Parfois on vous propose un livre, et la quatrième de couverture vous pousse à accepter. Un premier roman et une bonne surprise à l’arrivée. Et pourtant …
Le Caribou se souviendra sans doute de moi me demandant comment ce roman de Bruno Veyrès est arrivé dans ma boîte aux lettres (fatigue quand tu nous tiens…).
Gallina, Etats-Unis, dans les années 1970. Parti passer l’été aux Etats-Unis dans la petite ville de son correspondant, au coeur des Rocheuses, un adolescent français est hébergé par une femme qui lui prête la chambre de son fils. Dans cette pièce, Mme Barns conserve les souvenirs de Clive. Il était étudiant quand il a été appelé sous les drapeaux pour servir au Vietnam. Il y est mort au combat. Tous les objets de son quotidien sont là, intacts, et sa courte vie envahit lentement l’esprit du narrateur. Longtemps après, l’adolescent est devenu un homme et il ne lui est plus possible de repousser encore son rendez-vous avec Clive.
Cette 4C m’a plue mais m’a aussi totalement induite en erreur .. Pourquoi parce que j’ai pensé que l’on suivait le narrateur devenu homme dans sa décision de retourner à Gallina, plus de trente ans les faits après cet été – je n’avais pas du tout compris que l’auteur a fait un tout autre choix. Celui de nous raconter la dernière année de Clive libre avant sa décision de rejoindre l’armée, puis le Vietnam.. et puis la fin – parce qu’ici pas de mystère, on sait dès le départ, dans sa chambre où sont conservés la médaille du fils et ses dog tag, qu’il n’est pas revenu vivant de cette foutue guerre. Du coup, j’avoue, je ne comprenais absolument pas où nous menait le roman, qui commence avec la mort du père de Clive dans un accident de travail… J’ai du coup fait quelque chose que je ne fais jamais, j’ai sauté les cent cinquante premières pages (je crois) puis j’ai commencé à lire, lorsque c’était Clive, le narrateur qui raconte ses premières classes puis le départ au Vietnam… et je me suis prise au jeu !
J’ai beaucoup aimé sa voix, et puis j’ai voulu savoir qui était Rose, sa petite amie, qui était son meilleur ami, Simon, qui avait réussi à ne pas être appelé. Et j’ai remonté les pages .. Une lecture donc très étrange, mais addictive avec la voix de Clive – qui prédomine, pour moi, toutes les autres. J’avoue que j’ai compris après la décision de l’auteur de nous parler autant de sa famille et du père de Simon, qui l’a pris sous son aile et ensuite, membre du bureau de sélection des armées, ne l’a pas empêché de partir au Vietnam (alors qu’il avait protégé son fils). Mais Clive voulait s’engager. Ne l’oublions pas. Même si on connaît la suite, si on sait aujourd’hui, que cette guerre, était une erreur et qu’elle a coûté la vie à des milliers d’Américains. Un roman donc sur la culpabilité de ceux qui sont restés, sur la douleur d’une mère veuve et qui perd son fils, âgé tout juste de 19 ans, mort à des milliers de kilomètres …
Bruno Veyrès raconte cette Amérique divisée, celle des Généraux qui ont voulu la guerre et y ont envoyé les plus défavorisés ceux qui une fois sorti du lycée n’avaient que l’usine comme avenir. Les privilégiés, étudiants, ont rapidement condamné cette guerre en manifestant. La jeunesse s’est divisée. A leurs retours, ces jeunes hommes étaient insultés, traités de « tueurs d’enfants ». Des jeunes hommes qui n’étaient bon qu’être de la chair à canon. Mais cela a toujours été le cas. Les plus aisés ont toujours échappé à la guerre, ou alors, engagés, ils restaient en arrière. Le Vietnam n’est qu’une énième répétition. Hélas.
La voix de Clive a résonné en moi car je me souviens bien de cette foutu guerre en Irak, vingt ans après, qui aura coûté la vie à des milliers de jeunes américains, à nouveau. Une guerre pour de l’or noir et à nouveau la jeunesse pauvre et souvent immigrée qui se retrouve au premier rang. J’avais suivi ce site où chaque jour apparaissait les noms des soldats tombés au combat. Pareil, 18-20 ans, le bac en poche ou aucun diplôme. Ceux qui revenaient étaient aussi mal et le taux de suicide a explosé. Je n’ai jamais réussi à mettre la main sur un documentaire déchirant sur cette jeunesse détruite qui m’avait ému aux larmes.
Revenons au livre, une écriture fluide, des personnages très attachants, il se lit très vite. Une jolie découverte. Pas de misérabilisme. N’hésitez pas, si vous le croisez, à le lire. Et puis ça fait du bien, après une très mauvaise expérience avec un premier roman, de découvrir un nouvel auteur aussi doué ! Et si le roman souffre de quelques écueils (normal, pour un premier roman) il reste un très bon moment de lecture ! Et oui, Le Caribou, c’est un roman français.
♥♥♥
Editions du Toucan, 2019, 352 pages
8 commentaires
Je l’ai déjà vu passer, en effet… vu ce que tu en dis, à noter, et éventuellement à lire quand il sortira en poche..
oui, il peut attendre mais c’est agréable de lire un auteur si prometteur
Une lecture qui a été très marquante pour toi… Elle restera dans les annales, celle-là!
ah oui ! merci ! effectivement, je n’avais jamais abordé un livre de cette manière !
Une lecture non linéaire donc ! Et un roman français ! Et bien pourquoi pas alors ?
oui, un roman français ! un premier roman en plus !
Ah tu me donnes envie! Je note je note 🙂
ah oui ? pour une fois que ça vient de moi !!!!
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