Martyre / Ken · Mishima Yukio

par Electra
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J’ai depuis quelque temps le roman phare de l’auteur MISHIMA Yukio, Confession d’un masque. Je n’ai jamais lu cet auteur et j’ai préféré avant de me lancer lire un de ses textes plus court.

J’ai trouvé une novella, Ken (99 pages) et une nouvelle, Martyre publié chez Folio, l’occasion de découvrir le style de l’auteur et ses thèmes de prédilection.

En premier la novella intitulée Ken. L’équipe de Kendô a pour capitaine l’étudiant Jirô l’un des meilleurs sabres (ken) du Japon. Tous lui envient sa force, sa beauté et son talent. Mais surtout son dévouement, le jeune homme ne vit et ne respire que pour ce sport. Il n’appartient à aucun autre club du lycée. Et prend son rôle de capitaine très au sérieux. Il a compris que ses moindres faits et gestes sont analysés par les membres de son club. Les ambitions et les rivalités entre ces jeunes font partie du jeu. Ainsi un autre élève, lui envie sa place de capitaine.

La pression atteint son apogée lors d’un stage d’une dizaine de jours au bord de l’océan. Car les autres participants, même s’ils aiment le sport, ne sont pas autant investis que Jirô. Tous sont adolescents et ont envie parfois de s’amuser. Un verbe que ne connaît pas Jirô.  Je n’en dirais pas plus, sauf que la fin de cette novella, comme celle de Martyre, vous surprend. Même si je m’attendais à une fin symbolisant ces derniers jours de stage, je ne pensais pas que l’auteur irait aussi loin.

Le Kendô est un sport national, hautement respecté et qui emprunte à la philosophie japonaise, à leurs croyances. Et MISHIMA revient souvent sur le sens caché derrière leurs gestes, les sabres, leurs tenues même. Tout a une signification. J’ai donc appris ce qui se cache derrière ce sport. Mais MISHIMA va plus loin, donnant un sens presque métaphysique à cette activité sportive. Et j’avoue qu’il m’a quelque peu perdu à ce moment-là. Son style, très classique, semble aussi, de nos jours, un peu daté. Suranné. Mais pour rappel, il a publié ce texte en 1948. Ainsi, je pense que de nos jours, on préfère laisser la parole et les gestes aux personnages pour faire passer certains messages et non s’adresser au lecteur comme un professeur d’université. Mais l’histoire reste néanmoins passionnante.

Et où il est définitivement moderne, c’est dans son acuité à lire dans les pensées, les sentiments des adolescents, et dans la maîtrise de son texte, du poids de chaque mot employé, de la longueur du texte et en maîtrisant la fin.

Idem pour Martyre, qui pourtant tient en quelques pages. Ayant lu Ken juste avant, j’étais persuadée d’avoir correctement deviné la fin, mais que nenni ! J’ai, j’avoue, préféré cette nouvelle à la novella car le sujet me plaisait plus. Un sujet toujours d’actualité, entre le harcèlement scolaire et les premiers émois sexuels des adolescents. Quand les deux se mélangent. Ainsi quand Hatakeyama est persuadé que Watari, nouvel élève à la beauté extraordinaire, lui a volé son livre, les deux adolescents entament alors un jeu de haine, mais aussi de désir et de fascination, pour laisser finalement place à la cruauté. Et, MISHIMA est un maître pour exprimer ce maelström de sentiments. Et la fin est tellement surprenante – elle m’a vraiment pris à contre-pied, ce que j’ai adoré.

Et en lisant cette nouvelle, en connaissant le thème de Confession d’un masque, j’ai compris que j’allais sans doute vraiment aimer ce roman. De bonne augure, donc.

J’ai également lu ce mini recueil en hommage à Goran (merci Inganmic pour le rappel), sur l’initiative de Madame Lit. Je conseille donc vivement ces textes à quiconque hésitent encore à se lancer dans l’oeuvre de l’auteur japonais.

♥♥♥♥

Editions Folio, trad. Brigitte et Yves-Marie Allioux, 2023 (1948), 128 pages
Photo de ARTHUR YAO sur Unsplash

Et pourquoi pas

14 commentaires

Livr'escapades 15 septembre 2024 - 12 h 15 min

Ta remarque sur le professeur d’université ma fait sourire mais finalement tu as quand-même passé un bon moment avec ces deux lectures, d’autant plus qu’elles se sont toutes les deux achevées sur des fins surprenantes.

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Electra 15 septembre 2024 - 18 h 13 min

Oui ! Un bon moment, mais je suis sensible dès lors que le discours se fait trop ditactique, je tique ! (et pourtant je suis formatrice à temps partiel LOL)
une très bonne découverte, du coup, j’ignore si tu l’as déjà lu ?

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LamartineOrzo 15 septembre 2024 - 13 h 46 min

J’ai lu 3 romans de Mishima il y a bien longtemps et je les avais beaucoup aimés. (Le pavillon d’or, le marin rejeté par la mer et je ne retrouve plus le nom du 3ème) . Cependant ses positions politiques étaient très réactionnaires et on ressent bien son rigorisme dans tous ces romans.

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Electra 15 septembre 2024 - 18 h 15 min

Je note, j’ai déjà croisé le pavillon d’or et le marin rejeté par la mer, mais ne le connaissant pas, j’ai toujours hésité, maintenant je ne vais plus hésiter. Oui, merci pour le terme – rigorisme, même si je ne mets pas Martyre dans ce registre, Ken l’est.

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Madame lit 15 septembre 2024 - 16 h 20 min

Merci pour ta participation à cette lecture commune pour faire un clin d’oeil à notre regretté Goran. Comme toi, j’ai apprécié ma lecture de Mishima et c’était ma première. Au plaisir!

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Electra 15 septembre 2024 - 18 h 16 min

De rien ! Je lisais ses chroniques (sans commenter) et ravie de voir qu’on a toutes les deux apprécié nos lectures ! Merci Goran et au plaisir !

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Sunalee 16 septembre 2024 - 8 h 05 min

Je n’ai jamais lu Mishima, je crois que j’ai un peu peur du style suranné dont tu parles.

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Electra 16 septembre 2024 - 8 h 59 min

ah, n’aie pas peur – il m’impressionnait aussi. Pour la partie surannée, effectivement on sent que le roman date (après tout ça fait plus de 70 ans) et il a un style très classique, mais les thèmes qu’il aborde sont vraiment intéressants. Si tu peux, lis juste Martyre (une vingtaine de pages) et tu verras !

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Ingannmic 16 septembre 2024 - 15 h 37 min

Ah mais j’ai failli louper ton billet ! Tu es l’une des plus enthousiastes suite à cette LC… Si j’ai apprécié l’écriture de l’auteur, j’ai été déstabilisée et peu convaincue par le contenu du titre que j’ai lu… Béa Comète qui a lu le même que moi, a carrément détesté tout détesté, le fond comme la forme !

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Electra 18 septembre 2024 - 18 h 59 min

je vais du coup aller voir ton billet ! moi, au contraire, j’ai aimé le style et le contenu 🙂

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Fanja 18 septembre 2024 - 2 h 02 min

Je n’ai toujours pas lu cet auteur japonais mythique, mais je le ferai sûrement un jour, par curiosité. Pareil, je commencerai par un texte court.^^

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Electra 18 septembre 2024 - 19 h 00 min

Oui ! J’avais Confession d’un masque dans ma PAL mais il m’impressionnait, finalement en lisant ces nouvelles, je me rends compte que non, et j’aime ses thèmes de prédilection (même s’ils sont sombres)

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Jerome 18 septembre 2024 - 10 h 05 min

Perso j’ai adoré Confession d’un masque, c’est son texte le plus autobiographique.

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Electra 18 septembre 2024 - 19 h 01 min

Merci Jerome ! C’est effectivement ma prochaine lecture, et maintenant je n’ai plus peur de me lancer 🙂 J’espère adorer comme toi

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