Il était grand temps que je m’attaque à cette oeuvre phare : PACHINKO – 파친코, après tout j’étudie le Coréen depuis deux ans et demi. Ce roman phare de 2017 a abordé une des phases les plus méconnues de l’histoire de la Corée du Sud. Celle de ces Coréens partis de gré ou de force vivre au Japon et malgré les mois transformés en années, les années devenues décennies, sont toujours restés des citoyens de seconde zone. Ils ont souvent quitté un seul pays pour découvrir en 1953 une Corée divisée en deux et l’impossibilité pour ceux originaires du Nord d’y retourner. Sans papier, sans naturalisation, ils sont devenus les fantômes de la société nippone.
Et LEE Min-jin a réussi un tour de force en nous racontant l’histoire de gens ordinaires pris dans la tourmente de la grande histoire. Celle de Sunja, une adolescente qui va tomber amoureuse du mauvais homme. Sunja a grandi sur l’île de Yeongdo au Sud de la Corée. Elle aide sa mère qui tient une pension de famille et réussit à faire pousser une bonne partie des légumes. Car les temps sont difficiles en 1932, la Corée est occupée depuis plusieurs décennies par les Japonais. Ces derniers ont peu à peu privés de leurs terres les anciens propriétaires, et le peuple meurt de faim. Sunja, 16 ans, va alors tomber amoureuse de KOH Hansu, un Coréen de Jesu qui a réussi à faire fortune au Japon (il parle couramment Japonais). Il travaille sur le marché aux poissons et s’habille dans de beaux tailleurs avec de belles chaussures en cuir.
Mais lorsque Sunja tombe enceinte, il lui annonce être déjà marié (à une Japonaise à Osaka) mais lui offre d’être sa maîtresse. La jeune femme, pieuse et honteuse rompt tout contact et avoue la vérité à sa mère Yangjin. Depuis plusieurs mois, Yangjiin s’occupe d’un pensionnaire malade (atteint de tuberculose), BAEK Isak. Ce dernier, originaire de la future Corée du Nord, était en partance pour le Japon où il doit retrouver son frère Yoseb, Pasteur comme lui et sa congrégation. Mais sa maladie l’a empêché de partir. Comprenant le désarroi de Yangjin face à la grossesse de sa fille, il lui propose de l’épouser et de l’emmener avec lui au Japon.
Yangjin et Sunja acceptent et les deux jeunes mariés arrivent au Japon. Ils découvrent alors les conditions de vie misérables des Coréens au Japon. Ils vivent dans des bidonvilles, ne sont pas considérés comme des citoyens, se voient refuser à peu près tout et les enfants coréens sont harcelés dans les écoles. Mais la volonté sans faille de Sunja pour pourvoir à ses enfants (Noa puis Mozasu) et leur assurer un bel avenir va guider les pas de la jeune femme. Puis la guerre 39-45, la guerre civile en Corée vont venir mettre un terme à l’espoir de rentrer un jour au pays. Sans identité propre, ils vont, chacun à leur manière tenter de donner un sens à leur vie… KOH Hansu n’étant jamais loin…
Une saga familiale, mais surtout un roman sur l’identité. En citant Charles Dickens au début du roman, l’autrice veut nous faire comprendre comment, malgré l’éloignement, le sentiment d’appartenir à une culture peut perdurer.
Home is a name, a word, it is a strong one; stronger than magician ever spoke, or spirit answered to, in strongest conjuration.
Ainsi, les Coréens n’ont pas le choix, ils vont investir leur maigre fortune dans ces maisons où l’on joue au Pachinko ou devenir Yakusa. De toute manière, les Japonais les ont depuis longtemps classés comme des êtres inférieurs, vils, menteurs et sales. Noa subira de plein fouet cette haine et choisira une voie qui lui coûtera cher. Son frère finira par faire fortune avec le Pachinko, et son fils, même étudiant aux USA, finira par rentrer au pays : le Japon, mais avec un passeport coréen.
LEE Min-jin raconte avoir eu cette idée de livre pendant plus d’une décennie, après avoir vu un documentaire sur ces citoyens coréens, longtemps privés de tout droit, même de nationalité. Même leurs petits-enfants n’obtiennent pas la nationalité japonaise. J’ai aimé le style très fluide, les personnages si bien travaillés, jamais un personnage n’est qu’effleuré. C’est le talent des romanciers coréens de savoir donner vie à une multitude de personnages sans jamais en faire de simples faire-valoir.
Nevertheless, Mozasu wouldn’t leave the country where he was born. Where would he go, anyway ? so Japan didn’t want them, so fucking what?
(..) Japan will never change. It will never integrate gaijin, and my darling here you’ll always be a gaijin and never Japanse. Neee?
Je ne vais pas raconter le roman, même si comme ceux qui l’ont lu avant moi, ont sûrement été choqués lorsqu’un personnage phase disparaît brutalement. Nous poussant ainsi à la réflexion : que faire quand un pays ne nous accepte jamais, nous l’étranger ?
J’ai évidemment envie de voir maintenant la série, même si mes amis l’ont trouvée moins réussi que le roman, et je vais pouvoir le faire. Surtout qu’il y a une deuxième saison. J’ai mis presque un mois et demi à lire ce roman, mais je ne regrette pas tout ce temps passé en compagnie de ces personnages qui me laisseront nul doute, une empreinte très forte.
♥♥♥♥♥
Editions Head of Zeus, 2020, 552 pages
2 commentaires
J’avais passé un très bon moment en le lisant il y a quelques années. J’en avais parlé à mon guide (suiss) à Osaka il y a cinq ans, et apparemment ça l’avait marqué parce qu’il m’en a reparlé il y a quelques jours.
J’ai adoré le roman mais je n’ai pas vu la série