Le ciel à bout portant · Jorge Franco

par Electra
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La rentrée littéraire de janvier m’a gentiment déposé ce roman colombien. Je crois qu’il s’agit de ma première lecture venant de ce pays. Ayant très peu connaissance de la Colombie et de son histoire, j’étais très tentée par ce roman situé à Medellín avec en fond d’image l’assassinat de Pablo Escobar, le célèbre narco trafiquant.

L’avion de Larry atterrit à Medellín. Le jeune homme vient de faire une rencontre troublante avec une jeune femme, Charlie.  Celle-ci rentre au pays précipitamment après avoir appris la mort soudaine de son père. Larry vient également enterrer son père, disparu il y a douze ans. Le jeune homme vit désormais à Londres et revient à contrecoeur dans la ville de son enfance. Car Larry n’est autre que le fils de Libardo, un célèbre bras droit de Pablo Escobar. A l’aéroport, son ami d’enfance Pedro est venu accompagner de deux amies et embarque le jeune homme dans l’Alborada, une fête populaire où pétards, feux d’artifices et alcool se mélangent allègrement.

Larry retrouve alors la ville de son enfance et surtout son passé qui le hante encore. Impossible de ne pas lier Medellín à son père et au passé trouble de son pays. Les années ont passé mais rien n’a vraiment changé. Fatigué, il suit à contrecoeur ses amis dans leur virée nocturne, tentant désespérément de retrouver sa mère, tout en pensant continuellement à Charlie, la jeune femme rencontrée dans l’avion.  Larry et son frère Julio ont grandi auprès de parents aux personnalités exaltées : Libardo qui aime son train de vie et semble fier de son « travail » et leur mère Fernanda, une ex-miss Medellín qui aime sa vie privilégiée mais ne se remet pas de la liaison de son mari avec une « poulette de vingt ans ». Le couple se déchire, tout en pleurant la disparition de Pablo Escobar qui vient d’être assassiné. Fernanda sait que l’Etat et les ennemis de Pablo ne vont pas s’arrêter là et veut fuir à l’étranger avec ses enfants mais son mari refuse. Il engage des gardes du corps supplémentaires et ses fils vivent en permanence sous la menace. Les coups de fils anonymes explosent et leur père devient très anxieux, portant sur lui en permanence une arme.

Lorsqu’un jour, il disparaît mystérieusement en se rendant à un rendez-vous, leur vie change. Leur mère noie son chagrin dans l’alcool et tente pendant plusieurs mois de négocier avec les prétendus ravisseurs et de récolter l’argent nécessaire. Son comportement erratique inquiète Larry. Julio, qui a toujours défendu son père, part se réfugier dans une de leurs fermes, loin du tumulte de la ville.

Jorge Franco offre au récit une construction impeccable et un rythme intense, je confirme qu’il ne laisse aucune trêve au lecteur et qu’on ne peut s’empêcher de dévorer le livre.

Et si je trouve très intéressant le regard porté par Jorge Franco, sur cette génération d’enfants de narco trafiquants – victimes de leurs pères et sur la société colombienne en général, j’ai quand cependant eu quelques difficultés.

Je n’ai pas accroché au personnage de Larry,  j’avoue – le jeune homme semble totalement dépassé par les évènements et  est incapable de réagir, à un point qui devient, je l’avoue, lassant à la fin. J’ai parfois trouvé que son frère était plus sain que lui. Mais la fuite était-elle vraiment la solution? J’avoue pour sa défense que sa mère est terriblement énervante. Le genre de personne qui me fait fuir. Elle hurle, crie, pleure, tape, fume, boit. Un spectacle permanent très fatiguant, même pour le lecteur.

Ma vraie difficulté vient du choix de l’auteur de changer de narrateur, ou plutôt de voix narrative – un coup, il emploie le pronom « je » lorsque Larry s’exprime, et le chapitre suivant, il passe à la troisième personne du singulier pour le même personnage. Du coup, il a fallu en permanence que je m’adapte à changer d’angle et hélas je n’ai pas cette facilité en mode lecture.

Et puis surtout c’est le choix de n’employer que les prénoms des parents pour les désigner, Libardo et Fernanda. Le fait que leur propre fils ne les désigne que par les prénoms a maintenu une profonde distance entre eux et moi et du coup, je n’ai jamais ressenti la détresse de Larry car il en parle comme deux adultes invités dans sa maison. L’auteur aurait pu utiliser utiliser les substantifs « mère » ou « père »  ou les pronoms « il » ou « elle » mais non, il s’y refuse. Du coup, Libardo et Fernanda deviennent des « personnages de spectacle » et plus des personnes.

♥♥♥

Editions Métailié, El cielo a tiros, trad. René Solis, 2020, 380 pages

Photo by Milo Miloezger on Unsplash

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8 commentaires

Fabienne 23 mars 2020 - 9 h 41 min

Je te lis en diagonale car je vais le lire très prochainement mais je reviendrai ensuite. J’ai retenu que tu l’as dévoré, c’est l’essentiel 😊 Ce sera pour moi aussi mon premier roman d’un auteur colombien.

Electra 26 mars 2020 - 8 h 58 min

oh super ! désolée, en semaine je suis pas mal occupée avec le télétravail mais oui, je suis curieuse de lire ton avis

keisha 23 mars 2020 - 14 h 52 min

Toujours chez metailie et Colombie, tu as santiago Gamboa, tres très bien!

Electra 26 mars 2020 - 8 h 59 min

oui je le vois passer depuis des années … Métailié est une vraie source de pépites sud-américaines

Tasha 24 mars 2020 - 20 h 34 min

Très tentant, malgré mon énoooorme stock, je pourrais bien craquer (en numérique). Merci de ta chronique!

Electra 26 mars 2020 - 8 h 59 min

super ! c’est vrai que ça permet de s’évader très loin et les narco-trafiquants … je devrais lire sous peu un autre roman sur un cartel mexicain, je crois ?

Fabienne 11 avril 2020 - 16 h 24 min

Mon avis sur ce livre étant quasiment prêt (mais il ne sera publié que lundi), je reviens lire ton billet dans les détails cette fois. Comme toi, j’ai trouvé la construction impeccable, je crois que c’est la première fois d’ailleurs que je lis un livre reposant sur trois plans temporels dont deux vont finir par se rejoindre. Vraiment intéressant et réussi. Contrairement à toi, je n’ai pas été gênée par l’alternance des voix narratives. Au contraire, j’ai trouvé qu’elle permettait de se retrouver plus facilement dans les différents plans temporels. Vraiment une très bonne découverte pour moi!

Electra 11 avril 2020 - 17 h 14 min

Super ! Tu as raison, ça dépend bien du lecteur, ils prévenaient d’ailleurs : ce choix d’alterner les voix narratives peut ou non gêner le lecteur, et malheureusement ce fut mon cas. Mais sinon, oui j’ai trouvé qu’il savait parfaitement mener plusieurs plans temporels, et puis on en apprend beaucoup sur ce pays qui au final fait très peu parler de lui.

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