Il y a des romans qui vous obsèdent ou plutôt des livres que vous ne cessez de voir sur la blogosphère (anglophone) et un jour vous craquez .. et le résultat est là, j’ai enfin découvert Sally Rooney, l’auteure irlandaise qui a fait la une des médias avec ses deux romans.
Je suis plusieurs BT anglophones et toutes ont adoré ses livres, Conversations with friends publié avant Normal people et ont même pleuré en lisant le dernier. Je me demandais donc ce qui se cachait derrière cette auteure. Je n’étais pas folichonne à l’idée de lire un roman qui raconte la vie amoureuse de deux personnages mais je savais qu’elle réussissait à aller plus loin (comme Julia Kerninon).
Connell et Marianne sont tous deux lycéens dans une petite ville de la campagne irlandaise. Mais tous deux viennent de monde très différent. Ils se croisent régulièrement lorsque Connell vient chercher sa mère à la fin de son travail. Elle fait le ménage chez les parents de Marianne, des gens très aisés. Marianne est asociale. Elle rase les murs au lycée, personne ne lui parle. On se moque souvent d’elle. A l’inverse Connell, même s’il cache un fond introverti, est plutôt populaire au lycée. Il joue dans l’équipe de football, et la plus jolie fille du lycée s’intéresse à lui. Mais Connell sait qu’il ne fait pas partie de leur monde, le jeune homme est élevé par les maigres revenus de sa mère célibataire et n’envisage pas de grande carrière. La chance est de son côté, car Connell est un excellent élève et dans certaines matières, Marianne et Connell sont en compétition pour décrocher les meilleures notes.
Un soir, les deux adolescents entament une conversation.. puis une autre… Je vous laisse découvrir ces premiers chapitres. Tous deux se retrouvent à la même université à Dublin. Si pour Marianne, la vie loin de sa famille toxique et des anciens élèves du lycée se révèle positive, Connell, qui écrit et se rêve écrivain, a du mal à s’adapter à cette ville immense et à cette vie universitaire, très éloignée de sa réalité. Il croise à nouveau le chemin de Marianne et…
Je m’arrête là. Une fois dans le livre, et malgré toutes mes interrogations au fil de la lecture, je n’ai pas pu reposer ce dernier. Je ne lis jamais d’histoire d’amour, et d’ailleurs je pense que c’est avant tout un livre profondément politique (sur les classes sociales en Irlande) avec en parallèle l’amour et toutes les difficultés à appréhender l’autre. Sally Rooney sait parfaitement retranscrire les pensées des deux protagonistes, leurs actes manqués, leurs remords et les incompréhensions. Elle transcrit avec talent comment il est difficile d’expliquer à l’autre ce qu’on le ressent, ce qu’on l’on souhaite – je me souviens en particulier d’un moment dans leur histoire où Connell aurait aimé que Marianne l’invite à passer l’été chez elle et ne cesse de repousser cette conversation qui finit par arriver et où rien ne se passe comme il l’a espéré.
J’ai beaucoup aimé le personnage de Connell, sans doute parce que je me suis plus identifiée à lui, moins avec Marianne qui souffre d’une forme de dépression et dont la famille est si toxique que j’ai eu du mal à le croire parfois. Marianne ne s’aime pas et n’arrive pas à avoir une relation saine avec Connell. Le titre du roman vient d’elle qui s’interroge, alors qu’elle a quitté le lycée, si un jour elle pourra vivre comme les gens normaux.
Mais même si je n’ai pas accroché au personnage de Marianne, je trouve qu’en tant que lectrice, l’expérience d’être dans sa tête est très intéressante car elle bouscule pas mal de choses. Le roman de Sally Rooney reste pour mois un roman important sur les classes sociales. Même si Connell enchaîne les succès, il doute constamment de son talent et se sent redevable. Marianne, à l’inverse, a grandi sans jamais se soucier d’argent et peut ainsi plus profiter de ses années universitaires, l’argent coulant toujours à flot. Pour être allée dans une faculté très huppée et très chère aux Etats-Unis, je comprends son ressenti.
Mon seul bémol vient des premiers chapitres où l’histoire d’amour entre le garçon populaire et la fille pas très jolie m’a terriblement fait penser à plein de bluettes cinématographiques américaines des années 80 et 90 mais le départ pour l’université met fin à ce chapitre.
Enfin, pour revenir à la vie intérieure des personnages, je connais déjà une auteure très talentueuse : Tessa Hadley. Leur style est différent, même si le résultat est le même. Le lecteur est aspiré dans leur monde. Je trouve Tessa Hadley plus « adulte » et Sally Rooney plus sombre. Reste que toutes deux sont des championnes pour dévoiler le monde secret des gens normaux. Du coup, en mentionnant son nom, j’ai très envie de retrouver l’univers de Tessa Hadley qui me correspond bien pour ces romans introspectifs.
En tout cas, je comprends mieux l’engouement autour de ce roman, car Sally Rooney sait s’adresser directement au lecteur, d’une manière très intelligente, en particulier sur notre incapacité à communiquer et montrer notre vrai « soi ». De plus, elle dresse le portrait d’une Irlande très réaliste.
Et je vais encore la lire puisque j’ai acheté son premier roman Conversations with friends et la nouvelle, Mr Salary, qui lui a permis de remporter un prix. Normal people a été sélectionné pour la longue liste du Man Booker Prize et obtenu l’équivalent du Prix Goncourt en Irlande et a été sélectionné pour d’autres prix. Son premier roman est sur un groupe d’amis et l’infidélité, un sujet récurrent chez Tessa Hadley du coup j’espère être aussi emballée !
♥♥♥♥
Editions Faber & Faber, 2018, 266 pages
6 commentaires
Il est en VO ?Si oui malheur et patience pour moi
alors on souffle un grand coup ! oui, il est en VO mais je ne vois pas comment on peut en tant qu’éditeur échapper à ce phénomène ! Ses deux livres ont été les plus vendus du coup je pense qu’ils sont en cours de traduction, si quelqu’un sait chez qui, qu’il le dise rapidement ! Mais j’imagine que ça ne saurait tarder !
Il y dans ma Pal depuis plusieurs mois. J’ai craqué comme toi à force de le voir partout malgré le côté fleur bleue de prime abord. Après ton billet, je me réjouis de m’y attaquer.
Oui, il faut passer le premier chapitre, une fois à l’université, on n’est plus dans le côté « amourette » car honnêtement j’ai cru reconnaître deux films pour adolescents ! Mais heureusement, tout change et ensuite on change totalement de registre. J’aime beaucoup comment elle aborde la frustration de ne pas pouvoir communiquer, montrer qui on est ! Hâte de lire ton billet du coup !
pas ma came les histoires d’amour des adolescents, et puis en VO, je passe mon tour !
tu as mal lu ! On passe directement à l’âge « adulte » et les années défilent ! Il n’y a qu’un ou deux chapitres sur la partie lycée – après si tu lis mon billet, c’est plus un roman politique. Bref, j’ai du raté mon billet et oui en VO de surcroît 😉
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