Les Rougon-Macquart sont maudits. Me voici de retour chez Zola, dans un village isolé sur les plateaux désolés du midi aux côtés de Serge, qui lui aussi a été touché par la foi. Mais était-ce vraiment cela ?
Zola n’en parle pas, mais quand on connaît le funeste destin des parents de Serge, on comprend son désir de s’échapper, si ce n’est par la foi. Comme sa mère avant lui, il a découvert Dieu et a choisi cette voie. Mais contrairement à ses confrères, Serge, 26 ans, s’est muré dans celle-ci. Il veut vivre comme un ascète, ne veut être touché par aucun sentiment, aucune émotion excepté son amour pour la Vierge Marie.
On avait tué l’homme en lui, il le sentait. Il était heureux de se savoir à part, créature châtrée, déviée, marquée de la tonsure ainsi qu’une brebis du Seigneur. (..) C’est un élan d’amour pur, une horreur de la moindre sensation physique.
Une déviance selon le Frère Archangias. Ce dernier hait cet endroit, Les Artaud, ces terres arides et ceux qui y habitent. Ils sont tous des dévots de Satan, les femmes en particulier. Elles ne méritent en aucun cas la moindre compassion et la Vierge Marie en fait partie. Et il n’a cesse pendant tout le roman de cracher sa haine envers elle. Cela a du être jouissif pour Zola d’écrire ces horreurs! Difficile en tant que femme de lire aujourd’hui ce pamphlet. Mais il illustre ici une vérité sur l’Eglise, et sur les membres qui la composent. Qui déclenche ces insultes ? Cette jeune femme qui eu la bonne idée de se faire engrosser par le fils d’un fermier notable. Il faut donc les marier de toute urgence, Dieu ne saurait reconnaître cet enfant né hors mariage, mais les amoureux s’en fichent.
Ces Artaud poussent dans la bâtardise, comme dans leur fumier naturel. Il n’y aurait qu’un remède, je vous l’ai dit, tordre le cou aux femelles, si l’on voulait que le pays ne fût pas empoisonné..
L’Abbé Mouret tente de régler ce problème lorsqu’il découvre l’existence d’un lieu unique, gardé de tous. Un vieux gardien veille sur ce Jardin d’Eden avec une jeune parente, sa petite-fille (je ne sais plus). Celle-ci passe ses journées dans ce jardin luxuriant, où la nature a repris ses droits sur l’ancien verger et l’ancien jardin. Les plantes y ont poussé par milliers. Et pourtant tout autour, les terres sont arides et infertiles. Lorsque l’Abbé rencontre Albine, sa foi s’écroule.
Serge va renaître et découvrir l’amour, la jouissance, la vie – Zola a pris plaisir à réécrire la Genèse en opposant forces de la lumière à celles de l’ombre, forces de vie à la mort. Ce livre peut forcément dérouter, et comme dans chacun de ses romans, l’auteur se lance dans un description gigantesque de ce jardin d’Eden, telle qu’on lui reprocha à l’époque d’utiliser trop de noms de plantes savantes. Et j’avoue, j’ai parfois légèrement accéléré ma lecture mais j’ai adoré la première partie et la dernière est tragique à souhait.
Ca a mal tourné pour le garçon qui agonise dans sa soutane. Un peu plus de sang, un peu plus de nerfs, va te promener! On manque sa vie.. De vrais Rougon et de vrais Macquart, ces enfants-là ! La queue de la bande, la dégénérescence finale.
J’ai encore noté une multitude de citations et dès la fin de ma lecture, je me suis précipitée en libraire pour acheter le volume VI !
♥♥♥♥
Editions Le Livre de Poche, 1998, 510 pages
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10 commentaires
Tu les lis dans l’ordre, c’est ça ? Parce que j’ai « Thérèse Raquin » sur ma pile, mais je ne sais pas quel est son « rang », et si tu le liras cette année.. tout ça pour dire que selon le moment où tu prévois de le lire, je suis partant pour une LC.
oui je les lis dans l’ordre, alors ça c’est le V, je vais lire le VI en février et Thérèse arrive après car elle ne fait pas partie des 20 RM ! mais j’ai le roman, on m’a toujours dit qu’il était excellent (à l’inverse, l’Assommoir, Au bonheur des Dames, Germinal, Pot-Bouille, Nana et la Bête Humaine font partie des RM) donc oui je compte le lire mais je sais pas quand … je te dis ça ou si tu es intéressée par un autre de ses romans ?
Je préfère que tu me préviennes, si tu y penses 🙂 quand tu le liras, je n’ai pas d’autre titre de Zola en vue pour l’instant.
Ok ça marche, sans doute en 2023 du coup !
Je vois que ton pote est de retour 🙂 Le tome I des RM est sur ma wishlist depuis quelques semaines, y a plus qu’à 🙂
cool ! oui, je me suis habituée à son style et ses petites envolées, j’adore retrouver cette famille de dégénérés !
J’ai bien envie de me lancer dans l’oeuvre de Zola, et de les lire dans l’ordre comme toi. Mais je voudrais tomber sur les éditions un peu vintage (années 60*70), il faudra donc que je fasse les bouquinistes..
ah ? je ne vois pas à quoi elles ressemblent du coup, tu vas attiser ma curiosité ! Mais oui, rejoins-moi, c’est tellement plaisant 🙂
J’ai un très bon souvenir de « Nana » et « Au bonheur des dames », ce qui est peu au regard de l’Oeuvre dans sa globalité. Je vais regarder ça de plus près !
Ah oui, j’ai toujours entendu de très bon retours de ces romans et je suis ravie car ils font partie des RM. Ok, j’attends ton retour !
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