J’avoue, je ne connais pas bien l’autrice de cet essai, Olivia Sudjic. Même si je possède un de ses romans – Asylum Road – que je souhaite lire prochainement. Je suis abonnée sur Youtube à plusieurs chaines d’amoureux de livres, souvent anglophones et c’est via l’une d’entre elles que j’ai découvert ce court essai (le format du livre est tout petit).
Olivia Sudjic s’est inspirée de sa propre expérience pour traiter du sujet de cet essai. Lorsque son premier roman, Sympathy, est paru, la jeune femme s’est vue propulsée dans le monde des médias et des réseaux sociaux. Souffrant de crises d’anxiété, elle a très mal vécu cette période et son travail s’en est trouvé impacté. Troublée par cette expérience, elle accepte d’aller à Bruxelles en pension d’auteurs. Mais, une fois dans ce lieu, cette ville, cet appartement inconnu – elle est incapable d’écrire le moindre mot.
Elle va alors écrire sur cette phase d’aliénation et sur la perception d’autrui en général. Comment gérer, à l’ère numérique et des réseaux sociaux, cette soudaine curiosité des lecteurs envers les auteurs ? La jeune femme n’a pas de mal à parler de son oeuvre, même si – elle l’avoue – elle n’a plus du tout envie d’en parler. Elle est très vite dépassée par la curiosité, parfois malsaine des médias et ses crises d’anxiété ne font qu’accentuer son mal être.
The Internet can remove the fear of judgment or social stigma. It should follow that it reduces anxiety, but for many it seems to have the opposite effect. (..) You may be alone, or there could be someone standing right outside, looking in.
Mais elles sont également à l’origine de ses romans. S’appuyant sur de célèbres autrices comme Maggie Nelson, Jenny Offill, Elena Ferrante ou Rachel Cusk – elle examine ici les idées préconçues que se font les médias, mais également le monde littéraire et les lecteurs des femmes romancières. Ainsi, elle parle beaucoup d’Elena Ferrante et de son choix de rester anonyme. Un choix souvent critiqué et mal compris. Comment peut-on encore vouloir se cacher en 2023 ? Dissocier son oeuvre de l’auteur ? J’ai vraiment aimer cette partie-là. J’avoue, en tant que lectrice, j’ai longtemps été curieuse, surtout de la manière dont les auteurs travaillent (je me fiche de leur vie privée). Etant grande fan de J.D SALINGER, celui qui a le moins communiqué avant de disparaître totalement, je comprends ce besoin de laisser à son oeuvre le soin de se défendre seule.
Ferrante felt the need for a mask both to protect her and as an integral part of her craft. (..) She considers a book as a self-sufficient body, with no need to sell her own alongside it « I wrote my book to free myself from it, not to be its prisoner ».
L’autre point fort de l’essai est donc le regard, souvent masculin, sur une oeuvre qui serait, tout ou en partie, inspirée de sa propre vie. Car pour l’autrice, la fiction n’est jamais impersonnelle. Mais pourtant, l’adjectif personnel est souvent synonyme d’une oeuvre féminine, jamais masculine. Ainsi, une oeuvre écrite par un homme (de préférence blanc et hétérosexuel) sur son expérience personnelle est en réalité une oeuvre sur la condition humaine. Son oeuvre est de facto universelle. A l’inverse, les livres écrits par les femmes, sur les femmes, ne le sont pas. Il s’agit de fiction féminine. (SIC)
Ainsi, lorsque Roxane Gay a publié son mémoire « Hunger : a memoir of my body« , un des journalistes du New York Times a déclaré qu’il s’agissait, ni plus ni moins, d’un extrait de son journal intime. En niant tout le travail, la réflexion, les recherches menées par l’autrice. Roxane Gay note qu’étrangement, les cinq volumes de l’autobiographie de Knausgaard n’ont jamais été réduits à des extraits de son journal intime …
Cet essai m’a vraiment accroché, surtout à partir de la deuxième moitié. J’ai beaucoup aimé la réflexion qu’elle a su mener lors de son séjour à Bruxelles. Du coup, j’ai encore plus envie de lire son roman. Je n’ai pas trouvé de traduction pour cet essai mais l’un de ses romans est traduit.
♥♥♥♥
Editions Peninsula Press, 2018, 128 pages
Photo de Denise Jans sur Unsplash
6 commentaires
J’avoue que je ne connaissais pas non plus cette autrice. Sinon, dans la série des auteurs qui se cachent, j’ai tout de suite pensé à Thomas Pynchon
ah oui ! c’est vrai, lui aussi ! je ne l’ai jamais lu, même si j’ai un de ses romans dans ma PAL. Tu l’as lu ?
non pas encore mais je n’ai pas eu que de bons retours
Ok ! pareil, du coup, il va falloir que je me lance !
Je serais curieuse de connaître ton avis
merci ! je lis peu en ce moment, mais peut-être en objectif 2024 ? M’attaquer enfin à ce fameux Pynchon !
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