Décidément les récits d’investigation deviennent une obsession chez moi ! En fait, j’avais déjà repéré ce récit depuis longtemps. Car l’enquête minutieuse de Michelle McNamara sur ce violeur et tueur en séries qui a sévi dans le nord de la Californie dans les années 70 et 80 sans être jamais arrêté a aidé la police à reprendre l’enquête. J’ai su à travers les réseaux sociaux que l’homme avait été arrêté mais j’ai refusé d’en lire plus. J’avais très envie de lire le récit de cette écrivain et journaliste d’investigation à l’occasion de la sortie de son roman. C’est chose faite !
Michelle McNamara m’a fait penser immédiatement à l’auteur de True Crime Diary, James Renner. Tous deux ont perdu une voisine, assassinée. Michelle avait 14 ans lorsqu’une jeune voisine âgée de 24 ans a été brutalement assassinée alors qu’elle faisait son jogging. Michelle a toujours écrit mais ce crime odieux va déclencher chez elle un intérêt pour ces meurtres non résolus. Michelle devient auteur et décide de créer un blog sur ces criminels qui n’ont jamais été arrêtés, True Crime Diary. Elle entend alors parler de cet homme qui de 1976 à 1986 a terrorisé toute la Californie. L’homme a commis plus de cinquante agressions sexuelles (une majorité de viols) et plus de dix meurtres. Puis il a disparu totalement de la scène. A l’époque, l’ADN n’existe pas, aucun fichier national ou d’Etat n’existe. Les enquêtes sont menées indépendamment dans chaque comté et les policiers ne partagent pas leurs fichiers. Il faudra attendre dix ans de plus pour qu’on fasse le lien entre le violeur et l’assassin. Celui qui violait les jeunes femmes et mères de famille était le même homme qui assassinait des couples après avoir violé la femme et volé des objets fétiches dans la maison.
Lorsque l’ADN prouve définitivement qu’il s’agit du même homme, celui-ci a disparu. Surnommé l’Original Night Stalker (le harceleur de nuit original, car ses crimes ont eu lieu avant un autre violeur en série célèbre) puis the East Side Killer car il tuait à l’est de la Baie de San Francisco, fut finalement surnommé le Golden State Killer par Michelle. Golden State étant le surnom de l’Etat de Californie. Le livre propose au début une carte avec l’emplacement et les dates de tous les crimes.
Les crimes ont été oubliés, les inspecteurs sont partis à la retraite ou changé de voie, les preuves ont parfois été détruites car il y a prescription. Trente ans ont passé. La majorité pense qu’il a arrêté suite à son arrestation pour un autre crime ou qu’il est décédé depuis. Mais Michelle pense autrement. Après tout, l’arrestation récente d’un autre tueur en série près de vingt-cinq ans après son dernier crime l’a fait réfléchir. L’homme, identifié à cause de son ADN, a expliqué l’arrêt de ses crimes par son mariage. Tout simplement. Se pourrait-il que le Golden State Killer soit toujours vivant ?
Et comment rendre justice à ces nombreuses victimes ? Il pénétrait facilement dans les maisons, violait les femmes et restait des heures à l’intérieur. Il fouillait, volait, discutait et à chaque fois il mangeait. Une assurance telle que les inspecteurs avaient du mal à croire qu’il pouvait s’agit d’un seul homme. Un homme qui montrait aussi l’opposé avec des signes de faiblesse : il pleurait souvent après le viol, bégayait, tenait parfois des discours incohérents, et semblait très en colère. Il tuait ses victimes avec des objets trouvés sur place (chandelier, bûche…) il les frappait violemment. Il utilisait rarement son arme, uniquement lorsque les hommes ont tenté de se défendre. Il a commencé par violer des femmes seules, puis s’en est pris à des couples. Michelle n’est pas la seule à vouloir élucider cette enquête. Elle découvre sur Internet des forums où elle rencontre d’autres passionnés. L’un d’eux, surnommé The Kid va pouvoir dresser un portrait précis des habitudes du tueur, de ses mouvements, et en comparant le calendrier des universités, établir qu’il le suivait comme il se déplaçait en suivant des routes principales.
Michelle va consacrer des mois, des années, des nuits entières à sa recherche. Elle va aller sur les lieux, rencontrer tous les inspecteurs liés de près ou de loin à l’enquête, rencontrer des victimes ou des proches. Tout au long de son enquête, elle note tout, rédige, et publie des articles sur chaque avancée. Michelle dresse non seulement un portrait saisissant de la société californienne (la croissance démographique, l’époque post-hippie) et le fonctionnement très aléatoire de la police de l’époque avant de la révolution venue avec l’ADN et les logiciels partagés des empreintes génétiques (le fameux CODIS), créé et financé par le frère d’une des victimes du Golden State Killer.
A sa parution, le livre a été classé n°1 des ventes. Michelle avait commencé ce livre, espérant faire relancer l’enquête. Et l’une des pistes proposées était la bonne. Mais Michelle ne l’aura jamais su. Elle est décédée subitement avant d’avoir fini le livre. A la demande de son mari, deux enquêteurs (dont l’amateur, The Kid) ont repris le flambeau – ils se sont servi des centaines de notes de Michelle, de ses articles publiés, de ses brouillons et de leur propre connaissance de l’enquête pour achever ce livre et rendre hommage au travail acharné de cette jeune femme.
J’ai délibérément souhaité ne pas rechercher d’informations sur le tueur en lisant ce livre et je vous conseille de faire de même. Cela a rendu ma lecture nettement plus intéressante. Comme James Renner, Michelle a ce trait de caractère obsessionnel qui me fascine. L’homme allait et venait, était souvent repéré mais jamais inquiété. Pourquoi ? Les gens se rappelaient tous avoir senti « une présence », avoir trouvé une porte ouverte, des traces de pas dans leur jardin, mais étrangement peu s’en étaient inquiétés. Et soudainement des quartiers entiers ont plongé dans la peur…
Je vous ai donné envie? vous savez quoi faire ! Mon seul bémol ? La couverture française – je n’aime pas ce genre de couvertures très « voyante ». Mais c’est un avis personnel. Reçu dans la cadre de Masse Critique.
♥♥♥♥
Et je disparaîtrai dans la nuit, I’ll be gone in the dark, trad.Estelle Roudet, Editions Kero, 400 pages, 2018
15 commentaires
ahhhhhh il me le faut!! j’ai adoré Addict, et ce livre me semble juste parfait!!
Si tu as aimé Addict, tu vas adorer celui-ci ! Il a bien mérité tout le buzz autour de lui 🙂
Oui… tu m’as donne envie !
Super ! Il est très bien et passionnant et il fait réfléchir
Intéressant… J’ai aussi de plus en plus d’intérêt envers ce type de récit.
« Addict » m’attend et je viens de mettre la main sur « Côté ghetto » de Jill Leovy.
Oh je vais aller voir ça ! Oui, je trouve que ça change des romans, et puis je suis fascinée par ces personnes qui décident d’enquêter et ici la fin est très émouvante. Bref, une très bonne lecture !
Je le note, évidemment, même si la couverture est horrible!
Oui, si tu as du joli papier pour le recouvrir 😉 Je pensais à imprimer la couverture de la version originale. Mais sinon, il vaut vraiment le détour. Du coup, j’ai noté celui que tu as trouvé de Jill Leovy. J’adore Balistique (j’en suis à un tiers donc chut!)
Super! Et puis, ravie de savoir que « Balistique » ne suivra pas le même chemin que « Tony et la crème glacée »!!! Mais chut!
MDR ! oh non !
Intéressant tout ça! Je n’ai jamais lu de livre d’investigation!
Il faut que tu le fasses, c’est très prenant !
Je vais lister ceux que tu as mis et voir ceix qui me plairaient à coup sûr! 😉 J’ai confiance en tes choix !
Tu devrais lire l’histoire de son arrestation….cela date d’il y a 2 ou 3 mois…malheureusement cette auteure n’aura pas connu çà car elle est décédée entre temps. C’est vraiment une histoire de fous….piégé par son adn sur des sites de généalogie!
Oui, je l’ai lu depuis – mais c’est dommage de tout savoir de la fin si on lit ce livre – c’est pour cela que je disais que j’avais choisi de faire l’impasse mais depuis je me suis rattrapée. Il y a déjà eu une trentaine d’arrestations grâce à ces sites – pas partout car certains Etats interdisent ce type de preuve indirecte.
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