C’est en apercevant la couverture que j’ai découvert ce roman, signé Tracy Chevalier. Je n’ai jamais l’auteur de La jeune fille à la perle – aussi même si le nom m’était familier, je n’ai pas fait immédiatement le lien. C’est la quatrième qui m’a convaincu : une adaptation de la tragédie d’Othello revisitée dans l’Amérique des années 70 lorsqu’un élève de 11 ans fait son entrée en fin d’année scolaire au primaire, premier élève noir dans une école exclusivement blanche…
J’ai lu et étudié la célèbre pièce de Shakespeare à la fac et j’étais curieuse de voir l’histoire transposée dans une école américaine de la banlieue aisée à Washington D.C.
Osei Kokote fait ses premiers pas dans la quatrième école fréquentée en moins de six ans. Fils d’un diplomate ghanéen, le jeune garçon, surnommé O. est habitué à sa position de petit nouveau et il sait qu’il doit rapidement se trouver un allié pour survivre dans un nouvel établissement. Sa dernière expérience, à New York, ne l’a guère enchantée – la seule autre élève noire, Jamaïcaine, l’a fièrement ignoré pendant toute sa scolarité. O. n’a rien dit à son père et ici point d’élève « à la peau légèrement plus foncé », qu’il soit noir, arabe ou asiatique. Mais à sa grande surprise, c’est Dee, l’une des filles les plus populaires qui vient lui tendre la main. Dee est une jolie blonde aux cheveux tressés qui a accepté d’accompagner O. et entre eux le courant passe immédiatement.
Contrairement aux autres élèves, Dee est sous le charme de ce garçon posé, fils de diplomate qui a voyagé à travers le monde. Elle le trouve fascinant et ne comprend pas la réaction inverse de ses camarades ou même de leur maître. L’école est un lieu compliqué, surtout à quelques mois de l’entrée au collège. Les élèves les plus populaires font des envieux, particulièrement leurs meilleurs amis, comme Mimi, l’amie un peu gauche de Dee. D’ailleurs, elle a accepté les avances d’Ian, le mauvais garçon de l’école. Le bully de l’école qui adore harceler les plus jeunes, leur volant leur goûter ou leur argent. Il aime tourmenter les autres élèves et prend immédiatement en grippe O.
Il décide de détruire cette relation « anormale » et à la fin de cette première journée, l’école entière, que ce soit du côté des élèves ou des professeurs ne sera plus jamais la même.
In some ways overt racism based on ignorance was easier to deal with. It was the more subtle digs that to got to him. The kids who were friendly at school but didn’t ask him to their birthday parties even when they had invited the rest of the class. The conservations that stopped when he walked into a room, a slight pause reserved for his presence. (..) The assumption that he was better at sports because black people just – you know – are, or at dancing, or at committing crimes. The way people talked about Africa as if it were just one country.
Si vous avez lu Othello, vous connaissez la fin et ici, transposée dans une école bourgeoise, vous pouviez vous attendre à une version édulcorée mais que nenni ! L’auteur réussit l’exploit de attirer dans sa toile, et j’ai dévoré cette histoire en une seule prise.192 pages où la tragédie prend peu à peu forme. A cet âge, les amitiés et les amours se font et se défont en quelques minutes. O. est la proie de cette société qui n’accepte toujours pas la mixité dans les écoles et regarde O. comme une erreur. Le racisme est extrêmement fort et j’applaudis Tracy Chevalier qui réussit à rendre cette xénophobie très réaliste, celle des enfants, purs produits de leurs parents, et de manière encore plus insidieuse et révoltante, celle des professeurs. Même le plus progressiste peut vous surprendre. La violence des mots échangés entre les enfants ou des professeurs envers leurs élèves m’a profondément choquée mais dresse un portrait très honnête de cette Amérique-là.
Tracy Chevalier reproduit à merveille ces amitiés détruites par la jalousie, ces hommes sans foi ni loi qui vous trahissent et sont capables du pire pour soulager leurs propres désirs. Même si j’ai parfois souri en lisant certains passages, destinés à des enfants, j’ai été effaré par la violence verbale et non verbale que les enfants différents ont eu à subir à l’école. L’autre plus du roman sont les chansons ou poèmes écrits par les enfants, d’une méchanceté impressionnante.
My mommy told me
If I was goody
That she would buy me
a rubber dolly
My sister told her
I kissed a soldier
Now she won’t buy me
that rubber dolly
Now I am dead
And in my grave
and there beside me
A rubber dolly
Sorti l’an dernier, j’espère qu’il sera traduit en français car il mérite d’être lu, que vous soyez jeune ado ou adulte.
♥♥♥
Editions Hogarth, 2017, 192 pages
2 commentaires
Tu me donnes sacrément envie ! D’autant plus que j’aime beaucoup cet auteur, qui d’ordinaire est plus dans le genre historique … Il va sûrement sortir en français, et je le lirai d’office ! Merci pour la découverte en forme de preview alléchante 😉
Le côté réécriture d’Othello me donne aussi très envie. Je note, merci !
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