Deuxième lecture de 2024, et deux coups de coeur : pour le roman et pour l’autrice. Tant mieux. Mieko Kawakami m’intriguait depuis la parution de son best-seller Breasts and Eggs. J’hésitais à acheter le livre, puis le temps a passé et la romancière japonaise a publié deux autres livres : All the lovers in the night et Heaven, sélectionné dans le cadre du International Booker Prize 2022.
Lorsque j’ai découvert les éditions Picador et leurs belles couvertures, j’ai craqué et acheté les trois romans. Heaven est ma première lecture car le sujet m’intéressait vivement. Et oui, je suis encore en compagnie d’adolescents japonais. Un signe ?
1991- Le narrateur n’a pas de nom, juste le surnom que ses agresseurs lui ont donné : Eyes (yeux). Agé de 14 ans, le jeune homme subit depuis des années les insultes, tortures et violence de plusieurs élèves de sa classe. Au Japon (comme en Corée du Sud), le harcèlement scolaire semble être un sport national. Même si ses bourreaux frappent là où ça ne laisse pas de traces, leurs actes ont lieu à l’intérieur de l’école, dans la classe à la fin des cours et aucun professeur ou personnel du collège ne semblent y porter attention. Le jeune homme a une légère difformité : un oeil paresseux. Face à ce déchainement de torture, il ne réagit pas. Mais cette violence quotidienne l’a isolée des autres élèves. Sans ami, il préfère s’enfermer chez lui à lire.
Il vit avec sa belle-mère et son père, toujours parti. Une vie monotone, où les repas se prennent devant la télévision et les échanges sont rares. Il a choisi de cacher à sa belle-mère ce qui se passe à l’école. Un jour dans sa classe, il trouve un mot dans ses affaires. Peu à peu, il commence à échanger avec cet autre élève tout en restant sur ses gardes car il ignore de qui il s’agit. Il découvre qu’il s’agit d’une fille, Kojima, victime elle-aussi de harcèlement, et comme lui, elle subit sans jamais se défendre. Peu à peu, les deux adolescents se rapprochent et s’enferment dans leur propre bulle, tentant de trouver une raison à leurs malheurs.
Mais un jour, tout bascule lorsque ses agresseurs se déchainent sur lui avec un degré de violence jamais atteint, le plongeant dans une profonde dépression…
Un roman à la fois tendre, profondément émouvant mais aussi très violent. La description des actes de violence sont parfois difficiles à lire, comme de voir notre narrateur penser au suicide.. Le plus fort ici est le choix de la romancière de donner la parole aux victimes mais aussi aux agresseurs. Y-a-t-il une raison à ce déchainement de violence? Pourquoi eux ? Cette partie là du roman m’a fortement dérangée mais les propos raisonnent également profondément vrais.
Et puis, il y a la surprise de la fin. Car j’avoue que je ne m’y attendais pas, même si elle est tout à fait plausible. J’ai trouvé cela fort et très intéressant. La romancière maîtrise son roman du début à la fin. J’ai aussi aimé le fait qu’elle choisisse un jeune homme comme narrateur, cela donne une toute autre dimension au harcèlement que d’être dans sa peau. Elle exprime aussi très bien le fossé abyssal entre ces adolescents et le monde des adultes. Leur isolement face à des parents incapables de voir quoique ce soit, car pris eux-même dans leurs propres tourments. Fort heureusement, elle ne voit pas le monde en noir et blanc et offre ici toute une série de nuances de gris.
Un roman poignant, qui vous ne laissera pas indifférent – un narrateur qu’on a envie de serrer très fort dans ses bras. Un énorme coup de coeur pour ce roman court.
Le roman a été traduit en français sous le même titre aux éditions Actes Sud.
Et évidemment, j’ai désormais l’envie de lire rapidement ses autres livres.
♥♥♥♥♥
Editions Picador, 2021, ヘヴン , trad. Sam Bett & David Boyd, 168 pages
Photo de Feliphe Schiarolli sur Unsplash
11 commentaires
L’année passée, j’ai rajouté Breasts and eggs sur ma PAL. Avec ce billet, tu confirmes qu’il faut lire cet autrice (et aussi que sous sommes attirées par les mêmes romans).
ah super ! tu l’as aussi ? Oui, j’aime beaucoup son style et les sujets abordés. Oui, je te rejoins, nous avons les mêmes goûts !
Je me disais que le nom de l’autrice ne m’était pas inconnue… et puis tu as évoqué Breasts and Eggs. C’est donc ça ! Ses romans sont à la bibli de mon quartier.
Oui ! Je ne l’ai pas lu, mais elle a publié deux autres romans et du coup, pour commencer je suis allée vers celui-ci, car le sujet m’intéressait même s’il est difficile. Je comprends mieux l’engouement pour cette autrice à présent.
Breasts and Eggs ? Kezako ?!!
Bon ça a l’air très intéressant, et c’est dingue les a priori : j’étais persuadée que le Japon n’était pas vraiment concerné par ce type de violence…
Ceci dit, je passe, j’essaie de programmer quelques lectures d’Asie du sud-est pour participer au challenge de Miss Sunalee, je n’ai plus de place pour noter de nouveaux titres !
Oui, le Japon – d’ailleurs, il était auparavant classé premier mondial en termes de suicides chez les adolescents, depuis il a été dépassé par la Corée du Sud .. Les deux pays souffrent des mêmes pathologies hélas. Breasts and Eggs est son roman féministe, je vais le lire d’ici peu mais je pense que ton niveau d’anglais est bon si tu réagis ainsi 😉
Évidemment que je veux le lire. J’attends juste une petite baisse de prix (trop cher, là: 50$)
oh le prix ! surtout vu la longueur de texte, je comprends ! J’espère que tu peux le trouver autrement.
Si la thématique Japon a toujours mes faveurs, j’avoue que celle de l’adolescence beaucoup, beaucoup moins, et les histoires de violences et de harcèlement, encore pire.^^ Je tenterai probablement l’autrice sur une autre thématique, elle semble tout de même valoir le détour.
Oui ! Je vais lire ses deux autres romans, du coup tu pourras en effet choisir un autre sujet ! Je te comprends, comme moi et les crises existentielles des hommes français de plus de 40 ans, je déteste LOL
[…] par Electra qui a lu Heaven, cela m’a poussée à sortir celui-ci de ma PAL, que j’ai lu en lecture commune avec Je […]
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