J’ai étudié l’allemand au collège et au lycée puis j’ai arrêté. Mais quelques années plus tard, étudiante sur un campus américain, j’ai fait connaissance avec deux étudiantes allemandes qui m’ont souvent invité chez elle, dans la « Maison Allemande » où se réunissaient beaucoup d’Allemands expatriés, ou enfants de. Etrangement, si je n’avais accroché à l’allemand, j’ai regardé un soir avec eux le film Die weiße Rose qui raconte comment 6 jeunes Allemands ont osé défié le régime hitlérien et l’ont payé de leur vie. Ce film m’a grandement marqué et ce soir-là, pas besoin de sous-titres. Leurs noms : Hans et Sophie Scholl, Kurt Huber, Christoph Probst, Willi Graf et Alexander Schmorell.
Sur leurs tracts, on pouvait lire :
On ne peut pas discuter du nazisme, ni s’opposer à lui par une démarche de l’esprit, car il n’a rien d’une doctrine spirituelle. (…) trois cent mille juifs de ce pays ont été abattus comme des bêtes. C’est là le crime le plus abominable perpétré contre la dignité humaine, et aucun autre dans l’histoire ne saurait lui être comparé.. Chacun rejette sur les autres cette faute commune, chacun s’en affranchit et continue de dormir, la conscience calme. Mais il ne faut pas se désolidariser des autres, chacun est coupable, coupable, coupable
Inge Scholl, la soeur de Sophie et Hans Scholl, a souhaité leur rendre hommage en publiant ce livre. Elle rappelle qu’ils étaient croyants, qu’ils n’ont pas pris les armes, ni tué personne. Leur seul tort fut d’aller coller des affiches la nuit pour alerter le peuple et de ne pas vouloir obéir à ce gouvernement qu’ils ne reconnaissaient pas.
Inge Scholl raconte leur enfance, à Munich, comme tous les autres petits Allemands, ils ont d’abord adhéré au mouvement des Jeunesses Hitlériennes, mais très vite, ils ont commencé à mettre en doute les paroles, et surtout l’absence de libre arbitre qui se dégage de cette doctrine. Sans liberté de pensée, il n’y a plus de démocratie. Leur père partage leur avis et encourage ses enfants à faire leurs propres choix. A l’université, ils croisent d’autres étudiants qui partagent leurs idées, et ils décident de créer ce mouvement La Rose Blanche. Ils veulent pousser la jeunesse à penser par soi-même, à ne pas suivre aveuglément le pouvoir en place.
Si on connaît hélas leur triste sort (ils seront décapités), le livre leur rend un magnifique hommage, car à l’époque, ils sont peu à oser s’opposer à Hitler. J’ai souhaité relire ce récit avant mon voyage à Berlin. Même si je n’étais pas à Munich, je savais que j’allais faire pas mal de musées qui allaient me rappeler cette période tragique de l’histoire allemande, de la Shoah, et j’avais besoin d’espoir. Ces jeunes gens n’ont pas réussi à empêcher la tragédie, mais ils représentent malgré tout l’espoir que la jeunesse devrait aujourd’hui porter, celui de croire en la liberté et la démocratie.
Serons-nous pour toujours le peuple haï de tous, exclu du monde ?
Printemps 43. Apparurent alors à Munich des affiches où on lisait :
Ont été condamnés à mort pour haute trahison :
Christoph Probst, 24 ans
Hans Scholl, 25 ans
Sophie Scholl, 22 ans
J’ai eu une pensée émue pour leurs familles en lisant ce récit. Leur histoire devrait enseignée en classe. Leur dernier tract est également publié dans ce récit.
Mickey 3D leur a consacré une chanson il y a quelques années que j’aime beaucoup dont voici quelques paroles :
Les Editions de Minuit, trad. Jacques Delpeyrou, (1953), 2008, 157 pages
16 commentaires
Le nom de Sophie Scholl m’est familier, comme victime du nazisme, mais j’ignorais qu’elle faisait partie d’un groupe et ce livre m’intéresse beaucoup. Je suis d’une famille de germanistes ( j’ai déjà dû te le dire) mais j’ai tout oublié ou presque de ce que j’ai appris au lycée sous la contrainte donc je le lirai en français.
Se souvenir pour que ça ne se produise plus jamais reste un vœu pieux à mon avis mais il est quand même utile de connaître ce que l’on veut éviter…
Oui, moi je l’ai découvert à la Fac, c’est le seul film que j’ai vu en allemand (sans sous-titres) et qui m’a vraiment marqué. Leur destin tragique.. On parle trop peu d’eux. Je suis contente d’avoir trouvé ce livre
Un histoire à mieux connaître, en effet.
Oui, je savais que j’allais revenir encore avec des images terribles de Berlin (l’Holocauste), j’avais envie de me souvenir aussi de ceux qui ont lutté avec leurs maigres moyens contre la terreur
Je dois avoir vu un reportage sur ce groupe de la Rose blanche, je me souviens bien de leurs noms…
Aller coller des affiches et des tracts me semble, comment dire, le minimum qu’une personne éclairée devrait faire contre une dictature, mais c’était, et c’est encore bien trop souvent, passible de prison ou de mort.
oui, je pense du coup à ce jeune rappeur iranien condamné à mort ces derniers jours. J’aimerais bien revoir le film sur la Rose Blanche du coup…
Sur le même thème, j’ai lu l’essai de Norman Ohler, Les infiltrés. Les documents concernant les résistants allemands ont souvent été détruits par les Nazis. Mais l’auteur a réussi a reconstituer l’histoire du réseau de L’orchestre rouge et celle du couple formé par Harro et Libertas Schulze-Boysen. Ils ont été exécutés avec d’autres compagnons de lutte, le 22 décembre 1942 à la prison de Plötzensee.
ah merci je le note ! Oui, le régime Nazi a éliminé immédiatement toute résistance, c’était terrible. On passe sous silence ce pan de l’histoire, car en face, il y a des millions de victimes, mais je pense qu’il faut quand même en parler.
J’ignorais tout de ce groupe de la Rose blanche. Merci de le mettre à mon ordre du jour. Je suis curieuse d’en apprendre plus.
Ah oui ? Un pan de l’histoire un peu oublié de nos jours. Contente d’avoir pu t’éclairer !
Je connaissais leur histoire et cette tragédie. Merci d’en parler , je suis très intéressée par le livre et espère le lire bientôt. Je vais en parler également à un ami allemand de Berlin…
Oui, le livre leur rend un vibrant hommage et rappelle qu’avant la guerre, tout opposant au régime Nazi était éliminé…
Ça doit être une lecture assez bouleversante. J’ai aussi Seul dans Berlin de Hans Fallada dans ma PAL. Ça fait un moment que j’essaie de le caser mais c’est un sacré pavé.
Je l’ai aussi et pareil, un pavé ! On pourrait peut-être envisager une lecture commune plus tard dans l’année ? si on est courageuse, je suis déjà dans un pavé de 1 000 pages ou presque, donc je vais faire une pause avant de repartir dans un autre
Je connais un peu l’histoire de ce groupe mais envie d’approfondir avec cette lecture. Je note ! Sur Sophie Scholl, je te recommande « Non à la lâcheté » écrit par Mourlevat et qui fait partie de la chouette collection Ceux qui ont dit non.
ah merci pour la recommandation ! je vais aller voir cela.
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