Deep in the mountains of Missouri, you can get beaten up for asking the wrong questions, everyone knows how to fire a gun, and most families are cooking up crank on the back porch. A teenage girl, Ree Dolly takes on more than she bargains for when she sets out to find her missing father… »
Ree Dolly, le personnage principal de ce roman coup de poing vit dans les montagnes Ozarks, au fin fond du Missouri – là où l’auteur, Daniel Woodrell a choisi de nous emmener avec lui. Un lieu aussi sombre, brutal et violent comme le sont ses habitants.
Ree Dolly, seize ans, élève seule ses deux petits frères Sonny (Jessup Jr) et Harold et s’occupe de sa mère neurasthénique qui passe ses journées assise dans un rocking chair à ressasser le passé. L’argent se fait rare et Ree est obligée surtout en cette période hivernale d’aller chasser l’écureuil pour nourrir sa famille. Un jour, le patron d’une boîte de cautions vient jusque chez elle lui apprendre que son père, Jessup Dolly, qui les a abandonné, doit absolument être présent à son procès sinon ils perdront leur maison, qu’il a mise sous caution.
Ree décide, contre vents et marées de partir à la recherche de cet homme pour le mener de force au tribunal. Elle hait ce bon à rien qui risque de les mettre dehors en plein hiver. Sa meilleure amie Gail, déjà mère à son âge d’un petit Ned, épouse d’un Langan, autre clan des Ozarks vient habiter quelque temps chez elle après avoir fui son mari volage. Les deux jeunes femmes se soutiennent dans cette nouvelle épreuve et Gail lui prête son vieux pick-up. Alertée par les voisins (du même clan), son oncle, surnommé Teardrop (tatoué sous un œil trois larmes) vient la voir et lui interdit fermement d’aller mener sa propre enquête dans ses montagnes où les Dolly, Langan et autres noms se font la guerre depuis des siècles. Mais Ree ne l’écoute pas.
« Ree walked down the Hawkfall hill with nothing watching her back but the sun. She kicked her boots scuffing loudly along the road and looked at thin smoke rails rising from chimneys below. Twice she turned about to stare toward home, but the antique truck was already beyond sight. Snow piles still lined the road, melting, but the fields were fast becoming mud acres with tattering white borders. » (page 128)
Une véritable plongée en enfer, menée tambour battant par un petit bout de femme qui refuse d’imaginer une vie plus misérable qu’elle ne l’est déjà. L’Amérique pauvre blanche, l’Amérique rurale, profonde, oubliée où les cousins épousent les cousines, où les mauvaises langues se disputent une énième vérité.. Rappelez-vous du film Délivrance (en Georgie) et vous comprendrez dans quel merdier vous avez mis les pieds. Ree s’enfonce dans le froid glacial et vous embarque de force. Et pourquoi acceptez-vous de la suivre ? Parce qu’elle est profondément humaine, battante et parce que l’histoire de son père, de sa mère et même de sa meilleure amie sont écrites magistralement par un auteur qui manie une plume aussi aiguisée qu’une lame de sabre. Parce que tout au fond, l’oncle menaçant et terrifiant pourra peut-être révéler une part d’âme et l’avenir ne sera peut-être pas aussi fermé qu’il ne l’est aujourd’hui.
J’ai lu le livre en anglais afin de mieux profiter du dialecte local et découvrir ces familles oubliées de tous qui survivent dans leurs cabanes en bois dans des conditions identiques au début du précédent siècle. Ces gens vivaient de pêche et de chasse mais aujourd’hui ils vivent de la production et de la vente de méthamphétamine et se déplacent toujours armés. Le lecteur plonge dans ce monde des ténèbres, dans une société qui nous était jusqu’ici interdite.
Daniel Woodrell signe un roman impressionnant, d’une maîtrise absolue et présente au monde une héroïne émouvante mais si courageuse qu’elle vous en mettra plein la vue. Un de mes moments préférés du livre est lorsqu’elle se retrouve face à trois femmes « Ozark » :
They came with the dark and knocked with three fists. The door shook as the clamor of beating knuckles filled the house. Ree glanced from a window and saw three like women, chesty and jowly, wearing long cloth coats of differing colors and barnyard galoshes. She fetched her pretty shotgun before opening the door (…) None of the sisters flinched or stepped back or changed expression.Merab said, « Come along child – we’re goin’ to fix your problem for you ». (…) Her hair was swept away from her face in a towering white wave that barely budged in the breeze. « Put that thing down.Show some smarts, child. »« Right now I feel like I want to blow me a big sloppy hole clean through your stinkin’ guts. »« I know you do. You’re a Dolly. But you won’t. You’ll put that scattergun down and come along with me’n my sisters ». (page 179)
Une histoire coup de poing qui vous plongera dans un monde fascinant, où tout le monde est lié, par le sang, le mariage, la haine et l’amour – où chaque jour est un combat et où seuls les plus forts s’en sortent. Et un personnage féminin impressionnant, sans doute l’un des plus marquants de la littérature américaine depuis quelques années.
Un énorme coup de cœur (encore un !).
J’ai lu ce roman dans le cadre du challenge 50 états 50 romans, l’Etat du Missouri.
♥♥♥♥♥
Editions Sceptre, 193 pages.
6 commentaires
J'adore Woodrell. Mon préféré est "La mort du petit cœur" (je ne connais pas le titre anglais).
Magnifique billet! Encore un coup de coeur «electrien» que je ne pourrai pas manquer.
J'ai trop envie de mettre les pieds dans ce merdier! Comme il est introuvable, je viens de le commander sur ebay. Je ferai un coup double: lire le roman, puis regarder l'adaptation.
Oui je compte le lire ses autres écrits. Tu dois vouloir parler de The death of sweet Mister.
qu'il a publié avant Winter's bone.
Merci !!! oui dans ce merdier, y a pas d'autres mots – introuvable ? J'ai eu de la chance car mon réseau de biblios l'avait et même d'autres livres de lui (en anglais et français).
Bonne idée le coup double !
Je sais que le roman va te plaire énormément et que tu vas être fan de cette ado.
[…] bone. J’avais trouvé son roman en anglais à la bibli et avait partagé ma chronique ici en mai 2015. Quand j’ai déniché à la bibliothèque ce recueil de nouvelles, j’ai […]
[…] de Percy, qui à bien des égards m’a fait penser au personnage de Ree dans l’excellent Winter’s Bone de Daniel Woodrell. Deux jeunes femmes de 16 ans, qui par la force des choses, ont du grandir avant […]
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