Balistique • D.W Wilson

par Electra
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J’ai ce livre depuis fort longtemps dans ma PAL – conseillé par ma copine pur laine, le Caribou. Pourquoi aura-t-il fallu attendre aussi longtemps pour que je le sorte ? Sans doute la faute au Festival America, qui a eu la bonne idée d’inviter son auteur, D. W Wilson.

Alan West est au chevet de son grand-père, qui lui confie une dernière volonté : revoir son fils. Alan se lance alors dans un road trip sauvage en quête de ce père qu’il n’a jamais connu.

Alors que les incendies font rage dans les Rocheuses canadiennes, Alan prend la route. Narrateur, il se confie : il vient de rompre et cherche encore un sens à sa vie, lorsque son grand-père, qui l’a élevé, est hospitalisé d’urgence. Ce dernier lui confie une mission : revoir son fils, le père d’Alan.  Ce dernier est parti alors qu’Alan n’avait pas deux ans. La mère d’Alan a aussi disparu de sa vie. Alan doit alors confronter le passé de son grand-père à ses propres peurs. Son grand-père lui conseille d’aller rendre visite à un homme, un Américain, déserteur lors de la guerre du Vietnam. Les deux hommes étaient devenus très proches au fil du temps mais une tragédie les a séparés. Alan se souvient alors de l’avoir déjà rencontré, enfant. Cet homme sait où se trouve sa mère. Même très affaibli, il décide d’accompagner Alan dans ce road trip en quête de vérité. Mais à quel prix ?

Des portraits d’hommes magnifiques – en y repensant, les femmes sont présentes mais étrangement souvent porteuses de malheur. Elles sont toutes à l’origine des tragédies. Mais il y a une raison : les hommes veulent toujours leur faire porter le poids du monde, alors elles partent.

Ce qui est impressionnant chez D.W Wilson, c’est la puissance de son écriture. Crue, rugueuse puis subitement poétique et sensible, cette lecture vous embarque des montagnes russes d’émotion. La tragédie est là, on la sent venir, comme on sent l’odeur de la fumée et des flammes se rapprocher.

J’ai pourtant bien quelques bémols à l’encontre de ce roman, comme la mort violente de l’un des protagonistes, que j’ai trouvée mal amenée, mal comprise. Ou le témoignage d’Alan sur les derniers souvenirs de son père, alors qu’il n’avait pas un an (comment se souvient-on d’une conversation ?) mais qu’importe car ces quelques maladresses sont balayées d’un revers de la main par la puissance poétique des mots du romancier canadien.

L’éditeur déclare que « Balistique signe l’irruption de la tragédie grecque dans le nature writing » et il a tout à fait raison. L’immensité des paysages canadiens, réduits à une peau de chagrin sous une fumée épaisse, et ces générations d’une même famille qui semblent répéter les mêmes erreurs.

Le souvenir détrempé de ces semaines où Linnea et moi, on a dormi à la belle étoile dans les étendues sauvages de la Colombie-Britannique. Ce sont comme les instantanés d’une vie meilleure, ces moments-là, destinés à être déterrés de la mémoire, époussetés et dégustés, tout simplement. Ils vous consolent de toutes ces phases où l’horizon est d’un gris de charbon, où l’air pèse sur la langue avec un goût de métal et d’électricité statique et d’orage, où on ne s’arrive pas à se défaire de la sensation qu’on approche d’un tournant.

J’ai prêté ce roman à mon beau-père, parti en voyage, en lui faisant promettre de me le rapporter. J’ai noté plein de passages,  mais il a fallu faire un choix. Les personnages sont magnifiques, faillibles et profonds. Souvent teintés d’une profonde amertume liées aux blessures du passé. L’amitié de ces deux hommes qui vole en éclat. Une confiance trahie. Et la rencontre d’un père et de son fils.  Ne passez pas à côté de ce petit bijou (mais ça arrive, Eva, je crois). J’ai les images de ces incendies en tête, et de ce camping, paumé, abandonné de tous où un homme attend, patiemment, que l’on vienne le trouver. Sublime.

Un vendredi soir de septembre, il y a un certain temps, une copine à moi a renversé une canette de Lager sur ses cuisses et m’a demandé, la langue pâteuse, comment tout avait commencé, l’été où j’avais parcouru en long et en large la région des Kootenay. Elle a tracé du doigt des petits dessins dans l’écume caramel qui moussait sur sa peau. J’ai pensé aller lui chercher une serviette en papier, mais je pensais à pas mal de choses à ce moment-là. On tirait au petit bonheur sur des canettes vides avec le fusil de chasse de mon grand-père, et j’avais raté ma cible à cause du trac et de mes soucis, et aussi de cette nervosité qui s’incruste en soi lorsqu’une aventure se dirige vers une fin incertaine. J’ai caressé une cicatrice sur ma joue, à peu près aussi longue qu’un canif, et je me suis interrogé un instant sur les morts et les disparus.

Je complète ainsi ma participation au challenge Canada en 12 romans pour l’Etat de la Colombie-Britannique (que je dois mettre à jour sur la page dédiée de mon blog).

♥♥♥♥♥

Editions de L’Olivier, Ballistics, trad. Madeleine Nasalik , 2015, 368 pages

Et pourquoi pas

9 commentaires

Fanny 2 août 2018 - 9 h 22 min

C’est noté ! J’ai aimé ce que tu disais des personnages, ça me donne envie de les découvrir.

Electra 2 août 2018 - 20 h 14 min

Merci ! Il date un peu mais oui les personnages sont attachants!

keisha 2 août 2018 - 13 h 54 min

Je ne connais ni l’auteur ni le roman… On verra ça au festival. A ce propos, ma bibli a commandé plein de livres d’auteurs qui seront au festival, patience patience.

Electra 2 août 2018 - 20 h 16 min

Oui, enfin tu verras juste l’auteur car il sera là pour des débats principalement. Mais je pense que tu pourras trouver son livre. J’ai déjà réservé à la BM les livres que je voulais -du coup, mon programme est fait et les livres déjà à la maison! Tu lis vite, tu vas donc être bien occupée ces prochaines semaines.

Marie-Claude 2 août 2018 - 16 h 30 min

Enfin, un coup de coeur pour moi, qui est aussi un coup de coeur pour toi (malgré tes petits bémols de rien du tout). Il me semble que ça faisait longtemps!
J’ai tellement hâte de lire son recueil de nouvelles. La patience à des limites! Il aura fallu attendre trois ans. C’est long!

Electra 2 août 2018 - 20 h 17 min

Oui, mais on ne lit pas non plus trop de livres en commun (je vois ta BAL par exemple) mais oui ça fait du bien !! Hâte de le voir en vrai et de lire ses nouvelles. Il faut apprendre à être patiente (ça fera deux avec Marley LOL).
Une très belle histoire et des passages magnifiques. J’ai adoré !!

Alaska 7 août 2018 - 17 h 09 min

Ce livre-là est dans ma liste à découvrir depuis un bon moment! Il me semble qu’il me plairait bien. Ton billet est excellent soit-dit en passant!

Electra 7 août 2018 - 23 h 46 min

Merci ! Il est magnifique – l’écriture est vraiment à part et l’histoire touchante. Donc, oui, garde-le dans ta liste !

Revue de presse n°1 - la nuit je mens 10 septembre 2018 - 7 h 03 min

[…] du journal The Globe and Mail, a interviewé l’auteur canadien D.W Wilson, dont le roman, Balistique, a obtenu un beau succès et que j’ai chroniqué récemment. L’auteur étant présent […]

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