Après mon énorme coup de coeur pour Station Eleven en 2016, j’avais hâte de retrouver la plume d’Emily St John Mandell, il aura fallu patienter presque cinq ans. J’avais suivi la sortie de son dernier roman sur les sites anglophones, et j’entendais des avis partagés. Qu’en est-il ? Et pour votre information, le livre paraît en français cette semaine.
Je ne fais pas durer le suspense : la magie avait opéré en 2016, elle a de nouveau fonctionné en 2021 ! Et pourtant, je dois avouer que les deux premiers chapitres ont semé le doute. Le roman jongle entre les époques et les lieux, mais vous ne serez pas perdus, chaque chapitre indique l’année concernée.
Mais d’abord une présentation succincte de l’histoire : sur une des îles de l’archipel de Vancouver, se dresse un hôtel unique aux murs de verre, uniquement accessible par la mer. Un hôtel 5 étoiles fréquenté par une clientèle exclusive qui vient trouver ici un havre de paix (car ici aucune connexion interne n’existe). Paul, compositeur en devenir (mais surtout accro aux drogues) et sa soeur Vincent, barmaid et vidéaste amateur, travaillent tous deux à l’hôtel Caiette. On leur annonce l’arrivée pendant la nuit du milliardaire new-yorkais Jonathan Alkaitis, propriétaire de l’établissement. Mais le gérant découvre un effroi que l’une des vitres a été taguée avec ce message « Et si vous avaliez du verre brisé? » – il est sous le choc. On se dépêche de cacher ce tag. Très vite les soupçons pèsent sur Paul, le jeune manutentionnaire arrivé depuis peu. Mis devant les faits, il tente de s’expliquer mais est immédiatement renvoyé. Sa soeur quitte aussi l’hôtel à peine un mois après. Pourtant l’hôtel continue d’être une place centrale où les rencontres se font et se défont… Peu de temps, la vérité éclate : la fortune du propriétaire est en fait une horrible arnaque (la pyramide de Ponzi) et bientôt des centaines de partenaires financiers découvrent qu’ils ont tout perdu. Quelques années plus tard, un homme est envoyé sur un navire pour enquêter sur la disparition en mer d’une jeune femme chef cuisto…
Chaque rencontre peut mener quelqu’un à la gloire comme le mener à sa perte… Paul et Vincent sont deux témoins de ces évènements majeurs qui vont venir bouleverser la vie de nombreuses personnes. Je sais que mon billet reste assez vague mais le roman m’a pris au dépourvu avant d’opérer son sortilège et de m’embarquer dans ce récit où l’invisibilité, la disparition, la mort ne cessent d’accompagner les personnages. Certains s’adaptent aux autres, caméléon des temps modernes comme Vincent, d’autres comme Paul ruminent le passé et Jonathan trouve un échappatoire en s’évadant mentalement de sa prison.
S’inspirant d’un fait réel, Emily St John Mandel montre comment des personnes honnêtes peuvent être abusées et tout perdre en une seconde. Comment leur vie peut basculer en un battement d’ail… Les personnages se croisent dans le hall de l’hôtel, chacun a une histoire qui le lie à un autre personnage, passée ou présente. Emily nous promène aussi dans le temps, donc le roman peut sembler parfois difficile à suivre mais l’écriture et l’atmosphère, sont à nouveau magistrales et ont rapidement emporté tous mes doutes. L’autrice canadienne aborde multiples sujets avec une ingéniosité inégalée.
Attention, l’histoire est teintée de mélancolie et de tristesse, et le personnage de Vincent vous hantera pour longtemps. Comme celui du milliardaire, qui enfermé, rêve d’une autre réalité. Et qu’en est-il des fantômes ? Ceux qui reviennent vous hanter…
Ma seule difficulté au départ fut que le personnage principal s’appelle Vincent, mais est une femme. Si dans la version française, ce doute sera rapidement levé par notre grammaire qui impose d’accorder le genre, en anglais, ce n’est point le cas – résultat, je crois que c’est au troisième chapitre, que j’ai réalisé que Vincent était en fait une jeune femme. Vous n’aurez donc pas cette difficulté.
Si vous avez aimé l’ambiance, l’atmosphère, la fragilité de la vie, de Station Eleven, vous allez aimer The Glass Hotel. J’ai été happée par l’histoire, par la profondeur des personnages, par leurs pensées, leurs doutes – plus l’histoire avançait, plus j’étais « dedans » – aspirée dans ces destins. Ce roman ne peut vous laisser indifférent.
Le roman vient de paraître en français aux éditions Rivages Noir, sous le titre éponyme.
♥♥♥♥
Editions Vintage, 2021, 320 pages
Photo by Dion Tavenier on Unsplash
23 commentaires
Comme Nicole, tu es enthousiaste, donc on verra avec la bibli!
Oui ! Enthousiaste même si le début a été un peu chaotique !
ça a l’air compliqué, cette histoire !
je finis mon pavé et je me lance !
un peu mais tellement bien !
Très très envie de le lire, tellement j’avais aimé aussi Station Eleven.
oui, tu retrouveras l’atmosphère
Je suis très tentée aussi pour la même raison que Krol !
Oui, ne pas lâcher car le début peut un peu paraître étrange mais après ça devient très prenant !
Effectivement, le tout début est un peu flottant mais c’est l’espace de quelques secondes. Ensuite, on est pris par l’atmosphère, la façon dont l’auteure fait avancer son histoire tout en fluidité malgré la complexité de la construction. Vraiment top !
Ah merci ! exactement ça ! J’adore sa construction narrative qui est complexe mais aussi les thèmes qui ressortent, l’invisibilité, la perte .. le rêve, s’échapper par tout moyen de son existence ! A relire aussi !
C’est ce que tu appelles un présentation succincte de l’histoire?!!! J’avais grandement apprécié Station Eleven, même s’il ne m’en reste pas grand chose aujourd’hui. En somme, je ne suis pas tentée plus que ça.
oui en fait, je pense que dans ses romans, ses personnages sont là pour évoquer des thèmes, des émotions mais qu’on ne les retient pas eux forcément (suis-je claire?) et aussi l’atmosphère, et ça elle est vraiment à part !
Je n’ai pas lu Station Eleven, comme j’en avais au départ envie, suite à l’avis très négatif de Sandrine (Tête de lecture) et celui, mitigé, d’Athalie (oui, je suis influençable !). Mais tu me fais très envie, là !
ah bon ? J’ai adoré Station Eleven comme des milliers de personnes dans le monde du coup je préfère te prévenir que l’autrice était toujours en utilisant le même style et la même construction narrative et cette atmosphère très particulière donc à toi de voir !
C’est une de mes prochaines lectures… et on le met à l’affiche de Bibliomaniacs en Avril !
ah cool ! j’écouterai l’émission alors ! bonne lecture !
Je préfère me diriger d’abord vers Station Eleven que je n’ai pas encore lu pour commencer.
bonne idée ! j’ai adoré ce livre, son atmosphère. J’espère qu’il te plaira autant 🙂
J’avais lu son précédent livre sur tes bons conseils !
Celui-ci me tente aussi, je te fais confiance.
oui si tu avais l’atmosphère, alors tu vas retrouver cela ! et le personnage de cette femme qui a fait confiance à cet homme et a tout perdu.. oui je pense vraiment qu’il va te plaire !
[…] sa note goodreads n’était pas immensément bonne, je l’ai laissé traîner. Et puis Electra l’a lu et l’a […]
J’ai lu tous ses livres. Et à chaque fois, je me replonge dans l’atmosphère si particulier de ces histoires avec les personnages qui vont et viennent de nulle part, sans qu’ils sachent vraiment ce qu’ils veulent faire de leur vie.
Un brin d’atmosphère absurde et poétique. C’est formidablement bien écrit et c’est envoûtant.
Oui exactement ! Totalement envoûtant, je ne sais pas comment elle réussit à créer une telle atmosphère !
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