Birdie ∴ Tracey Lindberg

par Electra
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Birdie n’avait pas échappé à mon regard à sa sortie – la couverture du livre a suffi à me dire qu’il me fallait. Ce premier roman a tout de suite connu un succès immense, et son auteure, Tracey Lindberg, professeur à l’université, a depuis remporté de nombreux prix.  Tracey Lindberg appartient à la Nation Rockey Mountain Cree, As’in’i wa’chi Ni’yaw.

Eden Robinson, autre auteure indienne célèbre a dit de ce roman « Birdie roars with life. Tracey Lindberg weaves a gripping account of a painful journey. Her heroin, Bernice, is by turns lyrical and brutal, gripping and insightful. An uncomprimising first novel« .

J’avoue lorsque j’ai commencé ma lecture, je ne comprenais pas exactement ce qui se passait dans la tête de Birdie, si j’étais dans une fiction ou non. J’étais décontenancée par les propos de la jeune femme, par la forme du roman puis peu à peu, les pièces du puzzle se sont mises en place et c’est à près de cent pages que j’ai enfin compris quel était le voyage entrepris au côté de Birdie, une jeune femme Cree, plongée dans une sorte d’état comateux.

Qui est Birdie ? Birdie est en réalité Bernice. Et chez elle l’invisibilité est permanente. Celle de son peuple d’abord, les indiens Cree de The Kelly Lake Nation – qui ont refusé de se laisser enfermer par l’homme blanc et ses sont cachés dans les forêts. Aujourd’hui, ils sont en encore là mais n’ont pas obtenu le droit de vivre sur la réserve. Ils sont tout autant Cree que les autres mais n’ont jamais eu le droit de vivre au milieu des leurs. L’invisibilité se manifeste aussi dans l’enfance de Birdie. Elle a grandi au côté de sa soeur, Skinny Freda (Freda la maigrichonne), surnommée ainsi sans doute en comparaison de Birdie, qui à l’âge du collège, a commencé à manger pour ne plus s’arrêter. Elle se manifeste depuis l’adolescence, Birdie cherche désormais à se cacher, à disparaître. Mais son corps l’en empêche.

Birdie découvre alors la ville, son anonymat et bientôt elle réussit à se « fondre » dans la foule, à devenir invisible. Elle a quitté sa famille, sa région natale pour vivre dans la rue. Elle a quitté sa région pour venir à Gibsons, à côté de Vancouver où elle espère croiser son acteur fétiche des années 90. Birdie a été recueillie par une cousine éloignée qui la loge à l’étage, au-dessus de sa boulangerie où Bernice travaille. A nouveau la jeune femme se fond, elle se terre dans le silence et s’éloigne du monde. Pour quelle raison ?

Birdie le raconte : elle sent son esprit quitter son corps, petit à petit. Ces moments d’absence deviennent de plus en plus fréquents, et la jeune femme aime s’éloigner de la réalité. Ils se multiplient et la transportent très loin de la réalité.  Mais le retour sur terre devient problématique, elle se surprend à avoir voler des bonbons ou pire à se réveiller aux côtés d’un homme inconnu. Souvent ses proches la ramènent à la réalité, brutalement. Car Birdie aime ces instants où elle s’échappe de cette carapace lourde et handicapante. Elle s’envole vers le monde des anciens, celui des loups et des hiboux. Elle rêve en Cree, ne murmure que des mots en Cree et se souvient de ses proches, de sa grand-mère, et de cette mère Maggie, qui a disparu un jour sans laisser de traces. Maggie, souvent absente, et surtout incapable de montrer de l’affection envers sa fille ainée, la « joufflue » Bernice.

Tout au long du roman, Birdie s’exprime à travers la voix d’un hibou, qui raconte son odyssée sous forme poétique à chaque début de chapitre.

Peu à peu débarrassée de son enveloppe charnelle, Birdie retrouve sa forme originelle et peut affronter ce passé douloureux qu’elle se doit d’affronter. Entourée de ses proches, sa tante Val, sa soeur Freda et sa cousine, Bernie plonge dans un sommeil et s’éloigne peu à peu du monde des vivants. Rongée par des secrets inavouables, elle a commis l’impensable il y a plusieurs années. Internée, elle a choisi de disparaitre dans les bas-fonds de Vancouver où de nombreux Indiens viennent hanter les ruelles. Des années à se « fondre » au milieu de la foule, à vivre dans la rue, à devenir invisible. Qu’y a-t-il qui hante si profondément la jeune femme? Pourquoi préfère-t-elle quitter son enveloppe charnelle et fuir ce monde ?

Les femmes de sa vie vont réapparaître pour la veiller et la soigner. Peu à peu, elles oublient les remèdes de l’homme blanc et vont chercher des onguents indiens et vont chanter les prières Cree.

Impossible de quitter Birdie une fois le lien établi, impossible de s’éloigner de ces femmes Cree, qui en l’espace de quelques années, racontent leurs blessures, leurs douleurs et leur silence. Impossible de résister à la magie de la langue de Tracey Lindberg. 

Ce roman est un hymne à tous ces hommes et femmes indiens, égarés, qui hantent les villes – je me souviens d’en avoir croisé à Seattle ou à Montréal et à la résilience mais également aux liens familiaux qui tissent un formidable nid où Birdie peut trouver refuge.

Birdie doit être prochainement traduit et publié au Québec (merci pour l’info Marie @Hopsouslacouette) – apparemment à la rentrée prochaine, donc patience !

J’ai lu ce roman dans le cadre du challenge Nation Indienne en 12 lectures.

 

♥♥♥♥♥

Editions Harper Collins, 2016, 288 pages

Et pourquoi pas

14 commentaires

Marie-Claude 19 février 2018 - 1 h 46 min

Punaise… Je suis trop impatiente de le lire. Et dire que la traduction devait paraître ce printemps, mais est repoussée à l’automne prochain. Grrrrrrr….
Je viens de terminer un roman formidable (billet à paraître aujourd’hui!) où l’invisibilité des Indiens est aussi très frappante. Comme quoi…

Electra 19 février 2018 - 7 h 07 min

Oui, je sais ça doit être rageant mais la bonne nouvelle c’est qu’il va être traduit, ce qui me parait aussi normal vu que c’est un roman canadien !
Tu auras la chance de la découvrir !
Hâte de te lire alors ! pour le challenge également ? hâte de savoir lequel !!!!!!!

keisha 19 février 2018 - 7 h 33 min

On n’a plus qu’à attendre (d’ici là je pourrais lire Treuer, j’en ai lu un il y a longtemps, et je devrais continuer!)

Electra 19 février 2018 - 12 h 08 min

Oui, Treuer est un excellent romancier ! Il faut le lire 🙂

Virginie 19 février 2018 - 7 h 41 min

Ça pourrait bien me plaire cette histoire !! Je l’ajoute à mes « à lire » dès qu’il sera traduit ;o)

Electra 19 février 2018 - 12 h 09 min

Super ! Il devrait te plaire, il est très spécial et pas facile à traduire (ce dialogue intérieur) mais il est magnifique ! Je comprends son succès. Marie-Claude se précipitera dessus à sa sortie et vous en parlera 🙂

Mingh edwige 19 février 2018 - 10 h 43 min

Merci pour cette découverte. Ton billet traduit toute l’émotion qui semble affleurer à chaque page du roman. Je note bien sûr. Je viens d’abandonner en cours de route Larry McMurtry et son « Et tous mes amis seront des inconnus » très déçue… Qu’en avais-tu pensé si tu l’as lu ?

Electra 19 février 2018 - 12 h 15 min

De rien ! J’espère qu’il arrivera pour le festival America 🙂
Oui, je l’ai lu en 2013 – je ne me souvenais plus très bien mais j’ai écrit un billet : http://www.tombeeduciel.com/2013/11/et-tous-mes-amis-seront-des-inconnus.html
Je t’invite à le lire car il va te parler 😉

Laeti 19 février 2018 - 16 h 15 min

Ah oui tu l’as lu en anglais alors ! En tout cas la couverture est superbe. Je garde ce titre à l’esprit pour quand il sortira chez nous 😉

Electra 19 février 2018 - 19 h 14 min

Oui, il va être traduit – j’espère qu’ils conserveront la même couverture dans la version française car ça a tout de suite attiré mon regard. 🙂

Daphné 20 février 2018 - 15 h 11 min

Je ne connaissais pas mais me voilà maintenant très tentée par cette lecture.
Daphné

Electra 20 février 2018 - 18 h 36 min

Merci un premier roman

Goran 20 février 2018 - 15 h 21 min

Bientôt une traduction, je regarde ça…

Electra 20 février 2018 - 18 h 36 min

Oui

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