J’ignorais tout de l’auteur mais l’idée d’être transportée au Mexique, pas trop loin de Guadalajara me tentait bien ! Et quelle bonne idée ai-je eue. J’ai dévoré ce roman, très court il faut l’avouer, en moins de trois petites heures. Mais quel plaisir ce fut. Je ne connais pas l’auteur, Antonio Saraba, l’éditeur m’apprend qu’il a vécu à Paris, à Guadalajara et vit dorénavant à Lisbonne. Qu’il a publié des romans historiques raffinés et érudits non traduits. Deux de ses romans ont été publiés en France, j’ignore s’ils sont du même acabit.
Passons aux choses sérieuses, on avale une petite gorgée de tequila et on s’installe bien dans son fauteuil – si possible au soleil, comme je l’ai fait, pour avoir bien chaud comme au Mexique. Hilario Godínez est journaliste sportif au Sol de Hoy dans une petite ville de province mexicaine. A bientôt quarante ans, lui qui rêvait d’être écrivain doit admettre que sa vie est assez morne, même si ces chroniques d’après-match sont très appréciées. C’est que choisir des études littéraires à la faculté ne l’a pas mené loin, ses amis sont docteurs, entrepreneurs, banquiers et tous mariés. Hilario vit un peu comme si le temps était suspendu. Suspendu depuis quinze ans en fait, depuis le jour, où étudiant en dernière année, il a reçu la carte postale d’une jeune femme qui semblait bien le connaître et a signé son mot par « la femme de tes rêves » – depuis lors, elle lui écrit une fois par semaine une lettre d’amour sans jamais rien dévoiler de son identité.
Hilario sait bien qu’elle a, en quelque sorte, enfermé le jeune homme qu’il était dans une cage de verre. Mais les choses vont se mettre à bouger bien malgré lui. Un jeune homme de bonne famille est enlevé, chose courante au Mexique mais contrairement aux kidnapping crapuleux, Jorge est assassiné et son corps est retrouvé atrocement mutilé. Son collègue, spécialiste des faits divers accuse la mafia locale et voit Tino, un tueur du cartel et ses hommes débouler au journal. Ils le tabassent fort aux yeux de tous, Hilario est choqué. Mais quelques jours plus tard, c’est l’espoir du club de foot local et de tout le Mexique, Torito Medina qui est à son tour enlevé. Son corps démembré est retrouvé dans le même dépotoir quelques jours plus tard. Hilario ne peut s’empêcher d’aller trouver Tino, qui est aussi un grand fan de ses chroniques de foot pour lui demander des infos. L’homme le met en garde mais Hilario est pris d’une soudaine soif de vérité – car il est le seul à avoir fait le lien entre le joueur de foot, Tino et un artiste local, au nom néerlandais (mais à l’accent affreusement portugais). Celui-ci est le protégé de l’oncle de Susanita, la jeune chroniqueuse mondaine de bonne famille qui plait beaucoup à notre journaliste sportif.
Dans ce petit polar, où les cadavres démembrés tombent comme des mouches, où le journaliste finit par accorder plus de confiance à un tueur du cartel qu’à la police elle-même, Antonio Sabaria dresse un portrait saisissant du Mexique d’aujourd’hui. Un pays où les enlèvements, les corruptions, les matches truqués sont choses normales – ainsi notre journaliste sportif est blasé mais malgré tout, le pays est encore capable de rêver et d’aimer.
J’ai adoré cet équilibre fragile entre la violence et l’amour – ces lettres anonymes, les rêvasseries de notre héros qui se voyait déjà en haut de l’affiche et se réveille assis face à un tueur de cartel à parler football. On ne s’ennuie pas une seconde. Et surtout le choix narratif de l’auteur : un narrateur omniscient véridique mais qui s’adresse directement à notre héros, en employant le « tu « . J’ai, à la fin de ma lecture, pensé qu’il aurait pu s’agir de Dieu, mais ce n’est pas ça, c’est juste qu’il regarde notre protagoniste velléitaire avec un regard bienveillant mais aussi réaliste. Le mieux est de partager un extrait :
En la voyant dans cette jupe cintrée, qui te laissait admirer une partie de ses jambes, tu t’es raccroché à l’idée idiote que ta matinée n’était pas complètement fichue. Dieu m’est témoin, Hilario Godínez, que tu es un incurable optimiste et que c’est pour ça qu’il t’arrive toujours ce qui t’arrive. Dieu soit loué.
Voilà, j’ai adoré cette parenthèse mexicaine, j’ai aimé les personnages et le regard de l’auteur sur ses concitoyens – un regard amoureux. Comme la femme de ses rêves envers Hilario. Un très bon moment de lecture rafraichissant et réjouissant !
♥♥♥♥♥
Editions Métailié, No tienes pierdón de Dios, trad. René Solis, 176 pages, 2017
8 commentaires
Toujours de bonnes choses chez Métailié, c’est sûr, et l’occasion de découvrir des pays moins lus!
Oui des pépites ! Et celle-ci au goût de tequila! Ça fait du bien de voyager
il me botte carrément celui-là
Pareil
Très attractif, peut-être parce que je sors de quelques centaines de pages au Mexique et que ça me manque 🙂
Oui peut-être ! Il se lit bien et permet de s’échapper quelques heures au soleil et parler d’amour (et de football et de meurtres…)
Roman très sympa.
Oui j’ai aimé la dynamique !
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