La Faute à Keisha ! C’est elle qui a parlé de ce petit bouquin rose sur son blog. Je n’avais absolument pas prévu de le lire mais vous savez comme il m’est difficile de résister. Me voilà de retour à la bibli, le lieu de la tentation absolue. Je venais rendre mon seul livre emprunté pour en récupérer un autre (donc sage comme une image) mais je n’ai pas pu me résoudre à repartir de suite. Aussi ai-je décidé d’aller uniquement voir les livres mis en en avant par les bibliothécaires. Et que vois-je ? Le fameux petit recueil épistolaire signé Jane Austen ! Vu sa toute petite taille et étant en vacances, j’ai donc fait une exception.
Mais rassurez-vous, il m’aura fallu une toute petite heure pour venir à bout de cet entraperçu de la vie épistolaire de Jane Austen. Je l’ai déjà dit : j’ai découvert Austen à la fac, en étudiant la littérature anglaise. Je m’attendais à de la guimauve, j’en suis repartie avec des bonbons très acidulés, comme de la menthe blanche. Jane Austen avait le don incroyable de retranscrire la mesquinerie, l’orgueil et tous les autres défauts qui font de l’être humain un personnage parfait pour la fiction. De ces défauts, elle en faisait des atouts et recréait le petit monde de la bourgeoisie de cette Angleterre victorienne.
Je ne me suis jamais vraiment intéressée à sa vie et ce recueil m’a permis d’en mieux saisir la portée – sa vie familiale fut sans aucun doute une source inépuisable d’idées pour ses romans. Jane Austen est née en 1775 dans le Hampshire, son père, recteur d’une paroisse et sa mère eurent 8 enfants : 6 garçons dont cinq sont mentionnés dans ce recueil, aussi voici leurs noms : James, l’ainé, Edward dont je vais vous parler plus longuement, Henry, Francis (Frank) et Charles, et deux filles, Cassandra (née en 73) et Jane, l’avant-dernière.
Henry fut, ce qui était commun à l’époque, confié à la famille Knight, des cousins éloignés. Sans héritier et afin de garder cet héritage dans la famille, il était commun de confier un enfant du même sang. Il prit légalement leur nom en 1812. Henry hérita et devint banquier à Londres. Il logea gratuitement sa mère et ses deux soeurs jusqu’à la banqueroute. Il devint alors Pasteur Anglican. Il était par ailleurs l’agent littéraire de Jane. Celle-ci vécut longtemps dans les propriétés de Henry.
La famille est donc grande et rapidement les mariages se succèdent, les neveux et nièces se multiplient. Plus d’une trentaine. A cette époque, les décès en couche sont encore nombreux et Jane, qui vit avec sa mère et sa soeur, vont accueillir pendant plusieurs années des nièces et neveux.
Ce fut le cas d’Anna, la fille de James. Elle a perdu sa mère à l’âge de deux ans et est venue vivre pendant deux années chez Jane jusqu’au remariage de son père. Une fois adulte, la jeune femme commence à se prendre de passion pour l’écriture et les échanges épistolaires entre elle et sa tante tournent autour des projets de romans qu’elle a commencés à écrire. Elle envoie ses cahiers à sa tante qui se charge de lui répondre, de corriger ses erreurs et d’approuver ou non les orientations qu’elles donnent aux personnages. Parfois, il s’agit juste de rétablir le protocole en cours à cette époque (un médecin ne peut s’adresser à un Lord sans avoir été présenté, etc), parfois Jane, dont on voit ici, le talent confirmé de romancière, s’interroge sur ou tel personnage. J’ai beaucoup aimé les échanges avec Anne car on voit ici, l’écrivain Jane Austen, et non la tante, à l’œuvre.
J’ai appris que Jane avait rédigé plusieurs de ses romans alors qu’elle était encore très jeune, mais qu’elle a entendu près de vingt ans avant de les publier. Elle confie d’ailleurs à ses nièces qu’elle travaille (ou retravaille) sur tel et tel projet, ainsi j’ai appris que Northanger Abbey, s’est longtemps appelé Catherine et que Jane l’avait ressorti du placard, pour finalement l’y remettre. Il sera publié à titre posthume.
Anna publiera quelques écrits mais une fois mariée, elle abandonnera cette carrière, pourtant il est clair que sa tante y entrevoyait un grand talent et qu’entre elle une grande affinité existait. Dans ce recueil, on retrouve également la correspondance entre Fanny Knight, la fille d’Edward (née la même année qu’Anna) et Jane – ici un tout autre genre. Fanny s’épanche sur ses relations amoureuses et Jane, bien que restée célibataire toute sa vie (comme sa soeur), lui prodigue moult conseils. Ce qui m’a amusé, c’est qu’on en retrouve certains dans ses oeuvres. L’amour passe en premier et Jane la met en garde lorsqu’elle celle-ci n’est plus sûr de ses sentiments. Jane lui demande d’attendre « le bon ». Et Jane ne manque pas d’humour quand il s’agit de remonter le moral à sa nièce :
Ma très chère Fanny, je ne puis supporter que tu te morfondes à son propos. Pense à ses principe, pense aux objections de son Père, à leur volonté de s’enrichir, à cette mère frustre, à ces frères et soeurs aux physionomies chevalines, à ces draps reprisés, etc.
La troisième nièce est Caroline, la demi-sœur d’Anna, qui elle aussi tentera l’aventure d’écrire un roman. Ces lettres démontrent de la vie à cette époque. Les Austen vivaient en vase clos, et s’entendaient tous très bien. Tous les témoignages confirment l’harmonie qui existait chez elles – on s’y sentait bien. Les neveux et nièces adoraient venir chez leur grand-mère et leurs tantes. Jane adorait jouer avec eux, inventaient des histoires et tous ont été effondrés lors de sa mort prématurée (elle avait 41 ans).
J’ai vraiment appris énormément sur la vie à l’époque à travers ces lettres. Jane donne des nouvelles de tous ses frères mais aussi de ce qui se passe dans leur société, ce qui fait rougir ou ce qui embarrasse, comme ce qui fait sourire ou pleurer. Jane avait une vie plutôt rangée. Apparemment, elle faisait de la couture le matin, puis l’après-midi s’adonnait à des balades ou à des visites dans sa famille proche (chez ses frères). Les Austen ne possédaient pas de voiture (chariot) et étaient donc limités dans leur déplacement. Jane vécut quelques mois à Londres pour soigner son frère convalescent mais elle ne semblait se plaire qu’à la campagne.
En lisant ses lettres, j’ai découvert une personnalité vive (sauf sur la fin de sa vie, quand elle se sait malade), drôle et piquante comme je me l’étais imaginée. J’ai vu le film Becoming Jane (photo en une) qui racontait l’histoire d’amour avortée entre Jane et Tom Lefroy. Et apparemment, les faits sont véridiques, leur idylle qui eut lieu en 1795 fut empêchée par les deux familles pour leur manque de fortune respectif. Tom fut envoyé en Irlande et Jane ne le revit plus jamais (contrairement au film). Elle qui croyait au mariage d’amour, resta donc célibataire.
(Jane doit faire le retour avec une Miss Eliza dont elle redoute la compagnie). Nous n’arrivons pas à nous accorder sur deux idées. Elle est jeune, jolie, bavarde & pense surtout (je présume du moins) aux toilettes, à ses sorties dans la bonne société & à l’admiration qu’elle suscite.
Quand est-ce que Jane écrivait ses romans ou du moins retravaillait-elle ceux écrit lorsqu’elle était jeune? Bizarrement, Anna ou Caroline, n’en ont aucun souvenir. Anna se rappelle la voir écrire des lettres mais ce fut tout. On estime à plus de 3 000 lettres manuscrites mais seul 160 ont été retrouvées, ce qui laisse forcément planer un mystère sur la vie de Jane Austen. Son neveu publia, à la demande du public, une biographie de sa tante (elle devint extrêmement célèbre quelques années après sa mort) mais celle-ci reste courtoise et survole la vie de sa tante.
Ce qui me plait, car si mon personnage préféré n’est autre que Lizzie Bennett, c’est parce que j’y entrevois sans doute un peu de Jane Austen, dans son amour pour la marche, la campagne anglaise mais aussi j’apprécie son humilité, son naturel. Jane est aussi attachante que ses personnages. D’ailleurs, Fanny qui devint la très riche Lady Fanny Knatchbull, dressa, dans son vieil âge, un portrait peu flatteur de sa tante en lui reprochant son manque d’éducation et de savoir-vivre. Je souris en pensant que Jane avait déjà fait son portrait dans cette fameuse scène où Lady Catherine De Bourg reproche à Lizzie son manque d’éducation et de savoir-vivre 😉
Bref, j’ai dévoré la présentation de Marie Dupin, ses notes de bas de page et j’ai trouvé intéressant que les rares témoignages sur leur tante défunte, soient joint à ce recueil.
Donc encore merci à Keisha 🙂
Editions Finitude, trad. Marie Dupin, 175 pages.
14 commentaires
Ouf! En tant qu’Austenmaniaque je me suisrégalée, et suis contente que toi aussi! J’espère que cela te donnera l’envie de lire (ou relire) cet auteur. Dans ces lettres on retrouve l’esprit des romans. Tu as remarqué qu’un neveu Lefroy est présent dans ces lettres? Comme quoi… Oui, l’amour, mais pas que et à cette époque on demeurait raisonnable quand l’argent ne suffisait pas pour un mariage. Dans ses romans on le sent, regarde l’amie d’Elisabeth, celle qui a épousé l’affreux collins, regarde ses explications…
Austenmaniaque ? J’adore ce terme !
Je n’ai pas résisté à cette lecture, c’est vrai qu’on retrouve ici son esprit et ses réflexions sur l’amour en général et sur la société de l’époque. Même si elle encourage uniquement les mariages d’amour, elle-même n’épousera pas l’élu de son cœur. Mais oui, ça donne envie de relire ses œuvres !
Austenmaniaque aussi je ne peux que noter !!!
Ah ! Nous faisons donc partie d’un club très privé 😉
j’adore Jane Austen, dont j’ai toutes les oeuvres, et j’aimerais mieux la connaître en tant que personne…ce recueil de lettres me semble donc tout indiqué 🙂
Oui, il est très agréable à lire, fluide, drôle et j’ai appris plein de choses sur Jane Austen ! Il était à ma bibli.
Je l’ai lu aussi, et je me suis régalée. Vive Jane Austen, que j’adore.
Oui un très joli moment de lecture et une découverte de la vie à l’époque 🙂
J’ai toujours été fascinée par la vie de Jane Austen, par la douce ténacité dont elle a fait preuve, à son époque, et avec le rôle social qu’on lui imposait, très naturellement. être plus qu’une femme, une fille, une sœur.
J’ai très envie de découvrir un peu plus de ces détails du quotidien, et redécouvrir la jeune femme qui a su si bien me transporter par ses romans !
Je pense que le livre te plaira, elle est aussi drôle et futée que ses personnages. J’ai vu beaucoup de Lizzie en elle. Et ses conseils à ses nièces … Lance-toi !
J’ai l’impression de ne pas faire partie de la même planète que Jane Austen… Sacrilège: je n’ai jamais été sensible à ses mots ni à son univers…
Et où sont passés les petits coeurs en bas???
Oh oui ! Sacrilège !! comment te pardonner ?!
Mais je suis fan de Salinger, moi! Ça compte?
Tu dois le savoir, je n’ai pas encore succombé à Jane Austen, et pourtant, on m’en rabâche les oreilles. Je dois avouer que cet article me donne très envie de me lancer dans ces lettres, pour peut-être me pousser à lire son oeuvre. Je ne sais pas, je ne sais pas.
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