Je suis sans doute l’une des dernières personnes à écrire une chronique sur ce livre. Mais j’avais envie de posséder l’édition québécoise et de l’acheter en compagnie de ma copine pure laine, Marie. C’est chose faite. Alors, qu’en est-il ?
Je n’ai jamais lu cet auteur, dont Marie prévoit de lire sa trilogie, très prochainement. J’avais, je l’avoue, volontairement omis de lire vos chroniques pour bénéficier d’un esprit ouvert. Je l’ai lu à Québec bien évidemment ! Marie m’avait légèrement parlé du choix constructif narratif. Mais revenons à l’histoire.
Le 11 juin 1981, le Québec et la France découvrent une toute jeune chanteuse, elle a quatorze ans et s’appelle Céline Dion. Marie s’en souvient. Et comme des milliers de Québécois, elle ignorait tout du combat qui opposait les indiens Mi’gmaq à la police québécoise le même soir. Trois cents policiers de la Sûreté du Québec débarquent sur la réserve indienne de Restigouche (*) pour saisir les filets de pêche des pêcheurs mi’gmaq. L’homme blanc vient s’en prendre à leur mode de vie ancestral, l’unique chose qu’il leur restait, qui leur apportait une dignité volée : leurs droits de pêche. Ce jour-là, les indiens Mi’gmaq prennent les armes et refusent cette décision. Ce jour-là, les enfants indiens, scolarisés, hors de la réserve, sont dans le car scolaire lorsqu’ils arrivent au pont qui relie leur terre à celles des blancs. Devant eux des policiers qui les tentent de les empêcher de rejoindre leurs familles. Avec deux garçons, la jeune fille réussit à grimper sous la structure du pont et à rejoindre la réserve. Elle ne pense qu’à son grand-père.
Ce jour-là, un agent fédéral de la faune vient de remettre sa démission. Il vit depuis longtemps aux côtés des autochtones et cette violence policière l’écoeure. Il refuse d’appliquer une loi qu’il ne reconnaît pas. C’est se promenant le long de la rivière, qu’il fait une découverte macabre : une jeune fille Mi’gmaq git-là. Elle est vivante mais extrêmement choquée. Elle a été violée. Le jeune garde-forestier la ramène chez lui. Il vit dans une cabane avec son chien à l’orée du bois. Il sait qu’il lui faut de l’aide. Il va alors chercher celle d’un vieil Indien qui a quitté la réserve pour vivre dans les bois. Ils se croisent souvent lorsqu’il part chasser. Le vieil indien accepte de lui procurer les premiers soins, des soins indigènes pour soulager l’âme. Puis le jeune homme part demander de l’aide à une jeune femme française, son ex-petite amie. Celle-ci enseignait à la réserve mais son contrat vient de prendre fin.
Elle accepte de l’aider, comme un professeur québécois, spécialiste de la question indienne, de passage dans la région. Lorsque les deux jeunes femmes disparaissent, une chasse à l’homme s’ouvre.
Tout au long du récit, Eric Plamandon insère des parenthèses entre chaque chapitre. Chacune ouvre un pan de l’histoire et de la culture de cette région, de l’histoire des Mi’gmaq – de la colonisation française, puis anglaise – de la cuisine locale, du parcours exceptionnel de ce poisson, le saumon, devenu Taqawan lorsqu’il remonte à contre-sens la rivière qui l’a vu naître après avoir vécu en mer. Des parenthèses qui ont apparemment gêné certains lecteurs mais qui ont eu l’effet inverse chez moi : comme s’il le récit était un puzzle, il suffisait d’assembler chaque pièce pour avoir une vie globale de l’histoire.
Taqawan est tout simplement le symbole de la nation autochtone, de sa lutte, de son éternel recommencement, de sa résistance et de sa survie. Et puis de sa renaissance.
Si j’ai adoré toutes les parties du roman traitant des Mi’gmaq, de l’histoire du Québec, des Viking aux Basques jusqu’à Cartier et à ce fameux 11 juin 1981 – je n’ai par contre, pas adhéré à l’histoire de cette jeune fille enlevée par ces hommes blancs. Une histoire rocambolesque où l’homme blanc est forcément méchant et l’Indien gentil, et le tout est cousu de fils blancs. Comme si derrière son uniforme de garde-forestier, se cachait un super héros. J’ai trouvé en fait toute cette histoire invraisemblable et superflue, car le message qu’il communique dans les parenthèses est tellement magnifique que cette chasse à l’homme vient gâcher ce roman qui était superbe et très original.
Un auteur que je relirai certainement à l’avenir.
♥♥♥
Editions La Quartanier, 2017, 216 pages
(*) Depuis la réserve a repris son nom indien, Listuguj.
10 commentaires
J’attendais ton avis! Forcément positif. j’ai bien aimé le découpage (et, oui, les méchants et les bons, un peu manichéen tout ça)
Oui j’avais écrit manichéen mais je l’ai enlevé sinon comme toi j’ai adoré le choix narratif et le découpage !
C’est quand même diablement compliqué d’accepter d’autres modes de vie que ceux de la majorité ! les Indiens ont vraiment souffert au Canada mais c’est pire encore aux Etas-Unis
Oui – et la lutte continue. Malheureusement leur combat n’intéresse pas grand monde …
Ahhhh tu me rassures ! Je vois que nous avons apprécié les mêmes choses et soulevé les mêmes bémols ! Je ne suis donc pas la seule à ne pas avoir adoré sans restriction. Franchement, ce manichéisme et cette affaire rocambolesque totalement invraisemblable sont vraiment dommages car, par ailleurs, le fond du message et le découpage narratif étaient originaux et justes.
PS : ta copine « pure laine » : je suis FAN 😀
Merci! Je me sens moins seule également, j’ai adoré à la fin de ma lecture car j’avais effectivement en tête le découpage narratif et le fond du message mais honnêtement l’histoire était sans plus-value et nuit même au roman, trop manichéenne et « super héros ».
PS : c’est un cas ! Un ours qu’il faut apprivoiser… enfin, non un caribou 🙂 C’est moi l’ours !
Intéressant!
Je n’avais pas encore lu attentivement le résumé !
Merci oui il vaut le détour
Je ne suis pas d’accord! La sinusite m’empêche d’avoir les idées claires et de trouver les mots justes pour débattre! J’expérimente les douches nasales à la cortisone. Passionnant!
J’espère que toi, ça va mieux!
Je vais mieux mais j’ai bien eu mal mardi soir et toujours quelques difficultés à manger mais sinon je suis forte, pas de médocs ! J’en profite donc puisque tu ne peux pas débattre 🙂
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