Elephant · Raymond Carver

par Electra
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Le mois de mai est lancé ! Et je ne pouvais pas ne pas lire un peu de Raymond Carver pour le challenge dédié aux nouvelles. J’ai déniché ce petit recueil à la bibli.

Le recueil Elephant, titre éponyme de l’une des nouvelles, en contient sept. La légende veut que ce soient les dernières que l’auteur a écrites. La plus longue d’entre elles et la dernière, Errand (errance) et raconte la mort de Tchekhov imaginée par Carver. Ce dernier était un grand admirateur de l’auteur russe, et leurs oeuvres ont souvent été comparées.

Mais je souhaite revenir sur les précédentes qui mettent en scène des hommes, d’âge mur, divorcés ou sur le point de quitter leurs femmes. Raymond Carver réussit à construire des portraits intimes de ces hommes remariés mais dont le premier mariage semble encore les posséder. Ils ne veulent plus en entendre parler, mais rien n’y fait. L’un d’eux débarque ainsi chez son ex, incapable de parler, il se met à pleurer pendant que son ex-femme vide son sac. Un monologue puissant ! Un autre compare sa nouvelle épouse à l’ancienne, sa jeunesse, son sourire mais il reste toujours quelque chose en suspends.

Le mari chez Carver est infidèle, un animal reproducteur, qui change de femme, en trouve une plus jeune et recrée une famille. Il semble incapable de rester fidèle. Il n’aime pas les voir vieillir. Mais son seul amour, c’est son premier amour, celui dont il était certain qu’il serait éternel. Il y a toujours une terrible vision de l’âme humaine chez Carter. Les hommes ont peur de leur décrépitude. Ils refusent de vieillir. Ils sont lâches.

Je me souviens de cette nouvelle où un homme marié est tombé amoureux de sa voisine. Il sait qu’elle l’a dit à son époux et que celui-ci est parti en lui demandant de choisir. Lui n’a encore rien dit à sa femme. Il n’a pas le courage d’affronter la vérité et la réaction de son épouse. Le soir, il guette sa maîtresse dans la maison voisine, la lumière s’allume.

Dans Menudo, Carver explore à nouveau les faux-semblants, à travers la vie des banlieusards, où les voisins font semblant d’être amis, de se connaître.  Il dissèque avec une grande acuité les êtres humains.  Et ce qui l’y trouve n’est pas glorieux.

Baxter starts his car and races the engine. (..) As he passes on the street, he slows and looks briefly in my direction. He lifts his hand off the steering wheel.  It could be a salute or a sign of dismissal. It’s a sign, in any case.  And then he looks away towards the city. I get up and raise my hand, too – not a wave, exactly, but close to it. Some other cars drive past. One of the drivers must think he knows me because he gives his horn a friendly little tap. I look both ways and then cross the street.

Impossible de ne pas parler d’Elephant, qui raconte l’histoire d’un homme dépassé par sa propre vie.  Il verse de l’argent à son ex, à sa mère, à sa femme et maintenant à son fils, qui a choisi de partir étudier ailleurs et refuse de travailler. L’homme est tiraillé de toutes parts, et tente de se rebeller mais il est coincé. Et puis un jour, son frère lui demande de l’argent…. J’aime lorsqu’il se remémore son enfance et son père, quand tout était plus simple. Quand quelqu’un prenait soin de lui, quand il montait sur ses épaules et qu’il imaginait que son père était un éléphant. Une vraie pépite.

La toute première, Boxes, raconte le départ d’une femme pour la Californie. Elle était venue vivre près de son fils adulte, qui s’est remarié entre temps, mais elle s’ennuie, déteste le froid. Ses cartons sont prêts, son départ approche. Elle les invite une dernière fois. Carver transcrit avec talent les tensions entre ces trois êtres, les non-dits, les silences gênés. Un vrai petit bijou.

Raymond Carver est « celui qui a le mieux exprimé les vertiges d’une classe sociale sans mémoire, celle des petites gens agités par les tracasseries du moment, les drames de la vie conjugale, du chômage et de l’alcoolisme ». (Jean Vautrin)

Je pense que ce recueil a été partiellement repris et traduit (toute son oeuvre est traduite) par les éditions de L’Olivier sous le titre Les trois roses jaunes (traduction française d’Errand), Elephant y figure également. Mais il existe des dizaines de recueil (j’ai les oeuvres complètes). Sautez le pas !

♥♥♥♥♥

Edition Vintage Classsics, 2009, 128 pages

Et pourquoi pas

9 commentaires

Ingannmic 23 mai 2019 - 11 h 02 min

Déjà convaincue suite à ma première lecture de l’auteur… la thématique de ce recueil me tente bien..

Electra 23 mai 2019 - 21 h 43 min

Oui, j’ai déjà lu un recueil et ici j’aime bien son regard sur ce thème en particulier, même si ce n’est pas très flatteur 🙂

Marie-Claude 24 mai 2019 - 2 h 06 min

En matière de nouvelles, Carver est indétrônable et figure dans mon trop 5 de nouvellistes, au côté de Bruce notamment !

Electra 26 mai 2019 - 20 h 07 min

Oui, pareil ! Son regard sur les couples est terrible et saisissant !

Mai en nouvelles : 2E édition les chroniques - la nuit je mens 26 mai 2019 - 20 h 30 min

[…] Albin Michel Un matin de Virginie, trois histoires de jeunesse de William Styron, Editions Folio Elephant & other stories, Raymond Carver, Vintage Sweet nothing Stories, Richard Lange, Mulholland Books Le Diable et […]

La Rousse Bouquine 27 mai 2019 - 14 h 15 min

Je me rappelle avoir traduit du Raymond Carver à la fac… Et si son écriture est très belle, je dois quand même reconnaître que ce n’était pas une partie de plaisir !

Electra 28 mai 2019 - 7 h 11 min

oui ! tu as raison, ce n’est jamais très joyeux avec lui mais il dissèque tellement bien l’âme humaine !

Jerome 28 mai 2019 - 12 h 58 min

Tu le sais, pour moi c’est un nouvelliste inégalable, le meilleur de tous !

Electra 28 mai 2019 - 22 h 46 min

oui ! évidemment ! c’est toujours aussi plaisant de le retrouver !

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