Comme vous le savez, j’aime lire les auteurs indiens américains ou canadiens et en me lançant dans ce challenge personnel Nation Indienne, j’ai repéré plusieurs auteurs qui me tentaient. Terese Marie Mailhot en faisait partie, son mémoire était encensé par la presse et par Sherman Alexie.
J’avais commandé son livre, Heart Berries, lorsque celui-ci a été mis en avant par l’actrice anglaise Emma Watson (n’ayant jamais vu ou lu HP j’ai du chercher son nom) qui a un book club sur Goodreads. L’ayant lu, je comprends mieux pourquoi elle l’a choisi comme un livre « féministe ».
Terese Marie Mailhot est née au Canada , elle a grandi sur la réserve indienne Salish, Seabird Island First Nation, sur la côte ouest. Sa mère, Wahzinak, est au centre de ce livre. Je ne connaissais rien d’elle mais on comprend qu’elle était une femme connue : guérisseuse, poète, activiste et travailleur social. Son père, Ken Mailhot, était un artiste peintre. Ses parents se sont séparés malgré les tentatives multiples de sa mère pour sauver son père de l’alcoolisme. La mère de Terese, qui avait eu quatre enfants, de pères différents, sera obligée de les placer en familles d’accueil.
La petite Terese, atteinte de tuberculose, est placée seule loin de ses frères et soeurs dont elle est proche. La mort de sa grand-mère est un autre coup dur pour elle. La petite Terese naviguait entre ces mondes sans avoir jamais de sentiment d’appartenance. Adolescente, elle épouse son premier petit ami et a un fils Isidore, mais leurs relations se détériorent. Vito est américain et ils se sont installés ensemble au Nouveau Mexique. Leur relation est explosive, et lors de leur séparation, il obtient la garde de son fils. Enceinte de leur deuxième enfant, c’est le jour de la naissance de son second fils qu’elle apprend qu’il a obtenu la garde totale.
Etudiante en lettres, ses troubles mentaux refont alors surface, diagnostiquée bipolaire, dépressive, la jeune femme réussit néanmoins à obtenir un Masters à l’université du Nouveau-Mexique. Elle tombe à nouveau amoureuse, d’un professeur, Casey – un homme blanc, elle qui se sent perpétuellement inférieure en tant que femme indienne. Leur relation est racontée dans ce livre. Une relation intense comme toutes les relations de Terese. Celle-ci est incapable de vivre la moindre émotion avec mesure, tout est décuplé chez elle. Car la jeune femme préfère arrêter son traitement lors de ses grossesses et immédiatement ses angoisses de séparation remontent à la surface.
Internée à sa demande, après la naissance d’Isaiah, alors qu’elle commence à fréquenter Casey, sera en fait bénéfique pour la jeune femme. Sa thérapeute lui demande en effet de mettre ses maux par écrit. Ces journaux intimes sont la base de cette autobiographie. Elle parle beaucoup de ses angoisses et plus particulièrement celle de l’abandon. Elle décortique ainsi l’enfer qu’elle fait vivre à Casey pour qu’il lui prouve son amour. Elle tente aussi de comprendre à quel point son éducation, ses parents, ont influencé sa vie.
Ce qui est aussi passionnant dans ce court récit (134 pages), c’est qu’elle aborde le statut des femmes indiennes avec un regard neuf sans complaisance. Dans la postface, elle échange avec une autre auteur indienne et déclare en avoir assez d’entendre que les femmes indiennes doivent être « fortes » et « silencieuses », encaisser les coups sans jamais rien dire. Comme l’a fait sa mère et sa grand-mère avant elle. Elle refuse aussi toute empathie envers son sort. Son sentiment d’infériorité envers les Blancs est encore très fort et c’est un autre de ses combats.
Terese est née avec un don, sa mère le sait – elle est une âme ancienne – enfant, elle voyait des symboles qui témoignent de son don. Mais la jeune femme refuse toute forme d’éducation, religieuse ou culturelle. Longtemps, elle pense à la mort, mais sa rencontre avec des thérapeutes à l’écoute et des professeurs comme Sherman Alexie, ainsi que l’amour de ses enfants, vont lui permettre de rester en vie. Terese apprend à ne plus voir la mort comme une solution « romantique » à ses angoisses.
Une lecture à part, qui peut dérouter, car Terese ouvre son coeur et ne cache rien. Tout est là, cru, à nu. Mais elle possède une plume magnifique et son récit est porteur d’espoir pour toutes les jeunes femmes, assaillies des mêmes maux. J’ai hâte de la découvrir en tant qu’auteur de fiction, à présent.
J’ai lu ce roman dans le cadre du challenge Nation Indienne en 12 lectures.
♥♥♥♥
Editions Counterpoint, 2018,160 pages
6 commentaires
Une traduction, svp?
tu me demandes de le traduire ? J »ignore s’il est en cours de traduction. Un éditeur m’a dit ce matin que malgré son succès il doutait d’une traduction vu le sujet. C’est dommage mais peut-être se trompe-t-il ..
Oui.. c’est traduit ou non ? Récit sans fard visiblement…intéressant
Oui sans fard – cru et intense. Une vue plongeante dans la maladie et surtout ses angoisses sur l’abandon, comment cela peut lui ruiner la vie et ses relations amoureuses. Pour la traduction, je ne sais pas si un éditeur est intéressé, mais le livre a reçu énormément d’attention.
Vivement une traduction alors !
Oui ! il ne te fait pas peur alors ?
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