Une nouvelle lecture dans le cadre de la rentrée littéraire ! Je l’avais repéré dans mes envies en juin dernier, sans connaître l’auteur, Christoph Hein. Ce dernier, né en Silésie en 1944 est pourtant très connu outre-Rhin pour ses écrits et ses interventions publiques depuis1989 (la fameuse chute dur Mur). Il est aujourd’hui l’un des intellectuels les plus importants de l’Allemagne contemporaine et vit à Berlin.
Le héros de son roman s’appelle Rüdiger Stolzenburg (étrangement son nom m’a vraiment posé souci pendant ma lecture) et il fête ses 59 ans lorsque l’histoire commence. Chargé de cours à mi-temps à l’université de Leipzig, l’homme comprend qu’il ne sera jamais titularisé. En premier parce que l’université manque cruellement d’argent, et en second parce que son champ de recherches (professeur d’éthique) n’intéresse personne. Mais ce dernier pense surtout que les postes sont attribués en priorité à des collègues originaires de l’Ouest. En effet, depuis la chute du Mur, ces derniers sont arrivés avec une réforme en profondeur du système universitaire qui a suivi a bouleversé ses plans de carrière. Rüdiger Stolzenburg est un homme peu aimable. Il collectionne les femmes, souvent jeunes, et accorde peu de cas à la seule femme qui l’aime réellement. L’homme est plutôt imbu de sa personne : il ne cesse de juger ses collègues pour leurs comportements parfois fallacieux et estime être un des rares à exercer encore son métier avec sérieux.
Mais les ennuis arrivent bientôt. Ainsi, notre homme, qui est dépensier et n’arrive pas à économiser le moindre sou n’arrive pas à joindre les deux bouts car tout a augmenté depuis la réunification. Lorsqu’il reçoit un courrier du fisc lui notifiant un redressement d’impôts (plus de 13 000€), notre héros est effondré. Il ne comprend pas et demande l’aide à une collègue qui lui conseille un ami expert financier afin de négocier avec le fisc.
En attendant, Rüdiger Stolzenburg continue de fantasmer sur des manuscrits inédits signés du librettiste et compositeur Weiskern dont il aimerait tant publier les écrits, mais aucun éditeur ne trouve le projet sérieux et toutes ces tentatives échouent. Aujourd’hui, dans la société de consommation, il faut vendre or Weiskern est tombé dans les oubliettes. Lorsqu’un collectionneur l’informe être en possession de lettres inédites de Weiskern, notre héros croit avoir trouvé la solution. Le collectionneur lui affirme qu’elles ont été identifiées par les autorités autrichiennes et il lui propose de les racheter à un prix avantageux avant de les proposer à un musée. Mais Rüdiger Stolzenburg n’a pas l’argent – le voilà à remuer ciel et terre pour trouver les fonds, quitte à remettre en cause tous ses principes.
Que dire ? Christoph Hein montre ici comment la vie simple d’un chargé de cours peut se transformer en un véritable cauchemar. Rüdiger Stolzenburg se souvient avec plaisir de ses premières années d’enseignement, le temps où il ne présentait jamais deux années de suite les mêmes cours, le temps où ses étudiants le vénéraient. Mais les temps ont changé : les étudiants ont quitté ses cours, l’éthique n’a plus bonne presse. Il ne peut s’empêcher de dire à voix haute de ce qu’il pense de la réunification, en tant qu’Allemand de l’Est : il vilipende la course à l’argent et le dit ouvertement à cet expert financier qui vient l’aider à résoudre son problème avec le fisc. Ce dernier, qui aime gagner de l’argent facilement en boursicotant ne comprend pas le choix de vie de notre professeur. Les deux mondes s’entrechoquent
Mal à l’aise dans cette société de consommation, Rüdiger Stolzenburg est amené à faire des choix cruciaux : doit-il céder à la tentation ou au contraire rester fidèle à ses principes ? Il semble totalement perdu dans cette nouvelle Allemagne. Comme le manuscrit égaré de son héros, Rüdiger Stolzenburg semble faire partie du passé.
Le dramaturge offre au lecture une vision plutôt lucide et amère du monde réel. Mon seul bémol c’est que l’action est supposée se dérouler aujourd’hui, or la chute du Mur date de 1989…Sinon, le héros est parfois trop naïf et son comportement envers les autres est parfois déroutant. Il est égocentrique et orgueilleux mais ses ennuis le rendent soudainement vulnérable et donc plus humain.
Un regard intéressant sur l’Allemagne et ses habitants, je comprends mieux pourquoi l’homme est un intellectuel respecté. Si, lors de ma lecture, je n’ai pas pensé à la réunification en elle-même, il s’attaque surtout à la société de consommation, il m’apparait clair à présent qu’elle est un des sujets de fond de ce roman. L’autre, portant, à mon avis, sur la différenciation entre l’image que l’on a de soi et sur celle que nous renvoient les autres.
Connaissiez-vous cet auteur ? Le livre sort en librairie le 1er septembre.
♥♥♥
Éditions Métailié, Weiskerns Nachlass, trad. Nicole Bary, 272 pages
8 commentaires
Je ne connais pas du tout cet auteur, mais tu me donnes envie de le découvrir.
Merci ! Moi non plus or c’est dommage il s’agit de nos voisins.
Connais pas. j’ai sûrement vu passer le livre dans un courrier de chez l’éditeur, mais je reste prudente désormais. (j’aime l’éditeur, hein!)
Prudente ? Moi aussi je l’ai repéré ainsi et je me suis lancée 😉
Enfin un livre de la rentrée qui me tente ! Est-ce qu’on pourrait dire qu’il s’agit d’un campus novel allemand et déprimé ?
Oui,effectivement il aborde beaucoup le sujet de l’université et les étudiants d’aujourd’hui (l’un d’eux veut lui « acheter » son diplôme) en comparaison avec une autre époque. Si tu aimes ce qui tourne au milieu du milieu universitaire, alors oui – comme le fait que les financements ont diminué – et qu’on se pose la question de ce genre d’enseignement. Contente de voir que tu sembles intéressée ! Évidemment on parle aussi de sa vie privée (chaotique) et de son ressenti face à la société actuelle.
Je note !
Même si au fur et à mesure de mes lectures, je me rends compte que je suis souvent très déçue par la littérature allemande… Pourtant j’adore le pays ! Mais je ne sais pas, à chaque fois les personnages sont à moitié dépressifs et du coup je n’accroche pas (oui oui, bonjour la généralité)
Le dernier que j’ai lu se suicide maintenant que tu en parles mais ici ça finit pas trop mal !
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