oconee, c’est l’Amérique des pauvres gens, des fermiers qui vivotent sur ces terres arides, de père en fils. Ces cultivateurs de tabac qui chaque saison prient pour une bonne récolte et croient dur comme fer que la veuve Goldwaterest une sorcière, dont il faut se méfier mais qui sont prêts à aller chercher remède contre toute forme de sécheresse, physique ou biologique. Ici s’entremêlent coutumes, superstitions et religion. L’Amérique de Bruce Springsteen, celles des gens oubliés.
Le drame se noue lentement à travers les voix de chaque personnage, l’enquête est reléguée au second plan, pour laisser ici l’auteur écrire un véritable plaidoyer pour ces terres ancestrales, bientôt noyées sous un lac. Si l’eau lave les pêchés, ici au contraire, elle les fera remonter à la surface. D’où cette fin magnifique et émouvante.
Un pasteur affirmerait que c’était la condition humaine depuis que l’homme avait quitté le paradis, et il y avait tant de vieux cantiques expliquant que dans une autre vie nous serions aux côtés de Dieu. Seulement nous vivions dans le présent. Toujours en quête de quelque chose qui comble cette absence. Peut-être qu’un mariage pouvait guérir cette nostalgie, même si le mien n’y était pas parvenu. L’alcool était la solution pour beaucoup d’autres hommes, sans compter Williams. Peut-être que pour certains les enfants la comblaient, ou peut-être, comme pour papa, l’amour d’un lieu qui vous rattachait à vos ancêtres.
Le roman est magnifique, une écriture forte et puissante, lyrique et où l’auteur offre une âme à cette région méconnue du grand public. J’ai découvert ici un grand écrivain américain, comme je les aime – titulaire d’une chaire à l’université, auteur de poèmes et de nouvelles et de romans, il s’affirme comme un écrivain sur lesquels il faut désormais compter (oui, en 2014.. où étais-je en 2011?!).
A noter qu’en 1973, une immense centrale nucléaire a effectivement recouvert une partie des terres du comté d’Oconee.
Il est évident que Terre d’ombre fait partie de ma liste de cadeaux au Père Noël et que je vais m’empresser de me procurer son second roman, Serena.
J’ai lu ce roman dans le cadre du challenge 50 états 50 nations, Etat de Caroline du Nord.
♥♥♥♥
Editions Folio, 2011, trad. Isabelle Reinharez, 320 pages
7 commentaires
Un pied au paradis a été mon chouchou de l'auteur jusqu'à Une terre d'ombre, qui lui est égal (ne chipotons pas. J'ai moins aimé Serena, il me semble d'ailleurs que l'histoire de Serena est adaptée au cinéma ou va l'être (c'est récent)
J'ai navigué dans ton blog, plein de Gallmeister (je ne m'en plains pas!)
Oui, je suis fan de cette maison d'édition – d'ailleurs il vient à Nantes à la fin du mois.
J'ai trouvé avec eux les auteurs américains que je cherchais (j'ai vécu là-bas et j'avais envie de retrouver cette Amérique).
J'ai vraiment hâte de lire Terre d'ombre, bizarrement j'ai fait l'impasse sur Serena (oui le film a été tourné, j'ai vu des images mais je ne me souviens plus de l'actrice principale).
J'ai aussi été marquée de voir dans tes lectures beaucoup des miennes ou de mes envies !
Je n'ai pas encore fini de travailler sur mon blog.
Je n'ai pas encore lu One Foot in Eden, mais The Cove est magnifique. Serena est également superbement écrit, mais beaucoup moins touchant.
Désolée, parfois je ne vois pas les commentaires ! Ah j'ai vraiment envie de le lire. J'ai vu la bande-annonce pour Serena et l'histoire me tente moins également.
J'aime énormément cet auteur !
Je te conseille Serena et Une terre d'ombre si tu ne les as pas lu ! 🙂
Non je dois le faire … je tarde ! Tant de livres and so little time !
[…] traite. Non, dévoré. Ron Rash m’avait déjà énormément plu avec un autre de ses romans, Un pied au paradis et ce livre confirme l’immense talent que cet écrivain du Sud possède. Encore un ! […]
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