Après Café Europa, Life after communism, et How we survived communism and even laughed, j’avais envie de retrouver l’excellente journaliste Slavenka Drakulić. Cette fois-ci elle raconte, comment elle a vécu la guerre en Croatie. Elle était à l’étranger lorsque soudainement la Serbie a envahi son pays. Elle est rentrée rapidement, ayant peur pour sa famille. Et puis, son métier l’a rattrapé et elle a accepté d’être correspondante et de publier des chroniques racontant son quotidien et celui de toute la population croate.
Contrairement aux autres essais, celui-ci est forcément plus intimiste – car il touche à sa famille, ses proches. La guerre vous marque à jamais, et même si elle prend de la distance en faisant son métier, il n’empêche qu’elle-même est rongée par la peur. Je pense que je continuerai à lire toute son oeuvre, tellement j’aime sa plume, son regard, ses interrogations et sa vision de la vie en générale.
As the war goes on you create a parallel reality : on one side you neurotically cling to what used to be your everyday routine, pretending normality, ignoring the war (…).
Elle revient sur la notion même de l’Europe, qui comme pour la Bosnie, va longtemps les abandonner – incapable de réagir. Evidemment, on ne peut s’empêcher aujourd’hui de faire le lien avec la situation en Ukraine. Puis sur ce qu’est la vie quotidienne en période de guerre, nos pensées, notre fonctionnement. Elle rappelle que la guerre a éclaté alors que la Croatie venait tout juste de déclarer son indépendance après des années de communisme. Ce pays n’était pas un pays doté de citoyens, mais d’anciens sujets d’un régime totalitaire.
Je me suis permis de souligner des phrases afin de pouvoir les relire de temps en temps.
Not only land, but friends were cut off from each other, too. Friendships could hardly survive the war.
Ainsi, comment raconter à ses proches la guerre ? Prendre position, difficile ne pas le faire quand ses proches voient leur maisons bombardées ou leurs fils reviennent blessés ? Comment parler encore à ses amis serbes ? Puis, l’autrice aborde l’après guerre et la réaction du gouvernement croate : effacer tous les souvenirs du passé : renommer toutes les places et lieux symboliques, la majorité des noms des rues ont été changés après la guerre. Les statues enlevées. Le passé n’est pas uniquement modifié, il est tout simplement annihilé.
The new history of the state of Croatia also begins with war and revolution and with eradicating the memory of the forty-five years under communism.
Une lecture passionnante et qui, comme tous ses écrits, résonne encore dans notre société actuelle. Je regrette que ses essais n’aient pas été traduits en français.
♥♥♥♥
Editions Norton&Cie, 1993, 146 pages
Photo de Nikola Johnny Mirkovic sur Unsplash
4 commentaires
J’ai très peu lu sur ce sujet. Ce n’est pas un manque d’intérêt de ma part mais plutôt un manque de courage.
oui, moi je lis tout ce qu’elle écrit, c’est un peu une Joan Didion croate. Mais oui, le sujet est toujours le conflit et l’histoire de son pays, si particulière
La photo me rappelle tellement mon voyage… même si j’étais bien plus au nord.
ah ! hâte de voir ça alors 😉
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