Je n’ai lu que deux romans de Stephen King, j’étais encore adolescente. Pourtant, j’ai toujours aimé l’homme, j’ai vu plusieurs de ses romans adaptés au cinéma ou à la télévision. Je le suis sur Twitter et je regarde ses interview. J’ai rencontré une américaine qui a grandi dans le Maine à Bangor où Stephen habite. Il était son entraîneur au soft ball. J’ai toujours aimé lire les interview d’écrivains lorsqu’ils (ou elles) parlent de leur métier, de leur sacerdoce. J’adore voir leurs bureaux, découvrir leurs petites habitudes, leurs livres préférés.
Certains vous diront qu’il n’y a rien d’intéressant mais quand on aime les livres, on aime ceux et celles qui les écrivent. Stephen King a publié cet essai en 2000. J’ai la version anniversaire : 20 ans après – avec à la fin deux interviews de Stephen avec ses fils Owen et Joe.
Stephen King se confie. D’abord sur son enfance, et sur ses premiers écrits. La vie avec sa mère et son frère. Ils avaient peu d’argent mais Stephen a toujours eu la tête remplie d’histoires. Tout jeune, et encouragé par sa mère, il s’est mis à écrire. Il a même créé son propre journal avec une presse alors qu’il était au collège. Stephen a ensuite envoyé ses histoires, souvent rejetées mais avec des mots d’encouragement. Puis, finalement ses histoires ont commencé à se vendre. Mais il travaillait toujours à côté. Jeune époux et jeune papa, il enchaînait les heures de travail avec des heures d’écriture. Le succès finira par arriver, avec Carrie, puis The Shining, Misery …et le reste est de l’histoire ancienne.
Dans une autre partie, Stephen raconte sa routine. Puis se penche sur la technique, il met toujours en avant l’histoire. Il y a les personnages, qu’il faut construire, consolider, mais pour lui on en revient toujours à l’histoire. L’intrigue (the plot) n’arrive qu’après. Et puis il répond à la fameuse question qu’on lui pose depuis 40 ans : d’où viennent ces idées ? Stephen répond. Il ne contrôle rien. Elles apparaissent. Carrie lui est apparue, avec du sang, beaucoup de sang. Le sang de ses premières règles, le sang de cochon (je vous laisse lire le livre si vous ne connaissez pas l’histoire). Misery lui est apparue lors d’un vol en avion vers l’Angleterre. Il voyait cet écrivain, blessé dans un accident qui se réveille dans la maison de cette femme. Elle possédait un cochon nommé .. Misery ..
Life isn’t a support-system for the art. It’s the other way around.
Il le dit lui-même : écrire est un travail solitaire et le premier jet ne doit être partagé avec personne. Puis le second (après 6 semaines de pause), doit être lu et corrigé et confié à des personnes très proches, de confiance. Pour Stephen, c’est son épouse. Celle à qui je dis un grand merci. Elle a sorti Carrie de la poubelle où Stephen l’avait jeté. Certaines histoires ont débuté il y a trente ans, puis Stephen a fini par les ressortir. Stephen donne des conseils aux apprentis écrivains mais répète sans cesse que chacun travaille à sa manière. Il cite de nombreux auteurs qui ne fonctionnent pas comme lui. Il rappelle sans cesse le plaisir qu’écrire lui donne et qui le pousse ainsi à s’isoler chaque jour des heures entières. Il parle de ses problèmes d’alcool. Puis d’un grave accident qui failli lui coûter la vie et surtout où il crut perdre l’inspiration.
The situation comes first. The characters – always flat and unfeatured, to begin with, come next. Once these things are fixed in my mind, I begin to narrate. I often have an idea of what the outcome may be, but I have never demanded of a set of characters that they do things my way. On the contrary, I want them to things their way.
Stephen est furieusement drôle, il se moque de lui-même. Il met à mal certains grands mythes qui entourent l’écrivain, l’alcool par exemple. Il ne s’érige pas en grand écrivain. Il y a ceux qui possèdent une écriture inégalable comme Faulkner. Lui ce sont les histoires, il ne pense pas que ses histoires sont uniquement des histoires d’horreur, mais d’êtres humains contraints de faire face aux pires dangers et de se dépasser. Aucun mystère pour lui : un écrivain est forcément un grand lecteur. C’est ainsi qu’il développe son vocabulaire, sa grammaire et apprend les différents styles narratifs.
Reading is the creative centrer of a writer’s life. I take a book with me everywhere I go, and find there are all sorts of opportunities to dip in.
Il donne son avis sur ses fameuses universités et leurs cours de creative writing. J’ai aimé son regard où il dit que ça peut aider certains, mais d’autres confrontés et jugés par leurs pairs, peuvent perdre tous leurs moyens. Rappelez-vous Faulkner n’a jamais suivi de cours, et écrivait pendant ses heures de gardiennage. Donna Tartt a pour sa part suivi des cours de creative writing (très rapidement jugée la meilleure de sa classe). Cela me fait penser à un moment drôle du récit où il se demande ce que font les écrivains qui ne publient que deux ou trois livres en dix ans… mais ils écrivent ! Donna Tartt que j’adore a expliqué qu’elle pouvait consacrer 9 ans à un livre (The Goldfinch). J’adorerais les voir tous les deux en échanger.
Stephen enchaîne les histoires. Elles viennent à lui. Parfois, le dénouement d’une situation lui vient lors d’une balade, il peut rentrer en courant l’écrire sur un cahier. Concernant la technique, il fait la chasse aux adverbes et ses exemples sont tellement parlants. Il a tout compris quand il dit que le lecteur peut faire tout seul la part des choses, et que trop en dire dessert l’histoire. A la fin de son livre, il montre une courte nouvelle dans son premier jet puis avec ses corrections. Elles sont toutes évidentes. Je comprends que ce livre soit devenu culte pour tous les écrivains en herbe.
Description begins in the writer’s imagination, but should finish in the reader’s.
A la fin, Stephen confie une liste de livres qu’il aime et a lu depuis 2010. On y trouve tous les genres. A la fin, lorsque son fils Joe Hill lui pose cette question : quel livre aurais-tu adoré écrire mais dont tu n’es pas l’auteur?
Il répond qu’il y a en a des milliers, mais que le livre dont il est le plus jaloux est sans aucun doute The Lord of The Rings. L’histoire, toujours l’histoire. Merci Monsieur King. J’ai adoré passer ces quelques jours en votre compagnie.
♥♥♥♥
Scribner Books, 2020, 316 pages (first published in 2000)
12 commentaires
Autant je ne suis pas attirée par ses romans (j’en ai lu un, 22/11/63, pour le thème) autant j’ai dévoré ce récit là, sans doute en première parution. Ecritures Mémoires ‘un métier. je le recommande aussi!
Oui ! je crois qu’il s’adresse à tous même ceux qui ne lisent pas ses livres 🙂
J’ai eu avec le maître King, comme avec Agatha Christie, plus jeune, une période de « dévoration » intense à l’adolescence et j’ai lu tout ce sur quoi je pouvais mettre la main. Ça m’a passé avec le temps mais je regarde encore parfois une adaptation ciné/télé souvent avec plaisir.
Comme toi, j’aime l’écouter quand je tombe par hasard sur une de ses interviews .
Idem ! Adolescente, j’ai lu aussi pas mal de ses livres et j’aime aujourd’hui la personne !
Je n’ai lu que deux titres de Stephen King, Carrie justement qui m’avais traumatisée à 11-12 ans et beaucoup plus tard 22/11/63 que j’avais beaucoup aimé.
Je n’ai pas encore lu Donna Tartt mais je suis contente de savoir que tu l’adores car j’ai un de ses romans dans ma pal.
Oh, je veux lire 22/11/63 depuis fort longtemps mais sa taille m’impressionne ! Ah j’adore Carrie ! Oui, traumatisant ! mais j’ai vu Predator à l’âge de 11 ans qui m’avait encore plus marqué ! Pour Donna Tartt, cool ! j’adore tout chez elle !
Je n’en ai lu qu’un que j’ai beaucoup aimé. Mais comme toi, j’aime l’homme. Tu me donnes donc très envie de lire ce texte !
Oui, et tu vas voir il est drôle et j’aime sa manière de parler de la littérature et de son métier !
Fan de… Je le lis depuis longtemps, avec des bonheurs diverses. Pas de coups de foudre, mais toujours beaucoup de curiosité. Les intrigues sont bien menées, les personnages bien dessinés. Et lorsque l’adaptation ciné ou tv est réussie le plaisir est là. Je recommande absolument l’adaptation de Mr. Mercedes, un bijou du genre ! https://www.youtube.com/watch?v=IMRBHTkS0M0
je ne connais pas, je note ! oui j’aime bien ses histoires !
Comme The Austist, c’est un auteur que j’ai dévoré sans retenue pendant mes années lycée et même après. J’aime le relire de temps en temps (avec sa bibliographie, on trouve toujours des titres qu’on n’a pas lus !.)..
France Culture a passé l’an dernier une série très intéressante, pendant toute une semaine, sur les adaptations ciné de certains de ses livres, qui est aussi l’occasion d’aborder le travail d’écriture de King. Si ça t’intéresse :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-stephen-king-anatomie-de-l-horreur-a-l-ecran
ah merci pour. l’info ! oui je me dis toujours qu’il faut je le lise ou relise ! je me souviens de certaines lectures au lycée !
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