Une lecture qui ne m’aura pas laissé indifférente mais encore une rencontre manquée, pas avec l’auteur, Julia Kerninon, qui, il est évident possède une plume très intéressante et un style unique (j’aime ses longs paragraphes, ses digressions) mais avec son héroïne.
Lou, un jeune homme de 25 ans, tombé amoureux de ses onze romans ne peut résister à l’envie de la rencontrer et s’envole pour le Devon. Il réussit à pénétrer dans sa demeure pour une interview qui se transformera en séjour prolongé où l’auteur va lui raconter sa vie, ses amours et ses peines. Un an plus tard, Lou publie le récit de ses centaines d’heures d’enregistrement. Celui que nous lisons.
Je m’arrête là car sachez que Julia nous prévient dès le départ : les écrivains sont tous fous et Caroline ne fait pas exception à la règle. Lou est un fan absolu qui ne cesse de crier au génie et tout sur elle ou son œuvre sont animés de critiques dithyrambiques. Au point de m’avoir presque filer la nausée.
« Je visitais l’Europe. (…) A Rome, je fumais des Merit parce que cela semblait approprié ma situation, je comptais les palmiers et je me fais prendre en photo à côté des gladiateurs. (..) A Venise, je sortais les nuits de grande marée marcher avec des bottes en caoutchouc dans les rues inondées. De là, j’ai pris le train de nuit pour Budapest, où j’ai lavé mon corps dans les saunas brûlants et pris sans relâche les taxis d’eau d’un bord à l’autre du fleuve. (….) Je louais des appartements en Europe de l’Est où les murs vibraient quand un des habitants de l’immeuble jouait de la contrebasse, des appartements d’où j’entendais le sifflement des tramways dehors, des appartements situés sur les grands axes avec de tout petits balcons ronds où je m’asseyais pour boire mon café à l’aube, enveloppée dans des couvertures, sous la neige qui tombait doucement. » (p.103)
Julia Kerninon possède un vrai talent et je ne peux qu’être admirative. Elle nous invite à une démonstration de la langue française, de sa rhétorique, de son talent à manier les mots et c’est un énorme plaisir. Son écriture est exigeante, incisive et percutante. Mais la perfection est en ennuyeuse et surtout elle vous isole du reste. Un peu comme un enfant génie enfermé dans sa bulle.
J’ai échangé aujourd’hui avec une amie plus âgée et elle a eu ce ressenti : Julia Kerninon intellectualise beaucoup, elle est extrêmement douée et intelligente mais sa jeunesse et son manque d’expérience s’en ressentent. Dernier bémol : le roman foisonne de références bobo, de clichés (sur ces pays de l’Est, sur les artistes également, sur les familles prolétaires toutes violentes et néandertaliennes) qui gâchent le plaisir du lecteur.
La jeune romancière prépare une thèse dont le sujet principale porte sur les entretiens littéraires. Il est évident que ces interviews de The Paris Review qu’elle a étudiées dans le cadre de ses recherches ont un lien avec ce roman.
13 commentaires
Ton billet était on ne peut plus intéressant.
Les raisons pour lesquelles tu n'a pas aimé me disent que je n'ai pas du tout envie de le lire!
Pas pour moi celui-là.
Comme toi j'ai été scotchée par la lecture de ce roman. J'ai lu avec intérêt tes bémols, c'est sûr que cette Caroline n'est pas très attachante…
Oui, disons que j'ai vraiment eu du mal avec les protagonistes, sinon le style lui est impressionnant pour un premier roman.
Je m'en retourne dans ma campagne américaine 😉
Toi aussi ? C'est bizarre je n'ai pas pu le reposer tout en maudissant les personnages, une expérience très étrange !
J'attends son prochain …
Idem pour moi, sauf que je suis au coeur d'une campagne canadienne! Il fait chaud. Un gros feu de forêt menace… Je terminerai ce soir un gros coup de coeur qui se passe en Colombie-Britannique… À suivre!
Oh la chance ! Tu vois, tu vas pouvoir faire la carte du Canada ! Moi je continue mon odyssée américaine .. le bougre est obsédé par le sexe 😉
J'ai pensé à toi, j'ai passé deux heures hier soir à chercher les livres pour la carte USA,c'est fait – reste à la faire !
C'est drôle, Caroline a plutôt eu un effet hypnotisant sur moi, prenant le pas sur son arrogance. Au fond, j'ai senti une âme blessée, et adoucie par la présence de Lou. Je me rappelle avoir surtout été marquée par tous les événements qu'elle a traversés en si peu de temps, et ai beaucoup apprécié les réflexions sur les écrivains. Un coup de coeur pour moi : https://bullesdair.wordpress.com/2014/05/08/buvard-de-julia-kerninon/
oh oui c'est amusant de lire un avis tout à fait opposé ! comme ça, ça donnera peut-être envie aux gens de le lire ce que je souhaite car ce livre, comme tu le sais, a eu un super effet sur moi !
Bon premièrement, je ne savais pas qu'il y avait un prix Françoise Sagan.
Deuxièmement, je suis perplexe, je crois que le sujet principal pourrait m’intéresser, et certains passages dans ta chronique me donnent très envie. Sauf que, la distance que tu as eu face à l'héroïne et les clichés perpétuels, m'empêchent d'y aller ou d'essayer. . Malgré aimer généralement "La brune au Rouergue", depuis mon dernier coup de cœur… (mais là je m'éparpille). Du coup, je ne sais pas….
Si tu as l'occasion d'en lire une ou deux pages, n'hésite pas – le style est vraiment impressionnant et j'ai tout lu mais c'est vrai que j'ai eu du mal avec les personnages mais d'autres lecteurs ont aimé la romancière .. donc à toi de voir !
Je comprends que l'on puisse y trouver quelques clichés, avec le recul, je trouve une partie de l'histoire un peu caricaturée aussi. Mais qu'est-ce que j'ai aimé l'écriture ! Et tous les passages sur l’amour ! Vraiment, j'ai été transportée !
ah oui l'écriture ! d'ailleurs, je le répète : j'achèterai son prochain roman car plaisir pour les yeux ! et comme toi les passages sur l'amour (surtout le dernier époux) très beaux !
[…] Kerninon a publié trois romans, dont Buvard que j’ai lu et qui m’avait laissé une forte impression (plus mitigée), Le dernier […]
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