Cette lecture est assez spéciale puisque le livre m’a été offert par ma copine Marie-Claude à mon arrivée à Québec début juillet. Ceci explique pourquoi j’ai entre les mains l’exemplaire de la maison d’éditions Alto et non celui publié par Rivages en France 🙂
En faisant dédicacer mon livre à Emily Saint-John Mandell lors du Festival America, celle-ci a immédiatement reconnu l’édition canadienne. Pour information, la jeune femme vit à New-York mais est Canadienne, originaire de la Colombie Britannique.
J’avoue que je lis peu de roman d’anticipation et/ou post-apocalyptique – et peu est même exagéré! J’étais donc circonspecte à l’idée de me lancer dans cette lecture. Bon, si, j’en ai lu un – et que j’ai beaucoup aimé : La route de McCarthy – j’avais beaucoup aimé cette lecture. Mais je l’avais oublié en commençant ce roman, probablement parce que l’auteure fait tout au long de son livre des allées et retours entre le passé et le présent – avant et après la pandémie qui a ravagé la planète.
L’histoire débute par la représentation d’une pièce de Shakespeare, l’acteur principal interprète le Roi Lear lorsqu’il s’effondre sur la scène, victime d’un arrêt cardiaque. Malgré les massages cardiaques prodigués par un spectateur, paparazzo, la star mondiale du cinéma décède devant les spectateurs et le reste de la troupe, dont une petite fille qui restera marquée à vie par cette scène. Le jour suivant, une pandémie frappe la terre entière et se propage à la vitesse du vent, tuant des milliards d’êtres humains.
An 15 après le cataclysme – une troupe d’acteurs et de musiciens vivote en se déplaçant de communautés de survivants en communautés le long du lac Michigan pour jouer du Shakespeare. La petite troupe fait attention, car la maladie sévit encore et il n’y plus hôpital, médecins ou médicaments pour vous soigner. La petite troupe a recueilli au fil du temps des personnes seules, comme l’héroïne qui n’est autre que la petite fille de la pièce de théâtre. Cette dernière collectionne depuis tout ce qui à trait avec cet acteur, décédé subitement. Elle et ses congénères fouillent les maisons ou magasins abandonnés, à la recherche de nourriture, pansements ou autres matériels nécessaires à leur survie. Il n’y a plus d’essence, ni électricité, ni gaz. L’apocalypse a fait faire un bond en arrière à la civilisation. Mais la petite troupe de théâtre apporte sur scène un peu d’espoir et d’humanité en jouant les textes de Shakespeare, au milieu de paysages en pleine désolation.
La troupe parcourt les mêmes trajets depuis quinze ans et veulent retrouver deux des leurs, qui avaient préféré se poser pendant deux ans, le temps pour la femme d’avoir son bébé. Mais en arrivant dans la communauté, leurs amis ont disparu et pire encore, la communauté vit sous le joug d’un illuminé de Dieu qui se prend pour le Messie et a droit de vie ou de mort sur tous les membres. La troupe doit fuir précipitamment….
Emily Saint-John Mandell centre son roman sur la pandémie et les décennies précédentes et suivantes, en se concentrant sur la destinée de plusieurs personnages dont les existences ont été liées l’un des personnages. L’héroïne garde garde précieusement envers elle quelques objets comme un presse-papier (d’où ma photo) et des feuillets appartenant à un roman graphique, intitulé Station Eleven. Créé par l’un des personnages avant la pandémie, il décrit la vie d’une poignée de survivants, après l’explosion de la Terre, dont la navette a dévié de sa trajectoire et les a emmenés dans cette fameuse station. Prémonitoire me direz-vous ? Cet illustré joue aussi le rôle d’un fil conducteur entre les personnages du passé et ceux du présent.
Je n’en dirais pas plus, sinon, que la romancière américaine a réussit à écrire un roman profondément mélancolique – comme ce Musée des Objets où on peut y apercevoir un smartphone, un écran plat ou un ordinateur. Vestiges d’une civilisation disparue. Un endroit où on essaie d’enseigner aux nouvelles générations que les avions, abandonnés sur les pistes d’aéroport, se soulevaient dans les airs et pouvaient parcourir des milliers de kilomètres.
Le roman est magnifiquement écrit et comme l’a dit George R.R Martin « merveilleusement élégiaque« . Que ressentirions-nous si demain tout s’arrêtait ? Mais que tout resterait sur place, sous nos yeux? De la nostalgie ? Comment éduquer nos enfants ? L’auteure a un talent formidable : faire ressentir à ses lecteurs l’intension émotion de ces personnages dont les existences ont été fauchées par un cataclysme, tel qu’il a remis en question toutes nos croyances et idéologies.
Qu’en est-il de l’art ? La culture ? Shakespeare joue ici ce lien tenu entre le passé et le présent, entre le sauvage et le civilisé. Une réflexion profonde mais jamais sous forme d’aphorisme, bien au contraire. On suit pas à pas le destin de ces personnages, leur combat, leurs vies, leurs rêves et pour certains leurs derniers instants.
Ce roman a été finaliste du National Book Award et je comprends mieux pourquoi ! Lors d’une conférence à laquelle elle participait, l’auteure expliquait qu’elle avait peur d’être « catégorisée », elle avait en effet déjà publié plusieurs romans policiers et ne voulait pas être cataloguée « romancière policière ». C’est en mettant bout à bout plusieurs évènements ou rencontres (elle l’explique à la fin du livre) qu’elle a réussi à tisser cette toile magique et à me faire rêver pendant toute ma lecture. Je ne croyais pas pouvoir être aussi touchée par un roman d’anticipation.
♥♥♥♥♥
Editions Alto, trad. Gérard de Chergé, 427 pages
28 commentaires
Oui, je me souviens de ta rencontre avec elle. Il me tarde de lire le roman (un jour, à la bibli…)
Il faut ! Il te plaira
Comme Keisha, il me tarde de le lire ! J’ai encore demandé ce weekend quand il arrivait, mais ils sont en retard dans ma bibliothèque. Je sens que je vais craquer et que je vais filer me l’acheter un de ces jours si ça continue 🙂
Il est vraiment à part dans cette rentrée littéraire – et j’aime le fait qu’il soit vraiment concentré sur les sentiments humains juste après la pandémie avec ceux qui ont connu « l’avant ».
A toi de voir si tu craques ou pas !
J’ai vraiment hâte de le lire!! je le lirai forcément en Octobre, car il sera à l’affiche de notre podcast (Bibliomaniacs) enregistré début Novembre – comme toi je ne suis pas adepte des romans d’anticipation (ou de fantastique, ou de science-fiction…) mais j’ai aimé La Route – et la série Walking Dead – et puis je te fais confiance!
Oh que de responsabilités ! Mais oui, comme je le dis, je ne suis pas vraiment fan mais là comme c’est placé juste après, c’est plus sur une poignée d’humains dont la vie s’arrête brutalement pour certains et d’autres qui doivent vivre l »après » – et c’est très bien écrit ! hâte d’avoir ton avis 🙂
Superbe chronique, du coup je le rajoute à PAL !
Ah merci ! bonne idée ! il le mérite 🙂
Pas vraiment mon truc le post apocalyptique (même si je viens d’en lire un en BD) mais celui-là a vraiment l’air de sortir du lot, je me rappelle encore du billet enthousiaste de Marie-Claude !
Pareil pour moi, je peux les compter sur les doigts de la main ! mais oui, quand Marie-Claude me l’a offert, j’ai été très sceptique et puis elle a eu raison ! il sort vraiment du lot.
Tu m’a fais découvrir « En attendant Bojangles#, je t’ai fait découvrir #Station Eleven ». Pas mal, comme découverte, hein! Ravie que tu l’aies aimé. Ce n’étais pas gagné! Et ton billet rend magnifiquement bien justice au roman. Lequel de ses polars lis-tu?
Variations Sebastian, je l’ai pratiquement terminé !
oui, on n’a pas mal réussi notre coup ! 😉
Déjà dans ma liste à lire celui-ci !
J’espère qu’il te plaira. Il nous embarque vraiment ailleurs et c’est ce qui m’a plu.
Je suis en plein dedans, j’adore !
Bonne nouvelle
Mélancolie. Je crois qu’il n’y a pas de meilleurs mots pour décrire ce magnifique roman. Très belle chronique !
Merci beaucoup ! oui la mélancolie, on ne le voit plus beaucoup dans les romans. Un roman sublime.
Un livre laisse rarement sa trace chez moi, celui-ci me hante encore!
oui – et la mélancolie qui s’en échappe ..
Ton billet donne drôlement envie ! Moi non plus ce n’est pas mon type de littérature, mais j’avoue que tu m’intrigues, et il y a du Shakespeare dedans ! Et en plus si c’est bien écrit… je fais descendre un peu ma PAL et je m’y mets 🙂
Oui,ce n’est pas du tout ma tasse de thé mais il est vraiment à part et la nostalgie d’un monde disparu, ça te parle, non avec Fitz ? 🙂
Ma PàL est gigantesque …
Carrément ! Sauf que les années folles ça m’inspire bien plus 😉
Ah moi aussi !
Le côté post-apocalyptique me donne jamais très envie… Mais une Booktubeuse américaine me l’avait tellement bien vendu avant sa traduction que j’avais failli le commander plusieurs fois sur The BookDepository… Mais j’avoue que le niveau d’anglais m’a un peu découragée (on m’a dit qu’avec les flashbacks et compagnie, c’était parfois difficile de suivre en VO).
Il faudrait que je me repenche sur la question maintenant qu’il est traduit en français !
Je ne suis pas du tout fan de ce genre de roman, mais ici c’est au second plan. Il s’agit de l’humain, de la mélancolie, du besoin d’aimer et de vivre ensemble. Je te le conseille fortement.
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