J’ai découvert Callan Wink en lisant le recueil de nouvelles 20+1 Stories publié l’an dernier par Albin Michel. La nouvelle Montée des eaux est à nouveau présentée dans ce recueil. A l’époque, j’avais pressenti le talent du jeune homme et j’avais commandé ce recueil dans sa version originale. Je n’ai pas eu le temps de la lire que je me retrouvais avec la version française entre les mains. Et là, pas d’hésitation et un ENORME COUP DE COEUR !
Un recueil que j’ai dévoré en une seule soirée ! 304 pages de plaisir intense. Callan Wink est originaire du Montana et eu la chance de rencontrer Jim Harrison et de partager de longues parties de pêche. Le jeune auteur nous ramène donc chez lui, dans ces vastes étendues de plaines du Montana. Pour ceux qui l’ignorent, à l’ouest les Rocheuses canadiennes se dressent sublimes et majestueuses, au centre et à l’Est, les plaines dominent le paysage. Les arbres ont disparu et on peut voir les éclairs toucher le sol et remonter au ciel, la pluie s’abattre à vingt kilomètres alors que vous roulez un soir de pleine lune. Je le sais, j’y ai vécu. Alors imaginez ma joie de retourner en compagnie de ces personnages, tous un peu chamboulés par la vie, mais dont les hivers rudes du Montana (sibériens) ont tanné le cuir.
Je ressors émue de cette lecture, la dernière nouvelle Regarder en arrière (la plus longue) réussit l’exploit de suivre la vie entière d’une femme, Lauren – une vie semée d’embûches mais aussi de profonds instants de bonheur. Fugitifs, comme les années – mais Lauren connaît l’ironie de la vie. L’accompagner jusqu’à ses 73 ans, l’imaginer, en salopette, une longue natte de cheveux blancs argentés, les sillons autour des yeux, le sourire en coin, embarquer son « Pois chiche » (un dalmatien) dans ses randonnées solitaires est d’un réconfort immense. Quelle claque, ce recueil !
Quarante degrés en dessous de zéro, et pourtant même l’eau au plus près du lit de la rivière frémit, glacée sans être gelée. Comme si les rivières existaient en dépit de tout, avaient une vie secrète. (..) Par une journée comme celle-ci, tu peux la traverser comme si tu traversais une rue, mais il ne faut pas oublier que juste sous cette gangue, le courant circule. Mon amour pour toi est pareil.
Comme suivre Terry, à quelques heures de l’enfermement. Condamné à deux ans de prison, ce gosse de moins de dix-huit ans file pour une dernière partie de pêche avec ce grand-père peu apprécié par ses parents. Installé sur la barque, auprès de ce vieil homme taciturne, Terry redoute ce qui l’attend. Honnêtement, je n’ai pu m’empêcher en lisant ces mots aux parties de pêche que Callan a partagé avec ce sacré Jim Harrison. J’ai eu la chance de lire un témoignage de l’auteur sur ces instants magiques (il ne parlait pas d’écriture, Callan était trop timide …) et je me dis que cette nouvelle est un hommage à son mentor.
Il faisait chaud et tout n’était que nuances – le lac couvert de feuilles de nénuphar, les rives foisonnantes d’oliviers sauvages et de saules, la pelouse (…) Terry s’efforça de graver cette image dans sa mémoire, chaque teinte de vert, le chant des cigales, la rugosité du manche des rames, la sueur qui lui coulait dans les yeux, l’odeur fétide du lac.
ll y aussi chez Callan Wink ces couples qui se délitent, ils prennent des amants ou confient leurs petits secrets mais ils gardent toujours une profonde affection envers eux, car ils savent que sans eux, leur vie ne serait pas la même, comme cet homme qui confie que pendant 32 ans, c’est sa femme qui « tenu la maison », tenu la barre et que sans elle, il serait sans doute resté au même endroit. Comme Perry qui se déguise en Custer chaque année pour retrouver sa squaw assassin, alors que sa femme se bat contre un cancer ou ce jeune homme qui s’éprend d’une femme plus âgée. Il ya Lauren qui s’éprend d’une femme ou Jason, l’irascible, qui s’attache à une gosse. L’amour est comme un fleur, dont le pistil peut à tout instant s’envoler, à moins qu’on ne le saisisse au vol. Ils sont profondément touchants les personnages de Callan Wink.
Je suppose que douze ans est un âge comme les autres, avait déclaré alors son père. A l’époque, August avait cru qu’il parlait du chien. Plus tard, il pensa que son père avait voulu peut-être dire que douze ans était un âge comme un autre pour qu’un garçon perde pour la première fois une chose qu’il aime.
Et ils sont parfois drôle comme cet idiot de Sid qui court dans le désert, pieds et cul nus, avec ce chien volé. Un chien français de surcroît ! Quel numéro ce Callan !
Dans Danse du soleil, Rand découvre la vie des Indiens Crow, qui sont présents tout au long de ce recueil, à travers plusieurs personnages. Un vrai plus pour moi évidemment. Rand, petit chef d’entreprise a toujours employé des Mexicains, la plupart sont ici illégalement, mais pour lui, ces hommes aiment leur métier et rien ne peut remplacer cela. Mais Rand va bientôt prendre une décision qu’il va regretter profondément. Sans autre chose que son travail, Rand déprime et son meilleur ami, marié à une Crow va alors l’emmener assister à une cérémonie indienne, la danse du soleil. J’ai commencé ma lecture par cette nouvelle et j’ai toute de suite que j’étais tombé sur un bijou. Un énorme coup de coeur.
J’ignorais alors qu’il allait se poursuivre à l’ensemble des nouvelles. Je n’ai pas lu le recueil dans l’ordre. J’ai fini par la dernière du recueil avec un pincement au coeur de devoir tourner la dernière page. Le style de Wink est pur et simple. J’adore ce style, Kent Haruf ou Jim Harrison auraient adoré. Ici pas de fioriture, la rudesse des paysages du Montana vous l’interdit. Il y a de la tendresse chez Wink.
Que sans elle, j’ignore quelle direction aurait pris ma vie. Ca a peut-être un côté larmoyant, mais elle m’a ramassé, glissé dans sa poche et a couru avec moi comme si j’étais une balle de tennis.
J’ai fini ma lecture le coeur serré – un très grand écrivain est né ! Et pour ceux qui ont peur des nouvelles, sachez qu’ici, je les ai enchainées sans jamais avoir de difficultés à passer de l’une à l’autre. On est tellement bien en compagnie de ces gens simples, dans cet Etat du « Big Sky » (grand ciel). Rejoignez-nous !
Et possédant la version originale (que je vais relire), je donne un énorme big up au traducteur Michel Lederer.
Le livre est disponible à compter de mercredi mais impossible d’attendre si longtemps pour vous en parler 🙂
♥♥♥♥♥
Editions Albin Michel, Dog Run Moon, trad. Michel Lederer, 304 pages
13 commentaires
Oups ! Il me semble qu’il sort dans deux jours ici en France
Oui je sais ! Je le dis sur IG ! Il sort mercredi (ps : j’ai eu l’aval du big boss !)
Quel enthousiasme! (et le titre est superbe)
Merci ! C’est le titre de la première nouvelle (très amusante!)
J’ai été moins enthousiaste que toi, comme tu le sais… Il m’a manqué un petit quelque chose.
Alors que moi, ce fut l’inverse ! Il a chamboulé mon petit cœur 😉
Quel coup de cœur ! ça tombe bien, il est dans ma pal !
Oui – un énorme ! Ravie de voir qu’il est dans ta pal 🙂
Je reviendrai! Il me reste trois nouvelles à lire!
J’espère ! Si tu les lis dans l’ordre, la dernière, hâte d’avoir ton avis sur celle-ci en particulier !
J’hésitais à le lire ; la couverture m’inspire, l’ambiance du Montana aussi, mais des fois les nouvelles et moi… ça ne passe pas. A défaut, il faudrait que j’essaie de me plonger au moins dans les premières, surtout après un avis si dithyrambique !
Je sais que l’auteur passe en France d’ici peu, tu devrais surveiller ça !
Je pense qu’effectivement les nouvelles peuvent être difficiles à appréhender. Ici même si on ne retrouve pas les mêmes personnages on retrouve une unité de lieu et de temps. Et des personnages très attachants ! Et l’auteur les cajole. Oui je sais qu’il va passer mais trop loin de chez moi
[…] lire très vite mon billet consacré à son premier recueil de nouvelles, publié chez Albin Michel, Courir au clair de la lune avec un chien volé (Dog Run Moon stories). L’an dernier, Albin Michel a publié un folio, 20+1 […]
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