Dans ma poursuite de la découverture des classiques français, j’ai lu le premier volet des Rougon-Macquart. J’ignorais presque du cycle des Rougon. J’ai vaguement souvenir d’avoir lu Germinal au collège, mais je crois que le ou la professeur(e) (aucun souvenir) n’avait jamais expliqué qu’il faisait partie d’une série …
Je lis à présent la quatrième de couverture et je souris car j’aurais sans doute du la lire avant de me lancer.Car oui, nous sommes en présence d’une famille maudite, d’hommes et de femmes corrompus, avides, menteurs, manipulateurs, radins, envieux… Les adjectifs me manquent pour décrire cette famille pourrie jusqu’à l’os…
Et je trouve l’extrait de la lettre de Flaubert particulièrement juste : « Je viens de finir votre atroce et beau livre! ». Car oui, le style est impeccable – Zola est un grand très écrivain, avec cette traversée historique de la France du 19ème Siècle où l’écrivain règle ses comptes avec la bourgeoisie, la noblesse et le clergé, sans oublier la classe ouvrière. Tout le monde y a droit ! Ne connaissant absolument pas l’histoire des Rougon-Macquart, je l’ai découverte au fil de l’eau et quelle horreur !
Dois-je en parler ? On y suit Adélaïde Fouque, orpheline et probablement épileptique, l’héritière d’une propriété autrefois notable, elle épouse en 1790 un simple paysan, Marius Rougon, sans le sou, à la surprise de tous. De cette union, naît un fils, Pierre. Marius meurt l’année suivante. La jeune femme prend alors, à la surprise générale, un amant Eustache Macquart, braconnier ivrogne, voleur, toujours sur la route. Ils ont deux enfants illégitimes, un fils Antoine (né en 1794) et une fille Ursule (née en 1796). Le couple vit dans l’illégitimité, à l’opprobre de tous jusqu’à la mort brutale de Macquart. Adélaïde sombre alors dans la dépression. Les enfants grandissent « comme ces pruniers qui poussent le long des routes » .Pierre, seul enfant légitime, décide de renier ses origines et réussit à s’accaparer la propriété, en faisant signer sa mère, devenue folle. Celle-ci s’installe dans une petite demeure. A son retour de l’armée, Antoine, le demi-frère, découvre que son demi-frère l’a spolié de son héritage. Il lui déclare la guerre..
Les Rougon, Pierre et son épouse Félicie, une femme vaniteuse, ont trois fils et deux filles. Tous deux rêvent d’appartenir à la bourgeoisie locale de Plassans. Les affaires de ce commerçant marchent souvent mal et pendant des années, les Rougon envient leurs voisins notables. Tous deux fomentent alors une stratégie pour se faire accepter par la haute société locale … A la même époque, l’Empire connaît une crise, et les Républicains décident de prendre les armes. A eux se joignent deux jeunes amoureux, Silvère, le neveu de Rougon et de Macquart et Miette, une gamine de 13 ans dont le père a été envoyé au bagne. Tous deux partent rejoindre les insurgés qui font route vers la petite ville de Plassans…
Ce sont des morts s’ennuyant dans la vie.
Que dire ? Zola excelle en portraitiste, quand il décrit physiquement et moralement une personne, elle est souvent fourbe ou stupide. Quel talent ! Ses piques sont d’une acuité et font mouche à chaque fois. Il joue avec les mots avec une grande ingéniosité. On découvre ainsi toute la société de Plassans, et toute la famille des Rougon-Macquart et la haine qui grandit entre les deux demi-frères. Zola dresse un portrait peu flatteur de la société française dans cette saga, les hommes courent toujours après quelque chose, que ce soit l’argent ou la reconnaissance et sont prêts à tout. Les femmes sont viles et vénales (Félicie) ou folles ou méprises pour de pauvres petites choses .. L’époque ne leur est pas favorable. Il ne fait aucun cadeau, ainsi en décrivant les deux amoureux, il déclare « les jeunes gens, (..) avaient vécu un de ces naïves idylles qui naissent au milieu de la classe ouvrière, parmi ces déshérités, ces simples d’esprit, chez lesquels on retrouve encore parfois les amours primitives des anciens contes grecs.«
Si j’ai aimé ma lecture, tout en étant effrayée par les vices des personnages, c’est grâce au talent de conteur de Zola et au fait qu’il se passe toujours quelque chose. Ici pas de pause contemplative, la révolte se fait partout. Je rejoins ici un des commentaires (Notes) qui résume parfaitement ce roman : « C’est sur le meurtre et le sang que se fondent, à Plassans, la fortune des Rougon, et à Paris, celle de l’Empire ».
La première fois, il fut stupéfait du degré d’imbécilité auquel un homme bien portant peut descendre.
Mes seuls bémols, mais c’est l’époque qui veut ça – le style parfois trop flamboyant et Zola qui se laisse emporter, par exemple pour décrire la vague humaine qui déferle dans les campagnes (les insurgés), le récit fait trois ou quatre pages. Zola aime jouer avec les mots et là il se fait manifestement plaisir mais c’est bien trop long à mon goût. Et enfin, la bluette amoureuse de Miette et Sylvère (petit rappel Miette a 13 ans), qui me paraît aujourd’hui bien trop clichée et pas vraiment nécessaire – sans doute les seuls personnages « gentils » du roman, il en fallait, je le sais.
Mais c’est si bien écrit .. Bref, j’ai hâte de lire le prochain, que l’on nomme souvent comme l’un des meilleurs de la série, La Curée.
♥♥♥♥
Editions Folio Classique, 2020, 480 pages
15 commentaires
Haaaaaa ! Quand j’étais dans la vingtaine (il y a longtemps) j’ai lu la série des Rougon M, 20 tomes, et pas trop dans l’ordre. Certains sont meilleurs, mais ça vaut le coup d’avoir le tableau complet.
Je voulais relire aussi, mais le style de zola, ça m’a moins plu. On change.
Je ne vais sans doute pas lire les 20 car je sais que certains sont moins bons, on verra, pour l’instant je découvre ! le style est celui de l’époque, il aime les grandes phrases, c’est pour cela que je préfère les auteurs de la fin du siècle mais sinon j’adore sa manière de dresser les portraits de la société de l’époque !
J’ai lu toute la série il y a bien une trentaine d’années, peut-être plus, et dans l’ordre du premier au dernier. J’avais eu des favoris évidemment. Certains m’avaient un peu ennuyée, mais dans l’ensemble ça reste une expérience mémorable et fort intéressante.
Et moi, aucun prof de français ne m’en a parlé et puis ensuite je suis partie à l’étranger… Je trouve ça super de les avoir tous lus, on verra si j’y arrive ! celui-ci était-il un des favoris ?
Ah, je ne l’ai pas lu, celui-là, mais il a tout pour me plaire (« beau et atroce », j’adore !). J’ai lu quelques Rougon-Macquart adolescente, mais il m’en manque plein ! De temps en temps, je m’aventure dans un de ses volumes (de manière complètement anarchique, sans tenir compte de l’ordre chronologique), toujours avec un immense plaisir. Je retiens notamment la lecture de La terre il y a 2 ou 3 ans, en LC avec Patrice : un grand moment de rire avec des scènes d’anthologie parmi lesquelles une avec un âne ivre, même si là aussi, c’est assez atroce (les personnages sont odieux !).
Oui, l’adjectif que je cherchais (lire en anglais me joue des tours) : odieux ! Oui, ils le sont – je ne m’y attendais pas, ils étaient à vomir parfois ! L’épouse de Rougon en particulier. J’aime bien ton idée d’aller piocher et je note que tu as aimé La Terre (j’ignorais même qu’un roman de Zola portait ce titre..)
Oui, il est à la fois magnifique mais atroce et puis ce génie de portraitiste ! Je me suis bien amusée en lisant l’auteur lorsqu’il décrit un nouveau personnage, c’est haut et fort en couleur, et souvent il est détestable d’emblée 🙂
Je me suis promis de lire ou relire les Rougon-Maquart dans l’ordre mais pour l’instant c’est encore un voeu pieux. Qu’est-ce que j’aime cet écrivain !
Oui, je n’avais lu que Germinal au collège et donc je n’avais plus souvenir de son style, et pourtant il écrit magnifiquement ! Je le fais car nous sommes beaucoup à le lire (grâce au challenge de deux BT) et surtout parce que je me suis enfin décidée à lire tous les classiques jamais lu au collège (les profs nous faisaient lire Cavanna à la place…)
De cette série, je n’ai lu que deux titres (L’assommoir et Au bonheur des dames) qui m’ont fait forte impression. J’aimerais beaucoup prendre le temps de relire Zola un jour avec un autre des romans de cette fameuse série.
Mon frère a l’Assomoir, contraint et forcé ! Je ne l’ai pas lu mais je me souviens de ma mère bataillant pour lui faire lire, mais bon il avait 15 ans et préférait jouer au basket. J’ai acheté au Bonheur des Dames car j’en ai toujours entendu du bien, mais il est très loin dans la liste ! Pour ce challenge, on a deux mois pour lire livre, donc il faut compter presque 3 ans mais j’aime bien car ça laisse du temps, et on peut sauter un livre (certains sont apparemment presque mauvais). Mais le prochain, La Curée, remporte un fort succès !
J’avais adoré « Au bonheur des dames » que j’avais dû lire pour l’école ! et aussi « Nana ». Mais je ne me vois pas relire tout ça aujourd’hui, par manque de temps surtout: ma PAL déborde de littérature contemporaine 😉
oui j’ai un peu le même souci que toi concernant la PAL mais j’ai décidé de découvrir les classiques français car je suis complètement nulle et bon je me dis que c’est dommage.. merci pour le Bonheur des Dames et Nana, j’en entends tout le temps du bien donc c’est positif ! hâte de te voir participer au challenge #maiennouvelles 😉
Je viens de terminer la lecture commune (j’avais peur de ne pas être à temps !) et j’entame un second ce soir. Entretemps, j’ai évidemment agrandi ma PAL avec d’autres recueils mais j’ai également envie de reprendre ma lecture de Joyce Carol Oates, justement parce qu’elle écrit beaucoup de nouvelles, mais le prochain sur ma liste chronologique est un roman. Celui juste après, ce sont des nouvelles mais il faudra voir si le facteur me le livre à temps (on est dans de la seconde main, là).
Ah, Zola. C’est contagieux, ton affaire!
Je me faisais la réflexion, après notre dernier échange, que j’allais lire tout Zola (dans l’ordre), soit tout Balzac. Pas les deux. Le programme est déjà assez ambitieux! C’est que la vie s’en vient courte!
Mon choix est fait! Tu devines pour lequel je penche?!
Oh ! quel acte de folie ma chère !! Zola, tu penches pour Zola et tu as raison, car ses portraits vont te faire rire aux éclats 😉
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