Un de mes objectifs 2022 est de lire plus de littérature russe, classique et contemporaine. Ma visite à la libraire La Vie Devant Soi a été fructueuse, en premier avec le récit tragique d’Evguénia Iaroslavskaïa-Markon et ce court roman d’Andreï Guelassimov.
Kostya Charapov (Konstantin), ancien soldat russe, est revenu de la guerre de Tchétchénie le visage affreusement brûlé après l’attaque de son tank. Depuis il se terre dans son appartement communautaire et boit nuit et jour de la vodka avec comme seul objectif : mourir. Sa voisine s’inquiète de son sort et fait appel à lui pour gronder son fils, son visage effrayant l’enfant. Son unique passe-temps est le dessin mais le jeune homme a perdu goût à la vie. C’est alors que ses anciens potes de combat réapparaissent, Guéna et Pacha. Ils sont inquiets car Sérioja a disparu. Tous étaient dans le même tank lorsque celui-ci a été pulvérisé par une roquette. Sérioja, toute jeune recrue, avait cru que Kostya était décédé et avait sorti du véhicule en feu les autres soldats avant de réaliser son erreur.
On roulait. Et je dessinais. J’avais même plus de plaisir à dessiner qu’à regarder à la fenêtre. Je voulais que le monde entier reste sur ma feuille.
Sérioja ne s’est jamais remis de cette histoire et sa disparition inquiète ses amis. Les voici partis pour Moscou, à fouiller tous les lieux où leur ami traîne (stations de gare, bars, etc.). Kostya reprend alors contact avec son père qui les avait abandonnés, sa mère et lui alors qu’il était enfant. Ce dernier s’est remarié depuis avec une jeune femme et ils ont eu un enfant. Dans ce périple décousu, Kostya est forcé d’ouvrir les yeux, lui qui aime dessiner se souvient ainsi des conseils du recteur du lycée (un peintre raté) qui lui avait toujours dit « d’ouvrir les yeux au monde pour mieux le peindre ». Peu à peu, alors que les souvenirs se mêlent au présent, le jeune homme réapprend à voir, à dessiner et à vivre.
Oh que j’ai aimé ce récit, et le style – tout ce que j’aime – on appelle ça le stream of consciousness et cela peut déboussoler quelques lecteurs, car tout se mélange dans sa tête. Son réveil à l’hôpital militaire et celui à l’hôpital où enfant il avait été emmené pour l’appendicite, par exemple. Ses souvenirs s’entremêlent et peu à peu immerge le portrait d’un jeune homme déboussolé, qui s’est senti délaissé tant d’années et qui soudainement retrouve le goût de vivre. Magnifique !
♥♥♥♥♥
Editions Babel, Жажда , trad. Joëlle Dublanchet, 2004,126 pages
Photo by Egor Myznik on Unsplash
16 commentaires
J’ai déjà vu la couverture de ce livre, mais je n’en savais pas grand chose…
Sinon, j’aime toujours beaucoup tes photos d’illustration !
merci 🙂 il vaut le détour malgré son tout petit nombre de pages
Woolfien, alors? Mais bien noir on dirait.
Oui assez sombre mais lumineux à la fin – tu sais les Russes et la vodka 😉
Quel enthousiasme ! Je l’avais déjà repéré je ne sais plus où, mais laissé un peu de côté, la piqure de rappel est donc bienvenue ..
Et je suis aussi plongée actuellement dans la littérature russe -entre autres- avec la préparation au Mois de l’Europe de l’est.
oui ! si tu le croises à nouveau, n’hésite pas 🙂
je suis un peu coincée pour ma part dans un roman américain mais je veux croire que je vais avancer ce soir 🙂
ce roman de lecture commune ? (si c’est le cas, ça a été mon cas aussi, mais comme pour « Orgueil et préjugés » il y a un événement qui change un peu le cours des choses à la moitié environ).
oui, je l’attends cet évènement (je le connais car j’ai vu toute une chronique dessus) là je m’ennuie un peu …
encore une de mes contradictions: j’adore la Russie, ses paysages, certains de ses films, une certaine ambiance, mais les romans ne m’attirent pas du tout ! comme celui-ci est court, je devrais peut-être essayer.
ah oui ? moi par exemple, c’est l’Inde, aucun intérêt pour ce pays, ses histoires, rien – ni les films, ni les séries, ni les romans. Bon, mais là il est court donc pourquoi pas ?
Tu es tout à fait convaincante ! D’autant plus qu’il est court… On peut le caser entre deux lectures plus importantes !
Oui, il se lit en une seule fois donc très pratique 🙂
Tu me laisses souffler avant de publier un nouveau billet? J’ai commandé Double vitrage la semaine dernière, La soif maintenant… 😋
OK promis, le prochain ne va pas t’intéresser ;-).
Je ne connaissais pas, ma foi ton enthousiasme est contagieux! Mais c’est bien un récit contemporain ou bien?
D’ailleurs as-tu commencé Dosto? Alors puis-je me lancer ?
Oui c’est un récit contemporain – mon enthousiasme est bien réel ! un texte court mais bien écrit
Non, du coup, mon job a pris le dessus et je sors à peine la tête de l’eau, mais bientôt j’espère – je vais me lancer dans la lecture d’un classique français d’ici peu assez imposant
on croise les doigts !
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