Souvenir de mon séjour à Paris, pour le salon du livre, j’avais déniché cette autobiographie célèbre de Jeannette Walls dans une boutique Oxfam. Le livre a été publié en français en 2009, et il est disponible en format poche (Pocket) pour une modique somme.
De son enfance, Jeannette Walls a très peu communiqué, même à son entourage personnel ou professionnel. Mais un soir, alors qu’elle se rend à une soirée, habillée chic et vêtue de perles, elle aperçoit, du taxi où elle se trouve, sa propre mère fouiller dans une poubelle. C’est à cet instant que la journaliste commence à raconter son histoire.
Celle d’une famille dysfonctionnelle, anticonformiste mais aussi terriblement unique. Jeannette raconte : un père visionnaire qui rêve de construire un château de verre en plein désert. Une petite fille qui croit tout ce que lui raconte cet homme fantastique. Féru de sciences, il transforme la vie quotidienne et les jeux de ses enfants en aventure scientifique : il leur enseigne la géologie, la biologie, les sciences. Il emmène ses enfants au zoo et rapproche sa fille au maximum de la grille pour qu’elle puisse caresser un guépard. Leur père a un esprit charismatique et brillant, il leur apprend à aimer la vie, chaque instant, le souffle du vent, la chaleur du soleil – mais ce doux dingue cache une part sombre. Son alcoolisme qui finira par lui coûter une carrière professionnelle prometteuse…
Un roman qui m’a totalement happé et raconte les mémoires de Jeannette, une histoire où la résilience et la rédemption prédominent. Car il aura fallu du courage à cet enfant pour surmonter cette enfance très particulière. Une enfance avec des instants de bonheur exceptionnels mais aussi des mois, voire des années de souffrance et d’inquiétude. Une famille unique mais dysfonctionnelle.
Car le père de Jeannette est un génie, mais un génie en proie au doute, sans doute une forme de maladie mentale et l’alcool qui finira par le détruite, le plonge dans de graves épisodes dépressifs et parfois violents. Le père de Jeannette est brillant, il peut enseigner toutes sortes de matières à ces enfants et leur transmettre sa vision d’espoir de la vie mais l’homme est aussi incapable d’admettre ses faiblesses et comprendre qu’il court après des chimères. Son rêve de construire ce château de verre n’aboutira jamais et il va entrainer dans sa spirale infernale sa propre famille.
Car la particularité de cette famille repose sur les deux parents, leur folie douce. Leur mère, qui aurait pu, leur servir de béquille, de port d’amarrage est elle-même un esprit libre. La mère de Jeannette ne vit que pour la peinture, les tâches domestiques ou l’éducation de ses enfants l’ennuie. Elle traverse elle aussi de longs passages dépressifs, refusant de sortir de sa chambre. Peu à peu, il revient à Jeannette et à sa sœur de gérer l’intendance, la cuisine, les courses lorsqu’il y a encore de l’argent.
Incapable de garder un emploi, le père ne rapporte presque jamais d’argent, les peintures de la mère se vendent peu. Et surtout leur maladie les empêche de réagir. Aucun ne veut d’un job alimentaire. La chance leur sourit lorsque la mère de Jeannette hérite d’une maison en Californie. Pour la première fois, les enfants ont une vraie maison, une vraie chambre et vont dans la même école mais les illusions des parents vont les forcer à quitter ce paradis pour une vie de dure labeur et de misère dans l’Est.
Jeannette doit s’installer chez ses grands-parents paternels qu’elle ne connaît pas, mais dont elle saisit très vite les limites. Désormais, la petite fille n’aura qu’un seul but : quitter sa famille. Déchirée entre ses parents, son petit frère qu’elle aime et son besoin de stabilité et de sûreté, Jeannette devra faire des choix.
Cette vision anticonformiste de la vie, on aurait tous souhaité que nos parents l’aient, qu’ils nous emmènent dans le désert nous expliquer la vie ou nous promettre notre propre château de verre dans le désert. Mais Jeannette nous explique que ses émotions étaient toute autre. Les enfants ont besoin de stabilité et surtout de se sentir en sécurité. Or le père disparît fréquemment, rongé par l’alcool et la mère s’enferme des jours entiers dans sa chambre. Jeannette a compris que ses parents ne pouvaient pas les protéger et leurs départs précipités, de ville en ville, les privent de ce sentiment de sécurité. Pourtant Jeannette aime profondément ses parents et dans ses mémoires, elle raconte formidablement ce déchirement perpétuel. Elle décrit comment ils ont eu souvent faim et parfois honte de leurs parents mais leur sont aussi redevables de voir la vie comme un formidable terrain de jeu, aux possibilités multiples.
Dotée d’un incroyable appétit de vivre, Jeannette saura s’ouvrir au monde et retrouver sa famille. Un récit passionnant, parfois éprouvant (lorsque les enfants n’ont plus rien à manger) mais aussi désarçonnant, car il s’agit d’une histoire vraie. Et je n’ai pas pu m’empêcher de penser au roman d’Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles, car ici aussi il s’agit de l’histoire d’amour fusionnelle d’un couple. Mais ici, les deux parents préfèrent courir après leurs rêves, au détriment d’assurer le minimum vital pour leurs enfants.
Doit-on leur en vouloir ? Une réflexion que je vous laisse avoir en vous précipitant sur ce magnifique roman.
Les images sont celle de l’adaptation cinématographique du roman (2017).
♥♥♥♥♥
Éditions Scribner, 2005, 289 pages
8 commentaires
Figure toi que ce livre est dans ma PAL, donné par une amie dont ce n’est pas du tout le créneau de lecture, bon, alors je vais devoir le lire, tu en dis tellement de bien!
Evidemment Jeannette Walls et ses parents sont decomplets inconnus pour moi!
Je pensais être la dernière à ne pas l’avoir lue ! Il va te plaire
Merci pour ce beau commentaire. Le livre est sur ma liste d’achat de rentrée, car j’y pensais depuis longtemps.
De rien ! J’ai appris que c’était un « classique » et je comprends mieux pourquoi
Encore un livre qui figure dans ma LAL mais que j’avais complètement oublié. J’ai été attirée par la couverture sur ton blog et j’allais le noter. 😉
A lire ton billet, je vois évidemment que ce ne sera pas une partie de plaisir, mais il fait envie quand même. Jeannette a l’air vraiment exceptionnel.
C’est vrai que son histoire est à certains moments très dure mais l’ensemble ne l’est pas et il est passionnant !
J’ai oublié de te dire que j’avais adoré la photo de ton chat et de ton chien.
Ah ! Merci
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