Il me tardait de retrouver la plume de Mikhaïl Afanassievitch Boulgakov (en anglais, Bulgakov). J’avais déniché cette édition Vintage, et comme j’ai lu Le Maître et Marguerite en anglais, j’ai continué sur ma lancée. Mais entre temps, j’ai lu deux ou trois nouvelles en français, sans être gênée.
Son diplôme de médecin tout juste en poche, le jeune docteur, âgé de 24 ans, est envoyé au fin fond de la campagne russe en 1916-1917. C’est un choc pour le jeune médecin qui a l’impression de remonter le temps. La campagne n’ayant ni voiture, ni électricité, ou téléphone. Les paysans semblent n’avoir pas rencontré le progrès. Le médecin ne sait pas s’il va pouvoir tenir longtemps. D’abord parce qu’il voit parfois plus de 150 malades par jour et que les cas qui lui sont présentés n’ont rien à voir avec ceux étudiés à la faculté de médecine. Heureusement, il est épaulé par interne qui se révèle être un excellent dentiste (sa première tentative d’arrachage de dent vaut le détour …) et de deux sage-femmes qui savent comment faire accoucher les bébés venant en siège. Mais la liste des maladies, accidents, qui lui sont présentées ne cessent de mettre son égo à forte épreuve. Sa fausse assurance, sa sévérité vont fort heureusement permettre de cacher ses craintes et il va apprendre en deux ans ce qu’il n’aura jamais appris en six années d’université.
Dans ces carnets, le jeune médecin se remémore ainsi la résistance de ses pairs, qui vivent dans des conditions inimaginables, la pluie cède la place au blizzard, les femmes accouchent seuls dans les champs et puis les croyances, la méfiance envers la science, viennent souvent compliquer sa profession. Le voici forcé d’expulser une belle-mère de la salle d’accouchement. Mais il est plus souvent habitué à voir les patients promettre de revenir et disparaître à jamais, ou avaler en une seule prise, l’équivalent de dix semaines de traitement, avec les conséquences qu’on l’on imagine.
Je me souviens particulièrement de cette jeune mère de famille avec son fils et son oeil tellement infecté, qu’il a disparu et que le médecin souhaite opérer. Non, elle veut juste un calmant … Mais où la science peut sauver des vies, parfois la mère a raison..
Tout cela dans une période trouble, la veille de la révolution bolchévique. Le résultat est impressionnant. Les deux dernières histoires, intégrées à ces carnet, raconte la descente en enfer de son remplacement, drogué à la morphine, et la dernière se pose la question : les médecins se transforment-ils parfois en meurtriers ? Cette nouvelle aborde ici la révolution et la responsabilité d’un médecin face à un patient qui lui fait toute confiance.
J’aime l’humilité du jeune médecin, qui va très vite, oublier sa parade pour apprendre. Je n’oublie pas l’horreur de certaines histoires, avec des maladies comme la syphilis dont les symptômes sont horribles mais aussi la beauté d’une enfant sauvée, et d’une jeune mère de famille qui va suivre le traitement prescrit, pour une fois. Il y a malgré toute cette noirceur de la lumière dans ce livre.
Je vais bien entendu continuer ma découverte de l’oeuvre de l’auteur disparu trop tôt. Et pour les curieux, il est traduit et disponible en français dans de multiples éditions.
♥♥♥♥
Editions Vintage, Записки юного врача , trad. Michael Glenny, 2010, 158 pages
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2 commentaires
Ma foi, tu sais piquer ma curiosité! Je veux lire ces carnets, encore plus que Le maître et Marguerite.
Plus de 150 malades par jour? On est loin de ce compte aujourd’hui, ici, en tout cas!
Oui et dans quel état ces malades ! A l’époque, ils attendaient le dernier moment et se soignaient mal – le pauvre a bien souffert mais quel apprentissage ! Pareil, je veux lire ses autres écrits.
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