Premier roman d’une jeune autrice argentine et un vrai coup de poing ! Etes-vous prêt à rencontrer les prostituées trans de Córdoba ?
Camila raconte son arrivée à Córdoba pour y étudier. Mais pour gagner de l’argent et enfin être elle-même, l’étudiant se transforme en Camila la nuit. Il découvre alors que la communauté trans de la ville se retrouve dans le parc Sarmiento. Là-bas, elles s’y prostituent sous la protection de la Tante Encarna. Une Tante âgée de 178 ans, qui protège ses enfants avec ses seins gonflés d’huile de moteur d’avion et ses talons aiguilles. La Tante Encarna possède une demeure où elle accueille toutes ses jeunes femmes en détresse. Elles y partagent leur malheur, mais aussi des moments de bonheur, leurs passions pour les feuilletons télé brésiliens, leurs histoires d’amour passagères, leurs rêves inavouables. Il fait bon vivre chez Tante Encarna et Camila s’y sent bien. La nuit, elle part à la rencontre de clients, des hommes d’affaire, des étudiants, des hommes mariés attirés par ces femmes différentes. Une nuit, dans la parc, Tante Encarna trouve un bébé abandonné qu’elle décide d’adopter clandestinement. Il s’appellera Eclat des Yeux. Toute la communauté est aux petits soins et Tante Encarna réalise enfin son rêve d’être mère.
Mais la réalité n’est jamais loin : la violence, les abus, les arrestations, les viols, la drogue et le sida sont là et ne cessent de mettre à mal cette communauté fragile, devenue bientôt une cible à abattre….
Chaque crasse subie est comme un mal de tête qui dure plusieurs jours. Une migraine puissante que rien ne peut apaiser. Les insultes, les moqueries à longueur de journée. Le manque d’amour, le manque de respect tout le temps. Les clients qui te roulent dans la farine, les arnaques, les mecs qui t’exploitent, la soumission, cette bêtise de nous croire des objets de désir, la solitude, le sida, les talons de chaussure qui cassent, les nouvelles des filles qui meurent, de celles qu’on assassine…Les coups, surtout les coups que nous inflige le monde, dans l’obscurité au moment où on s’y attend le moins. Les coups qui arrivaient immédiatement après la baise. Nous avions toute connu ça.
Difficile de dire autre chose que ce premier roman est fulgurant et vous plonge dans la communauté trans, auprès de femmes qui ont osé affronter leur famille, la religion catholique pour devenir ce qu’elles sont réellement. Elles font face avec fureur à ces attaques incessantes, ces insultes, ces coups qui viennent chaque jour leur rappeler qu’elles ne sont pas les bienvenues. Comme le dit la Tante Encarna, ce que la nature ne te donne pas, l’enfer te le prête ». Camila Sosa Villada ne cache rien de leur vie, de leurs passes, de leurs clients, de leurs maladies, du vide qu’elles ressentent. Pas de misérabilisme, mais à l’inverse du sang, de la sueur, de la joie et du désespoir à chaque page. Des mots percutants. Comme le dit l’éditeur : « un manifeste explosif qui nous fait ressentir la douleur et la force de survie d’un groupe de femmes qui auraient voulu devenir reines mais ont souvent fini dans un fossé ».
Alors je me suis blottie sous son aile, sous ses plumes irisées. Cet oiseau multicolore nous protégeait de la mort.
Les Vilaines vous rappellent le courage qu’ont ces femmes, et me font penser aux statistiques tristement célèbres, où les femmes trans (et prostituées) sont les premières victimes de meurtres. Un long chemin à parcourir. Mais quelle fureur de vivre ! A lire absolument.
♥♥♥♥
Editions Métailié, Las malas, Trad. Laura Alcoba, 2021, 208 pages
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28 commentaires
Quelle belle chronique ! Je l’avais repéré celui-ci et Louis je l’ai laissé de côté. A tort, visiblement.
* Et puis…
et puis ??? je pense qu’il te plaira même s’il est très cru …
« Et puis » à la place de « Louis », merci le correcteur automatique !
ah oui, le correcteur automatique, quelle plaie ! LOL
Ah oui, il mérite le détour !
Impossible de résister après avoir lu ton billet 😍 Au fait, je suis de passage sur Nantes samedi pour faire le tour des bouquineries/ librairies avec une amie, si jamais tu es dans les parages fais-moi signe en MP 😉
Super, je pense qu’il vaut vraiment le détour, je n’avais encore jamais lu de livres sur cette communauté et l’Argentine, bref dépaysant ! et ça nous remue les méninges.
Ok, je note ! Si je suis en ville, je te fais signe !!
Pfff, j’ai du mal à suivre ton rythme de publication, tu m’épates !! En tous cas, j’ai l’intuition que ce titre est pour moi…et c’est donc le titre latino américain dont tu parlais sur mon blog. Je le trouve super intéressant, par le thème, et le fait que ce soit une autrice (assez difficile de trouver des femmes écrivains dans ces contrées, mais j’ai réussi à en dénicher quelques-unes..). Du coup, tu sais quoi, on va tricher un peu (chuuuut…), je l’ajouterai, si tu veux bien, dans le récap de février !
Ah bon ? et tu oublies que je n’ai pas lu pendant un mois ! Je rattrape mon retard … Oui c’est le fameux titre, quelle lecture ! du coup j’étais déçue de ne pas pouvoir participer au challenge donc oui ça serait super si tu pouvais l’ajouter quand même dans le récap de février 🙂 Surtout que ce livre mérite vraiment le détour. Là, j’enchaîne avec une autre lecture coup de poing, va falloir quelque chose de plus doux après !
Tu es la deuxième personne qui « me » parle de ce livre avec énormément d’enthousiasme!
bon signe alors ? 😉
Évidemment!
super ! ça va te plaire je pense malgré la dureté du sujet !
Tout pour me plaire ! J’adore te voir aussi emballée par une lecture, ton enthousiasme est communicatif 😉
Merci ! De rien, il vaut vraiment le détour je confirme !
Voilà ce fameux livre dont tu m’as parlé, comme dis Jérôme, il y a tout pour me plaire… Bravo pour ton article !
Merci ! Oui, je l’ai beaucoup aimé.
Bon, j’arrive après tout le monde, mais tu sais déjà mon enthousiasme pour ce roman. Je l’ai commandé le même jour que tu m’en as parlée et lu un extrait évocateur. Il me tarde de rencontrer Tante Encarna et ses filles.
Sinon, je travaille sur mon blogue en titi. J’ai ⅓ des billets de corrigés (photo, lien, catégories, etc.) Un travail de moine qui ne m’empêche pas de lire, mais d’écrire mes billets et d’aller en visite par ici ( 666 billets, c’est long en esti!)
On se parle ce week-end!
oui !!! génial, je sais le temps que cela représente mais ensuite on est fier de son blogue !!! et j’adore ton nouveau design :-). Pour le roman, je sens qu’il va te plaire car la voix de Camila est formidable comme Tante Encarna ! Même si le sujet est grave 🙂
Je vais attendre un peu ( mais sûrement pas très longtemps pour découvrir ce titre. Je viens de terminer une lecture très forte aussi sur le thème des trans pour le mois latino américain. Une vraie fureur de aussi !
Ah le sujet est donc d’actualité aussi du côté de la planète ! tant mieux et je comprends de ne pas vouloir lire celui-ci tout de suite. Je suis pareille !
pas forcément attirée par le thème, tu en parles si bien que tu me convaincs! ça fait longtemps que je ne suis plus venue ici 🙂
Bon retour alors ! Le thème peut faire peur mais en fait c’est à l’inverse plein d’humanité 🙂
C’est fou la violence que l’on découvre dans ces romans latino-américains ! Ce sont des auteurs vraiment ancrés dans la réalité et il y a une dénonciation sans concession de la société. Je suis vraiment heureuse de participer à ce mois initié par Ingammic et Goran.
Oui, je lis de la littérature sud-américaine depuis quatre ou cinq ans, et la violence est très présente dans plusieurs pays (Mexique, Brésil, Colombie et ici Argentine), on apprend beaucoup aussi sur l’histoire de ces pays. Ici on entendait plus parler des très grands écrivains ou du réalisme magique mais la réalité est toute autre. Leur challenge est une excellente idée !
C’est noté ! ce livre me tente beaucoup !
Oui, il est dur mais très bien écrit et puis un voyage en Argentine, ça ne se refuse pas !
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