Sarajevo, Mon amour. Le siège de Sarajevo de 1992 à 1996 aura marqué tous les esprits. Adolescente, je regardais à la télévision le soir, les images de cette guerre, qui semblait si éloignée, et qui était pourtant si proche de nous, au coeur de l’Europe. Je me souviens de ces images de la tristement célèbre Sniper Alley, où des soldats serbes, en embuscade s’amusaient à tuer les pauvres civils obligés d’emprunter ce boulevard pour aller acheter de quoi manger.
Barbara Demick était grand reporter. Installée comme les autres journalistes dans un hôtel lui-même visé par des tirs de mortier, elle avait décidé de raconter la vie quotidienne. Elle avait jeté son dévolu sur la rue Logavina (quoique ce n’était plus son nom, renommée par les Communistes de Tito, mais les habitants continuaient de l’appeler ainsi). Cette rue, avant la guerre, avait un charme très particulier – les musulmans, orthodoxes et catholiques vivaient tous ensemble. A l’époque, les mariages interreligieux étaient courants. 30% des mariages étaient mixtes à Sarajevo (13% dans le reste de l’ex-Yougoslavie). On fêtait Noël et le Ramadan. Mais la guerre est arrivée. Des jeunes hommes serbes ont rejoint les troupes dans les montagnes entourant la ville. D’autres, comme ce général d’origine serbe a décidé de combattre au nom de son pays, la Yougoslavie.
Pendant ces quatre années, l’amitié sera mise à rude épreuve. Certains voudront fuir, d’autres au contraire rester. Très vite, les coupures de gaz, d’électricité et d’eau, plongeront les habitants dans une grande précarité. Ils survivront avec les petits jardins communaux et les dons de l’ONU. Les enfants iront peu à l’école, ces dernières étant souvent visées par les tirs de mortier. L’angoisse cédera la place au fatalisme. Ils penseront que le monde les a oubliés, en particulier l’Amérique – car à l’époque, comme en France, les séries américaines avaient la part belle et le président américain avait promis d’intervenir.
Les nouvelles du front leurs parviennent, le massacre de Sebrenica entre autres. Vingt ans plus tard, la journaliste est retournée les voir. Certains sont décédés, d’autres sont partis, ailleurs, parfois très loin, en Amérique.
J’ai lu d’une traite ce récit, ponctué de photos en noir et blanc de ces habitants qui ont accepté de se confier à cette journaliste, lui ont offert leurs maigres rations de nourriture. Un récit implacable et qui rappelle encore une fois, notre responsabilité d’avoir abandonné ces gens à leur sort. Mon regard se tourne désormais vers un autre pays européen qui est dans mon coeur et mes pensées. Allons-nous faire de même ?
Je pense que ce récit peut se joindre aux nombreuses participations au challenge Le mois de l’Europe de l’Est, organisé par Patrice & Eva.
♥♥♥♥
Editions Granta, 2012 (1996), 255 pages
2 commentaires
Je me souviens moi aussi de ces images, même si j’étais un peu plus qu’adolescente et de ce sentiment d’une guerre lointaine et obscure, alors qu’elle était si proche et tellement liée à l’histoire des nationalismes européens. Je ne l’ai compris que quelques années après, notamment en discutant avec Vélibor Colic, écrivain de l’ex-Yougoslavie qui venait d’arriver en France, plein de colère et de tristesse.
oui pareil
et ça recommence …
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