Quand ce livre est arrivé à la maison, je me suis dit que c’était étrange de lire Larry Brown avec ce roman, alors que chez moi, j’ai déjà trois de ses livres qui m’attendent sur mes étagères. Décédé subitement en 2004, l’auteur ignore tout de son succès posthume (livresque et cinématographique). Cette nouvelle édition, croyez-moi, a toute sa raison d’être 🙂
Mississippi – Un hôpital pour vétérans. Walter James est installé dans une chambre. A son réveil, il aperçoit son voisin – Braiden Chaney. Celui-ci n’a plus jambes, ni bras. Tous deux ont été grièvement mutilés au Vietnam il y a plus de vingt ans.
Walter, jeune homme blanc, est revenu au pays, totalement défiguré. Incapable de sortir de sa chambre, il ne communique qu’avec sa mère et son jeune frère. Les années passent. Walter retourne souvent à l’hôpital car il a gardé des séquelles (évanouissement, convulsions). Il a noyé sa tristesse dans les médicaments et l’alcool. Lorsqu’il sort, il attend la nuit. Un soir, il se rend dans un drugstore et fait la connaissance d’une jeune femme.
Braiden sait tout cela puisque Walter se confie à lui, entre deux périodes de sommeil. Braiden ne le connaît pas mais va écouter patiemment l’écouter se confier. Walter n’a aucun souvenir sur son arrivée dans ce lieu et espère que sa mère et son frère viennent le chercher rapidement. De son côté, Walter découvre que Braiden n’est jamais sorti de l’hôpital depuis vingt-deux ans. Cette nuit-là, une jeune femme noire vient voir Braiden et Walter épie leur conversation.
Pendant cette longue nuit, les deux hommes vont finir par se confier, sur leur passé, leurs souvenirs douloureux (le Vietnam) et sur leur vie, ou plutôt celle qu’ils auraient tant aimé vivre. En une seule et unique nuit, ces deux hommes vont vider leur sac et dresser un portrait glacial de la guerre et de ses effets pervers. Enfermé à l’intérieur de leur corps, ou coincé dans leur chambre d’enfant, les deux vétérans ont vu passer leurs meilleures années.
Pouvait pas sauver son bras qu’il disait, pouvait simplement pas le sauver. Alors il a vu le vieux Silver. Et le vieux Jimmy Stewart lui a dit, Doc, si vous sauvez ma jambe, mon bras ou je ne sais plus quoi, vous pouvez garder ce cheval. (…) Des années plus tard, il trouve son vieux cheval qui tire une charrette de charbon à Kansas City (..) et il le rachète. Ils vont le garder dans bonne écurie bien au chaud pour le reste de sa vie. C’était vraiment une histoire qui te remuait le coeur. Ca finissait bien et ils étaient tous heureux après.
Incapable de communiquer avec le monde extérieur ou leurs familles, ils vont trouver en l’un et l’autre une écoute, où il pourront enfin confier leur souffrance, montrer de la compassion et même évoquer leurs envies suicidaires.
Un livre puissant et évidemment sombre, parfaitement maîtrisé par Larry Brown. J’ai été très touchée par le portrait de Walter, sur sa solitude, son enfermement et sur son regain d’espoir avec cette histoire d’amour. Attention, avec Larry Brown, c’est du noir, du très noir. Et la fin ne vous laissera pas indifférente. Mais que c’est beau !
Forcément, certains penseront immédiatement à La chambre des officiers de Marc Dugain, mais ici c’est l’Amérique, le Sud, le racisme, les années 70 – donc ne vous méprenez pas.
Vous vous doutez bien que j’ai dorénavant très envie de sortir ses autres romans de ma bibliothèque.
♥♥♥♥♥
Editions Gallmeister, coll. Totem, Dirty Job, trad. Francis Kerline, 2018, 208 pages,
12 commentaires
Il m’a beaucoup touché ce roman. Oui quelle fin. C’est vraiment du noir . Un coup à l’estomac en refermant le livre. Je compte enlire d’autres de Brown prochainement.
Beau billet comme toujours 🙂
Merci ! Oui, il touche beaucoup et parle de tous ceux qui reviennent et que la société oublie.
et toi, tu te doutes que tu donnes envie de s’y plonger vite ! tu m’as convaincue !
Super ! ma mission est réussie !
Un auteur qui, vu ce que tu en dis, a tout pour me plaire. Il va falloir que je me penche sur son cas un jour.
ah ! je suis surprise, je pensais que tu avais déjà tout lu de lui vu son genre ! car oui il a tout pour te plaire 🙂
Moi cela me fait penser à un mélange entre « Johnny s’en va-t-en guerre » et « Né un 4 juillet »… Je note.
Ah oui j’ai aussi pensé à Johnny s’en va-t-en-guerre mais lui ne pouvait pas s’exprimer alors qu’ici les deux protagonistes parlent – et pour « Né un 4 juillet » oui sur le retour de ses vétérans mais ici ils n’abordent pas ce sujet à proprement dit (aucune revendication de leur part) mais oui difficile de ne pas penser à ces films !
Convaincue également! je note 😉
Il va faire son petit bonhomme de chemin, tant mieux 🙂
J’en prends bonne note! Il a l’air super fort!
Oui, très fort – intense et émouvant 🙂
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