Je ne pensais pas pouvoir refaire ce genre d’articles avant fort longtemps, mais les vacances sont propices à ce genre de bonnes nouvelles ! Au programme, un must-read, une BD fort drôle et les retrouvailles avec Riad.
Toajêne – Grégory Panaccione & Bruno Bozetto
♥♥♥♥
Par les temps qui courent, cela fait du bien de rire à gorge déployée et d’éprouver de l’amour pour le plus minuscule des personnages ! Car voilà que notre héros du jour est un microbe. Oui, un microbe mais un microbe amoureux. Amoureux dingue d’une star de cinéma et qui par cette passion est capable de guérir une pandémie qui frappe le monde ! Celle-ci prive les êtres humains de membres (le nez, les oreilles, un bras) .. Son pouvoir de guérison découvert par un scientifique, notre microbe va vivre une odyssée incroyable.
Il y a de la poésie dans cette bande-dessinée burlesque, impossible de ne pas adorer le héros. Je l’ai même pris en photo ! J’ai aimé le dessin de Grégory Panaccione et le scénario est réussi, mélangeant le drôle à l’amour. A lire de toute urgence 😉
Editions Delcourt, 2020, 104 pages
Payer la terre – Joe Sacco
♥♥♥♥♥
Je suis probablement la dernière à lire ce roman graphique – surprenant venant de ma part, moi la fan de littérature et de culture autochtone. Mais ça y est, c’est chose faite. A noter que la bibliothécaire m’a prévenue « attention, c’est super triste ». Je me doutais un peu de ce que j’allais trouver et toutes mes peurs ont été confirmées. Les Dene vivent dans les Territoires du Nord-Ouest canadien. Ces territoires font la taie de la France et de l’Espagne réunies mais leur population compte à peine 45 000 individus. Nous sommes au nord du Canada, au-dessous de l’Arctique – il y fait très froid et les terres sont impropres à l’agriculture. Dans ce roman graphique exhaustif (272 pages), publié l’an dernier – l’auteur raconte son périple (il s’est en fait rendu deux fois dans ces territoires) à la rencontre de ce peuple autotochne. Les Dene habitent le Denedeh, « la Terre des Gens » et se battent depuis longtemps pour récupérer leurs terres.
Des terres fertiles en minerai (or, diamant) qui ont rapidement attiré les pires hommes blancs : des politiciens venus leur faire signer deux traités majeurs où, sans en comprendre la teneur, les Dene autorisaient l’exploitation de gisements sur leurs territoires (dernièrement la fracturation hydraulique) en échange de la somme modique de … 5$ ! Les Dene, comme toutes les tribus voisines appartiennent à la terre mais ne la possèdent pas, aussi un titre de propriété, à l’époque, ne voulaient rien dire. Mais le gouvernement canadien ne s’est pas arrêté là, de la fin du 19è S. aux années 1970, les enfants ont été arrachés à leurs familles pour être envoyés dans des pensionnats, où on leur coupait les cheveux et on leur interdisait de parler leurs langues. Gérés par des religieux, ces établissements sont à l’origine de nombreux scandales (abus sexuels, maltraitance, morts inexpliquées) mais aussi d’un véritable génocide culturel (et reconnu comme tel récemment). En coupant les enfants de leurs origines, ils ont mis fin à un mode de vie ancestral où les Dene, nomades, chassaient et pêchaient et se regroupaient entre clans pendant l’été. Avant l’arrivée de l’homme blanc, hommes et femmes étaient égaux dans les tâches (à près tout, il fallait savoir comme survivre dans ce climat peu propice où certains hivers, on mourrait presque de faim).
Le gouvernement canadien les a attiré dans les villes en leur promettant un emploi et un logement. En échange, les Dene ont dit adieu à leur mode de vie, et sont très vite tombés dans la spirale de l’alcool, de la violence conjugale, des suicides. Les chiffres font peut (7 à 8 fois plus de suicide et d’abus sexuel que dans le reste de la population). Joe Sacco rencontre une dizaine de personnes qui se battent pour regagner leur dignité et leur culture. S’ils sont toujours divisés sur la question de la fracturation hydraulique (des emplois..), ils sont d’accord pour dire que le gouvernement les a rendus dépendant. Ils touchent tous une allocation, ne travaillent pas et sombrent très vite dans la dépendance. Heureusement, des jeunes ont repris le flambeau.
Forcément, ce roman graphique m’a rappelé fortement les mêmes difficultés rencontrées par les autres peuples autochtones du Canada ou des Etats-Unis et cette coupure entre deux générations. J’ai aussi beaucoup aimé le dessin. Enfin, lorsque j’ai vu la carte et le chemin emprunté par Joe Sacco, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à mon road trip au Canada en 2019 le long de la Baie James à la rencontre du peuple Cri. Une lecture incontournable.
Editions Futuropolis, 2020, 272 pages
L’Arabe du Futur – Tome 5 – Riad Sattouf
♥♥♥
Cinquième et avant-dernier tomes des aventures de jeunesse de Riad, celui-ci se passe essentiellement à Rennes pendant ses années collèges. Son père s’est enfui avec Syrie avec son plus jeune frère, leur mère est complètement détruite et comme ils ne sont pas divorcés, le gouvernement français ne considère pas qu’il y a eu enlèvement. Entre médiums, appels désespérés, elle tente d’élever ses deux autres fils, dont le cadet qui vient d’entrer au collège. Quant à Riad, il vit les années collège comme certains d’entre nous se les rappelleront : la puberté, les premiers flirts, les amours secrets, etc. Il y a les élèves populaires et puis il y a Riad. Mais si tout n’est pas toujours rose pour le jeune homme, il y découvre là-bas son talent pour le dessin et tombe amoureux pour la première fois.
C’est drôle, touchant – même si j’avoue avoir toujours du mal avec la « caricature » du père – peut-être que l’auteur ne caricature pas son père, mais pour moi, cet homme qui a séduit sa mère et était un brillant étudiant, s’est transformé en l’image d’un père immigré qui s’exprime dans un français bien diminué et tient un discours religieux. Je sais que de nombreux enfants à cette époque furent kidnappés par leurs pères, j’ai juste un peu de mal avec l’image du père que Riad admirait enfant et qui devient ici sujet à moqueries. Bref, je passe – ce tome décrit parfaitement l’adolescence. Le prochain sera le dernier, hélas !
Editions Allary, 2020,176 pages
8 commentaires
Payer la terre était vraiment un incontournable pour ton blog!!!
J’attends actuellement le tome 5 de l’arabe du futur, très demandé en bibli.
Et j découvre le premier!!!
Tu vois, on est toujours partant pour la BD!
Super ! Oui, Payer la terre – j’ignore pourquoi je ne l’ai pas lu avant ?? Sinon, j’ai attendu sans doute deux mois pour avoir le tome 5 – il faut être patient ! et j’ai eu de la chance, car ma petite bibliothèque de quartier a refermé ses portes (mais les médiathèques restent ouvertes) et je l’ai retiré juste avant 🙂
Je te rassure je n’ai pas encore lu le Joe Sacco. 😉 Il a l’air vraiment excellent! Ton billet me rappelle que je n’ai pas encore lu le dernier tome de L’Arabe du futur, je vais le réserver de ce pas à ma biblio!
Il est excellent, et très complet et touchant car criant de vérité. Pour L’Arabe du futur, malgré mon bémol très personnel, ce tome sur le collège est très bien raconté ! et il est touchant avec l’enlèvement du petit frère.
Je veux m’offrir « Payer la terre »!
Le 5e de Riad Sattouf m’attend, mais je le laisse encore patienter (même si ma curiosité est énorme!)
ah super ! Chanceuse, il est très beau même si le sujet est difficile et il fait un lien parfait avec le documentaire dont j’ai parlé sur IG
pour Riad, je comprends, après il n’y en aura plus qu’un !
C’est en effet, un lien parfait avec le doc et les autres lectures, tout se relie 🙂
oui ! 🙂
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