Le tireur • Glendon Swarthout

par Electra
3,4K vues
Nous autres, docteurs, savons reconnaître
une cause perdue quand – écoutez : il existe un satané
bel univers derrière cette porte : allons-y.
E.C Cummings
1901 – El Paso, Texas. La Reine Victoria vient de mourir. Une époque prend fin, celle du western et de ses légendes également. John Bernard Books en fait partie lorsqu’il franchit la porte de cette maison d’hôte, souffrant. Le médecin confirme ses craintes : J.B Books se meurt. L’une des plus fines gâchettes du Far West va mourir dans d’atroces souffrances (cancer de la prostate) d’ici quelques semaines. Très vite, la rumeur se répand comme une trainée de poudre. Les vautours affluent pour assister au spectacle de la mort du dernier des derniers. Books n’est pas idiot et décide d’organiser ses propres funérailles et sait parfaitement que tous ne veulent que se faire du fric sur son dos : qu’ils soient journalistes, barbier, ex-petite amie, croque-mort ou pasteur. Il les reçoit tous et découvre rapidement que trois autres bandits (un voleur de bétail, un joueur de cartes et un jeune fou de la gâchette) rêvent de devenir célèbres en le tuant.
Books décide, comme tout bon tireur, d’écrire lui-même le dernier chapitre de sa vie en organisant un magnifique coup d’éclat.
Un western magistral – maîtrisé de part en part par Glendon Swarthout. Un vrai cadeau que ce livre, trouvé par hasard, lors de mes pérégrinations à la BM. Impossible de ne pas repartir avec, même s’il n’était pas inscrit dans mon programme printanier !
Tout m’a plu, le style, d’abord – l’auteur nous fait partager les dernières heures d’une légende avec une écriture sèche et âpre. Les personnages sont tous uniques et passionnants. L’intrigue très forte.
Books se sachant mourant, tente d’agir bien cette fois-ci. Il prend conscience de sa vie, de ses échecs, de ses regrets mais aucun remords. Il n’est pas un assassin mais un homme qui sait mieux tirer que quiconque et dont la légende s’est bâtie autour de lui sans qu’il s’en inquiète. Peu à peu, sa fin approche et l’écriture de de Swarthout devient poignante. Une œuvre crépusculaire d’une des périodes les plus fascinantes de l’histoire de l’Ouest.
« Il rêva. Il n’eut pas de vision. Il rêva de l’échange de tirs au restaurant de Bisbee, dans l’Arizona, la seule bagarre où il ait été jamais blessé. Les deux hommes qui s’étaient jetés sur lui, les deux hommes qu’il avait tués n’avaient plus de visage; il ne les avait jamais vus avant ce soir-là, quand ils avaient échangé des insultes plus tôt dans la soirée à une table de bonneteau dans un saloon. » (p.65)
Le talent de Swarthout est de captiver son lecteur du début à la fin, même si parfois l’écrivain n’épargne rien des souffrances atroces du héros à ses lecteurs  sa perte de poids s’accélère, son visage se décharne) peut dérouter le lecteur. Mais c’est tout aussi passionnant de voir à quel point cet homme est dorénavant dépassé par une nouvelle époque, celle de l’électricité, du tramway, de la ville. Ainsi le shérif lui lance  “Où est votre place dans cette marche du progrès ? Nulle part. Votre place est au musée”. Sa mort annoncée attire tous ces êtres avides d’argent et de reconnaissance. Ils savent qu’avec lui s’éteint une des plus fabuleuses périodes de l’histoire américaine et chacun veut lui arracher un morceau de gloire.
« Je garderai ma fierté. Et mes revolvers chargés jusqu’à la dernière minute.”
Un vrai western avec un vrai duel comme on en rêve. Moi qui aimais regarder les western, enfant, avec mon père, j’aime vraiment les découvrir par le biais de l’écriture. Lonesome Dove aura été le point de départ de ma passion pour ce genre littéraire et Gallmeister a eu la bonne idée de les ressortir (comme Tavernier).  La tension est palpable comme au cinéma et contrairement au 7ème art, on s’attache plus facilement aux personnages (dans les films, ils sont souvent peu reluisants).
The shootist a été adapté au grand écran en 1976 par Don Siegel, avec l’indécrottable John Wayne dans le rôle principal, sous le titre prémonitoire : Le dernier des géants. Le casting était plus que satisfaisant : Lauren Bacall, James Stewart et le jeune Ron Howard.
Sept de ces romans furent adaptés au cinéma dont la fameuse 7ème Cavalerie. Pour ma part, j’ai hâte de découvrir son livre The Homesman, dont j’avais beaucoup aimé l’adaptation cinématographique et que Marie-Claude a eu la bonne idée de lire, la preuve son superbe billet, tout juste publié !
♥♥♥♥
Gallmeister, Collection Totem, traduction Laura Derajinski, 199 pages

Et pourquoi pas

20 commentaires

Sandrine 16 juin 2015 - 5 h 35 min

Tu donnes très envie de lire ce roman que j'ai noté ainsi que "The Homesman" : j'aime tout à fait les westerns, les romans historiques made in USA et je crois que je vais me régaler avec cet auteur.

Electra 16 juin 2015 - 5 h 35 min

Si tu aimes les western, c'est un must ! Tu vas te régaler 😉

Hélène 16 juin 2015 - 9 h 55 min

Je l'ai adoré !

Jérôme 16 juin 2015 - 9 h 56 min

Magistral, c'est le mot. Je garde de cette lecture un souvenir ébloui !

Electra 16 juin 2015 - 10 h 01 min

Oui, un talent immense ce mec !

Electra 16 juin 2015 - 10 h 02 min

Ce qui est sympa, c'est que ça ne paie pas de mine au départ et puis ensuite on est happé par l'histoire !

Marie-Claude Rioux 16 juin 2015 - 13 h 39 min

Je ne voulais pas lire ton billet. Pas avant d'avoir lu le roman. Mais je suis faible!
Magnifique billet, qui me donne d'autant plus hâte de m'y plonger. Je vais me régaler.
Glendon Swarthout a le don de détourner les codes du western: dans Homesman, le point de vue des femmes; ici un cow-boy malade…
Fascinant, tout ça.

luocine 16 juin 2015 - 13 h 39 min

je vais donc le noter , j'ai du mal avec les Western au cinéma mais en livre il faut que je m'y mette!

Electra 16 juin 2015 - 13 h 53 min

Oui, j'ai d'abord vu les western au cinéma (des bons et des moins bons) mais je les ai redécouvert par la lecture et là je trouve que ça marche très bien : la conquête de l'Ouest, le mode de vie des tribus indiennes, la violence… et là ils n'ont pas tous la tête de John Wayne !

Electra 16 juin 2015 - 13 h 55 min

Et moi alors ? Pour Homesman?? Pareil, même dilemme ! Mais j'ai craqué (bon j'ai vu le film…)
Ravie d'apprendre que le livre est meilleur que le film mais je m'en doutais car l'écriture de Swarthout est précise, ciselée et frappante !

Oui et ce livre est passionnant, c'est le chant du cygne … du grand ! et Jérôme et Hélène confirment mes dires 😉

Océane 16 juin 2015 - 15 h 22 min

Je me souviens avoir regardé le dernier des géants, et avoir adoré. Mon papa est fan de John Wayne, et j'avoue moi aussi. Je me souviens de l'intensité, de la force de ce film. Je crois que j'ai envie de me créer encore d'autres souvenirs, en me plongeant dans le livre. Et je crois que je vais aussi en parler à mon père 🙂
Belle semaine à toi.

Electra 16 juin 2015 - 15 h 24 min

Oh génial ! Je vais essayer de me procurer le film. Mon père aussi adorait les western et me laissait regarder la télévision le soir juste pour ce genre de films ! Ceci explique cela !

keisha 17 juin 2015 - 11 h 48 min

Un incontournable, presque un huis clos, sauf pour certaines scènes. Très fort!

Electra 17 juin 2015 - 11 h 49 min

Je pense qu'avec tous vos commentaires, Marie-Claude et Luocine ne vont pas résister longtemps 😉

zarline 17 juin 2015 - 14 h 23 min

Je crois avoir vu le film il y a longtemps mais mes souvenirs sont probablement suffisamment confus pour pouvoir apprécier le livre. Je me le note dans un petit coin, mais ce ne sont pas les Gallmeister qui manquent sur ma LAL…

Electra 17 juin 2015 - 14 h 23 min

Je te rejoins sur ce dernier point 😉

Kidae 18 juin 2015 - 5 h 43 min

Je ne suis pas très western, mais j'avoue que ton billet m'intrigue.

Electra 18 juin 2015 - 8 h 22 min

Merci ! Une forme de huit-clos à un moment charnière de l'histoire américaine si tu préfères !

Léa TouchBook 6 août 2015 - 20 h 52 min

Je dois absolument le lire ! 🙂

Electra 6 août 2015 - 21 h 00 min

Oh oui et vu tes goûts tu vas adorer !

Les commentaires sont fermés