Marie-Claude connaît mes limites en matière de lecture – si je peux lire assez facilement des romans noirs, je suis plutôt réservée pour d’autres lectures comme les thrillers. Il y a fort longtemps je lisais Mo Hayder par exemple. Et puis mes goûts ont évolué. J’aime les romans noirs américains, un univers à part où l’auteur ne croit pas en la rédemption, ou plutôt il pense qu’elle arrive trop tard pour ses personnages. Pas de happy-ending à l’américaine, ou devrais-je dire, à la française ? Car me voici soudainement avec entre les mains un thriller français. Un Noir. Noir ébène.
Mattias Köping signe ici un roman qui m’a laissé quelque peu perplexe au tout début puis m’a littéralement kidnappé. J’ai commencé ma lecture un lundi, une dizaine de pages tout au plus. Ne sachant si j’allais aimer ou pas : drogues, meurtres, trafic humain et même pédophilie au programme. Pas mon sujet préféré ! Mais l’auteur a eu une idée de génie : placer l’action au cœur d’un village de la campagne française, tout près de l’autoroute – dans l’Eure.
Les paysages sont comme les protagonistes : lugubres. Des forêts profondes vous accueillent, entourées de marécages. Bienvenue à la Souille, le repère de l’Ours. Ce dernier dirige son clan d’une main de fer et chaque jour il continue d’élargir l’emprise de son royaume. L’Ours, c’est un homme au physique démesuré – il vit dans la forêt avec son frère Dany, toujours accompagné du Simplet, un homme de petite taille bossu, et leur mère, une vielle femme acariâtre. Celle-ci dirige une des auberges locales locales.
L’Ours a une fille adolescente Kimy – qui n’aime ni son nom, ni sa vie. Elle n’a d’ailleurs qu’une seule idée en tête : mettre à mort la figure paternelle. Et l’occasion se présente enfin sous les traits d’un professeur de français dépressif….
Que dire ? Mattias Köping réussit à vous embarquer dans l’enfer de la Souille – aux côtés de Kimy et de Henri qui affrontent ensemble le clan Mauchrétien, Jacky (dit l’Ours) et Dany. Ces deux règnent sans partage sur la région. Jacky cache derrière ses activités professionnelles (une exploitation forestière, la boite de nuit du coin et quelques autres trucs) un véritable trafic : en échange de prostituées, ou plutôt de jeunes femmes venus des pays de l’Est et transformées en esclaves sexuelles à la Souille avant d’être déployées sur le reste de la France, Jacky revend de la drogue – beaucoup de drogue. Car loin de la capitale, les Français s’ennuient et dans les boites de nuit locales, les jeunes aiment s’évader à coup de pilules roses ou bleues. L’ecstasy, mais aussi la cocaïne et la marijuana.
Depuis quelque temps, l’Ours utilise sa fille pour infiltrer le lycée du coin. Revendeuse, elle doit laisser une grande partie de ses gains à son père qu’elle évite de rencontrer au maximum. La jeune femme, dont la mère a disparu peu après sa naissance, a fini, comme les filles de l’Est qu’elle voit passer. Elle fait des passes lorsqu’elle n’est pas violée par son père ou son oncle. Elle sait qui se cache derrière ses hommes cagoulés qui viennent violer les jeunes femmes, enfermées dans la cave de la Souille. Elle a été leur victime. Sa dernière passe, se jure-t-elle ainsi un matin puis elle fuit à travers champs. C’est là qu’elle l’aperçoit, lui, le professeur dont le visage lui est familier. Assis dans l’herbe contre un arbre, il lit tranquillement lorsqu’un coup de téléphone l’arrache à son plaisir. Kimy en profite pour se faufiler et lui dérober son livre.
Cet acte va signer entre elle et lui le début d’une drôle d’amitié qui va les mener à affronter le monstre.
Je n’en dirais pas plus – mais au fil des pages, la tension ne cesse de monter. Les protagonistes sont effrayants par leur monstruosité mais encore plus par leur lâcheté. Parfois, je me suis dit que cela ne pouvait pas exister ici, en France. Mais je sais que c’est possible. D’ailleurs, le partenaire de l’Ours, l’Albanais a vécu dans un pays, vraie plaque tournante du trafic humain. Ils y violent et torturent les jeunes femmes (et les rendent dépendantes à la drogue) avant de les déployer sur le continent européen.
Ce que j’aime dans ce roman noir, c’est l’économie des mots. Ici tout sert l’histoire : le rythme aussi. Une vraie bombe à retardement, impossible de reposer le lire avant d’avoir fini le roman. Moi qui ai enchainé les déceptions dans mes dernières lectures policières, je suis ravie de pouvoir découvrir ici un romancier qui sait faire du noir, très noir. Et sans latte, Marie-Claude 😉
J’avais beau imaginer à plusieurs reprises la fin, celle-ci m’a surprise. Même si je trouve parfois les fils un peu trop gros, tout fonctionne quand même. Même si mon cœur de midinette aurait préféré que le livre se termine quelques pages auparavant !
Et pour ceux qui se demandent pourquoi j’étais perplexe au départ, un extrait du premier chapitre :
Le livre sort aujourd’hui en librairie. Si vous cliquez sur le lien, vous pourrez dénicher les librairies qui distribuent les livres des éditions Ring.
♥♥♥♥♥
Ring, Ring Noir, 400 pages, 2016
10 commentaires
Heu…
(au fait je parle de ton chouchou mais j’ai préféré Le chant des plaines, désolée)
Morte de rire ! en termes de préférence, je place aussi le chant des plaines en premier 😉
sans doute aussi, parce qu’il m’a fait découvrir cet auteur. Je te conseille ses autres romans puisque tu lis en anglais !
Ahhhhhh « Le chant des plaines ». Un de mes meilleurs romans à vie. Ahhhh
Ouiiiiiii <3 <3
Morte de rire! Si le sujet et les personnages me tentent, la citation et les fils un peu trop gros, me refroidissent!
Sache, ma chère, que le latte n’est pas moins corsé, et ce, malgré les apparences!
non je persiste et signe pour le latte ! pour les fils, ils ne sont pas si gros que ça – et les personnes ont raison de te tenter, tu pourras le récupérer l’an prochain !
Hou là là …… Je reste fort perplexe à la lecture de la première page ….. C’est du top much misérable pour moi ! Même si finalement ton avis est plutôt positif, et que le thriller, même français et très noir en général ne me fait pas peur ! Donc, merci d’avoir mis cet extrait, parce qu’ autrement, je me serais bien laissée tenter !
En fait l’extrait est sans doute le plus dur – après c’est différent ! Ca a l’air d’être ton genre pourtant !
J’avais envie de lire ce roman découvert récemment mais je suis encore dépitée de ne pas l’avoir sous ma patte TT, l’extrait que tu as mis donne l’eau à la bouche et ta critique également. Il me tarde de le lire !
il est très marquant, très violent mais une fois commencé, on ne le lâche plus 🙂
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