C’est grâce à une internaute américaine que j’ai mis la main sur ce roman, disponible en français, écrit par une autrice palestinienne, Adania Shibli. Et quelle claque !
Ce roman a été sélectionné pour deux grands prix : le National Book Award en 2020 et l’International Booker Prize en 2021.
L’histoire commence à l’été 1949. Un an après la guerre d’Indépendance, telle que l’appelle les soldats israéliens et qui s’est traduit par l’expulsion de plus de 700 000 habitants palestiniens de la Palestine. Nous sommes dans le Sud, proche de la frontière égyptienne. Une unité israélienne est envoyée dans un camp au milieu du désert pour prévenir toute attaque. Les soldats ne font confiance à personne, même pas aux Bédouins nomades qui traversent la région, qu’ils accusent de terrorisme.
Leur commandant est un homme nerveux, peu expérimenté, qui va se faire piquer par un scorpion dès le début de sa mission. La putréfaction de sa plaie va être le symbole de sa propre destinée, celle d’un homme dont l’âme pourrie va mener à la mort d’une jeune femme. Car lors d’une mission, lui et ses hommes attaquent des Bédouins, tuent les hommes et les chameaux, et ramènent au camp une jeune femme. Isolés de tous, seuls à bord – les hommes se transforment en monstre..
Des années plus tard, une jeune femme de Ramallah découvre un article racontant ce « détail mineur » de l’Histoire d’Israël. Le viol et l’assassinat de cette jeune Bédouine. La jeune femme va alors être obsédée par cette histoire et va vouloir retrouver l’endroit où elle a été tuée et comprendre ce qui a mené ces soldats à commettre l’irréparable. Elle va alors prendre tous les risques pour aller dans une colonie israélienne.
Un roman magnifique, malgré un sujet très dur sur la guerre, la violence, le viol et la mémoire collective. A travers ce détail mineur, l’autrice réussit à raconter l’expérience qu’ont vécu des milliers de Palestiniens : la dépossession de leur terre, de leur histoire, leur culture. Comment continuer à vivre lorsque l’on fait tout pour que vous disparaissiez ? Peu à peu, leurs terres se réduisent à une peau de chagrin, et rien n’y fait. Il faut toujours montrer son laisser-passer.
Cette novella de 126 pages, je l’ai lue en une seule fois et la fin m’a profondément marquée. De nos jours, les guerres ne se font plus entre soldats uniquement, ce sont toujours les civils les premières victimes – et souvent les femmes. Ce récit fait froid dans le dos. En 1949, le monde s’était à peine relevé de la plus effroyable guerre, qui a fait des millions de victimes et a commis l’irréparable. Et malgré tout cela, l’homme n’a rien appris.
Actes Sud a traduit ses autres écrits que j’ai à présent, très envie de découvrir. L’autrice, Adania Shibli vit à Berlin.
♥♥♥♥
Editions Actes Sud, Sindbad, Tafsîl Thânawî, trad. Stéphanie Dujols, 2020,128 pages
Photo by Gian Porsius on Unsplash
5 commentaires
Je suis intriguée, ça pourrait me tenter !
Oui, il vaut le détour !
Actuellement je lis entre deux mondes, et je sens que je vais avoir mon quota de lectures dures!
ah oui ! j’alterne avec des cosy mystery pour me changer les idées, sinon on finit par déprimer (et l’actualité n’est pas beaucoup plus joyeuse ces temps-ci)
Ta chronique me donne très envie d’investiguer sur cette auteure. Tu m’intrigues.
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