My year of rest and relaxation · Ottessa Moshfegh

par Electra
4,3K vues

Traduit en français, ce roman a fait sensation dans le monde entier : une jeune femme décide d’hiberner pendant un an à l’aide de toutes sortes de drogues. J’avoue que j’hésitais à le lire tant j’ai entendu que l’héroïne était détestable. Mais, moi j’ai aimé le roman d’Emmanuel Carrère, Limonov – verdict ?

Si par hasard, ce livre vous a échappé, je me dois de vous livrer le décor : un appartement chic de l’Upper East Side de Manhattan, une jeune femme élégante, diplômée de l’université de Columbia. Elle a rompu avec son petit ami qui bosse à Wall Street. Nous sommes en juin 1999.  Sa décision : plonger dans une hibernation, aidée par de puissants médicaments prescrits par la pire psychiatre qui veut l’aider à vaincre son insomnie … et ce pendant un an. La narratrice fait de suite penser à une petite fille gâtée : peu de gens sont propriétaires d’un appartement à Manhattan à son âge. Elle refuse de fêter le nouvel an et supporte de moins en moins bien la vacuité de son existence. Et sa meilleure amie, Reva qui la jalouse : notre héroïne est grande,  blonde, mince et très jolie. Reva est boulimique, ronde et sa mère se meurt tout doucement d’un cancer.

La narratrice s’enferme donc dans son appartement, ne sort que pour aller faire le stock de médicaments (les drogues sont si nombreuses que j’en ai oublié les noms…) et parfois un ou deux cafés. Elle aime Whoopi Goldberg et Harrison Ford dont elle regarde les films sur des cassettes VHS.  Mais voilà, il y a beaucoup plus dans ce roman. Très vite, on apprend que la jeune femme vient de perdre ses parents, à quelques mois d’intervalle. L’héritage lui a permis de payer cet appartement. Il reste encore leur maison, qu’elle se refuse à vendre même si elle ne souhaite plus y mettre les pieds. Contrairement à Reva, elle n’était pas proche de sa mère,  ni de son père d’ailleurs. Mais voilà, elle est seule au monde. Ajoutez-y cette fausse histoire d’amour avec ce type détestable de Wall Street, et on comprend mieux son envie d’échapper à la réalité.  J’ai adoré le traitement de l’autrice sur cette amitié où les deux jeunes femmes, tirent une forme de satisfaction à se raconter leurs vies mais au final se détestent cordialement. J’ai adoré suivre l’évolution de leur relation.

Et si elle oscille entre sommeil et réalité, son corps lui réserve quelques surprises. Un médicament la plonge dans un état second et très vite la jeune femme réalise qu’elle ne dort pas trois jours de suite mais qu’elle mène une double vie, qu’elle fait de drôles de choses dont elle n’a plus aucun souvenir. Elle a été virée d’une galerie d’art contemporain dont elle ne supportait plus la futilité. Tout cette vacuité de la vie lui a sauté au visage. Alors elle a choisi l’aliénation. Une aliénation qui peut apparaître comme un caprice de riche mais qui pour moi, représente son billet de retour à la vie. Elle doit disparaître pour enfin renaître.

Oh, sleep. Nothing else could ever bring me such pleasure, such freedom, the power to feel and move and think and imagine, safe from the miseries of my waking consciousness

Un roman qui montre comment une personne dépressive peut trouver une autre voix que le suicide, car elle croit dur comme fer qu’elle ressortira de cette hibernation, comme un papillon de sa chrysalide. J’ai adoré son style d’écriture, fluide, facile, sans fioriture. Elle s’attaque avec une férocité sans égale aux faux-semblants. Qu’est-ce que l’amitié ? La filiation ? L’amour ? Un roman choc,  ici aucun attendrissement, aucune pitié. Tout le monde en prend pour son compte, et c’est jouissif.  Et puis, si on est malin, on sent bien qu’on s’approche du 11 septembre.

Un énorme coup de coeur pour ce roman et dorénavant j’ai envie de lire tout d’Ottessa Moshfeg ! Le Caribou en a parlé, c’est un roman qui divise. La narratrice n’est pas aimable. Je suis ravie de faire partie du premier groupe.

Le livre a été publié en français aux éditions Fayard sous le titre Mon année de repos et de détente.

♥♥♥♥♥

Editions Vintage, 2019, 289 pages

Photo by Kinga Cichewicz on Unsplash

Et pourquoi pas

6 commentaires

Sunalee 12 octobre 2020 - 9 h 05 min

Il est sur ma PAL, depuis longtemps… je le lirai un jour !
Là, ma lecture est lente, parfois un peu longue, mais j’aime quand même me retrouver dans le monde Neil Stephenson. Et puis, je suis en avance de 10 livres sur goodreads, je peux me permettre de traîner un peu (parce que, oui, même si ça ne devrait pas, goodreads donne parfois de la pression).

Electra 12 octobre 2020 - 18 h 35 min

oh 10 livres ! j’étais montée à 8 mais je suis redescendue car j’ai lu 4 romans en septembre.. tu peux prendre tout ton temps ! pour la PAL, la mienne est aussi là .. c’est bien que ce roman soit dedans, il sortira le jour voulu ! Il est forcément sombre et je pense que tu peux attendre avant de le lire 🙂

Eva 13 octobre 2020 - 0 h 03 min

Très très envie de le lire et il est dans ma PAL
! Y’a plus qu’à !

Electra 14 octobre 2020 - 18 h 55 min

ah je suis étonnée que tu sois passée à côté = tu lis tellement plus que moi ! surtout ces derniers temps 🙂

Fanny 15 octobre 2020 - 8 h 05 min

Je ne m’étais pas spécialement intéressée à ce livre mais tu titilles ma curiosité !

Electra 15 octobre 2020 - 19 h 16 min

Je pense qu’il est vraiment à part, mais j’ai été touchée par cette jeune femme et finalement sa décision nous interpelle sur la société contemporaine et notre course à la réussite – si tu le croises, je serais curieuse d’avoir ton avis

Les commentaires sont fermés