Troisième volet des Rougon-Macquart ! Je n’en reviens pas, je les dévore les uns après les autres. Et celui-ci pourtant, croyez-moi, il est difficile à avaler, car nous voici plongé dans les Halles de Paris.
Le lien avec Plassans, c’est Lisa, la fille ainée des Macquart qui a épousé Quenu, un charcutier. Ils ont hérité du charcutier Gradelle, et Lisa aime vendre la viande, la charcuterie que son mari et son commis taillade et prépare nuit et jour. La charcuterie marche bien, et Lisa aime sa vie. Elle est respectée et admirée. Mais un jour débarque Florent. Ce dernier s’est évadé du bagne de Cayenne. Il a été condamné par erreur lors du coup d’Etat de 1851. Il vient trouver de l’aide auprès de son demi-frère, Quenu. Ce dernier le croyait mort. Quenu a été sauvé et élevé par son ainé et il ne peut lui refuser son aide.
Lisa décide de mentir et d’annoncer qu’il s’agit en fait de son propre cousin, venu de Province. Elle réussit même à lui dénicher un travail d’inspecteur dans les Halles de Paris. Que dire ? Que Zola a pris son pied à nous faire visiter chaque pavillon du plus grand marché existant, tout juste sorti de terres. Les Halles Baltard, sont aériennes et souterraines – elles y cachent la mise à mort des animaux. Les pavillons sont répartis : celui des poissons de mer, des poissons d’eau douce, des fruits et légumes, des viandes, du gibier.. Et Zola de s’amuser à lister de manière exhaustive toutes les viandes, poissons ou gibiers disponibles ! Et lorsqu’on rentre dedans, on en sort marqués. J’avoue, j’ai accéléré ma lecture du pavillon de fromages … Zola vous offre l’odeur, la puanteur.
Et il voyait surtout, à ses pieds, le pavillon aux volailles dégager, par la tourelle de son ventilateur, un air chaud, une puanteur qui coulait comme une suie d’usine. (..) C’était les Halles crevant dans leur ceinture de fonte trop étroite, et chauffant du trop-plein leur indigestion du soir le sommeil de la ville gorgée.
Et puis le gras – à l’époque, les gens gras étaient de bons vivants, il étaient gras – signe de bonne santé et donc de bon travailleur. La maigreur faisait peur et Florent est affreusement maigre. On aime les femmes avec des formes généreuses, il admire le double menton de l’une des vendeuses .. C’est un autre monde ! Et puis, on est comme prisonnier de ce lieu tentaculaire. Tout le monde se connaît, se juge – il y a encore un mégère à qui rien n’échappe et qui aime à répandre les plus folles rumeurs. On se juge, on se compare. La belle de Normandie et Lisa par exemple … Et puis, les orphelins grandissent comme des herbes folles dans ces halles .. et que dire des souterraines ?
Il était devenu sec, l’estomac rétréci, la peau collée aux os. Et il retrouvait Paris, gras, superbe, débordant de nourriture, au fond des ténèbres
Zola fait le lien avec la Curée, lorsque Lisa dit qu’elle a un cousin, qu’elle ne voit plus car leurs familles sont brouillées. Il a pris le nom de Saccard pour faire oublier certaines choses…Elle sait qu’il est devenu riche mais trouve cela malsain. Florent ne s’y retrouve pas. Il réfute tout cet argent qui colle à flot, l’ancien Paris détruit et la pauvreté qui perdure. Contrairement à son frère « se ballonnant, heureux, luisant au soleil, trouvant que tout allait pour le mieux, que jamais les gens de bonnes moeurs paisibles n’avaient engraissé si bellement ». Florent croise alors la route d’un homme qui le met au contact d’un groupe qui se réunit plusieurs soirs par semaine pour crier leur colère et pire…
Je n’en dis pas plus. J’avoue que cette lecture m’a coupé la faim à plusieurs reprises ! Comme indiqué dans le commentaire en fin du livre, Zola invente des habitants car pour lui, le personnage principal c’est Paris. Et les habitants ne sont que le reflet de cette ville en perpétuelle révolution.
Je pars donc acheter de ce pas La conquête de Plassans, le quatrième volume des Rougon-Macquart.
♥♥♥(♥)
Editions Livre de Poche, 1997, 502 pages
16 commentaires
Bravo, tu es bien partie pour les 20 volumes! Zola et ses descriptions;.. mais ça mérite d’être lu.
oui et j’y prends toujours du plaisir ! dorénavant, je peux dire que je préfère largement Zola à Flaubert 😉
Quelle bonne idée, que de (re)lire Zola. J’ai pris un plaisir immense à découvrir « La terre », il y a deux ans, je crois. J’ai lu celui-ci juste après avoir accouché de ma première fille, ma mère me l’avait apporté à la maternité.. peut-être dans l’intention de me faire retrouver la ligne !!!
Excellent ! Oui, j’en avais marre de ne pas avoir lu de classiques français, et je réalise que Zola est fascinant – il me fait voyager dans le temps 🙂
Tu n’as pas perdu de temps! Malgré ton rhume, tu demeure une lectrice redoutable!
Sacré Zola! Je vais finir pas m’y mettre, moi aussi!
Ça me désole, ton abandon de Madame Bovary…
désolée .. mais là, bref que dire ? que je m’ennuyais autant qu’Emma s’ennuie .. j’ai pensé à toi et au grand bien que tu m’en avais dit ..Décidément, Gustave et moi ça ne passe pas !
pour Zola, quel plaisir de replonger à chaque roman dans son monde car chez lui il s’en passe des choses !
J’ai adoré Zola lorsque j’avais 18 ans… je crois que je les ai presque tous lus… en revanche, je ne suis pas sûre que je les apprécierais si je les lisais aujourd’hui… Je pouvais dire à un moment que je préférais Zola à Flaubert mais c’était avant THE rencontre avec un professeur en faculté de lettres à Toulouse qui m’a fait adorer Emma Bovary ! Mais aimerais-je relire Flaubert aujourd’hui ? Je ne sais pas. J’ai essayé de relire Balzac et j’ai échoué… alors, depuis je me garde bien de toucher à un classique de cette envergure !
bonne question ! moi je découvre et j’abandonne Flaubert, pas du tout ma tasse de thé ! Une grosse déception. Du coup, je m’éclate nettement plus aux côtés de Zola … comme quoi ! Il me reste encore Stendhal, mon unique tentative au lycée fut un échec cuisant …
Mais oui, parfois ça fait peur de relire des livres lus il y a fort longtemps … pour ma part, je n’ai pas grand souvenir de Germinal du coup j’apprécie vraiment Zola aujourd’hui !
On ne t’arrête plus!
Je garde un mauvais souvenir de certains classiques lus entre 15 et 18 ans, notamment « Madame Bovary » et « La peau de chagrin » et n’en ai plus jamais relu depuis. Mais j’ai bien envie de tenter Zola… Un jour.
Ah comme toi ! Stendhal pour moi et Bovary j’en parle bientôt mais Zola non ! Un vrai plaisir promis 😊
Tu avances bien! J’ai adoré toutes mes lectures de Zola, je lis avec passion tous tes retours sur les Rougon-Macquart! C’est vraiment un super challenge.
Celui-ci me fait moins envie, mais les descriptions doivent être assez folles.
Oui les descriptions sont renversantes ! Merci. Un challenge que je ne croyais pas aimé autant ! Je suis en pleine lecture du suivant 😉
C’est celui qui me tente le plus.je ne les lis pas dans l’ordre mais l’idée commence à germer !
Ah ! Zola avait proposé un ordre différent de lecture si tu es curieuse 😊
Lire ou relire Zola… Je me souviens particulièrement d’ « Une page d’amour » émouvante et superbe évocation d’un amour contrarié. L’adaptation tv avec Anouk Aimée et Bruno Cremer demeure un must pour moi !
Ah du coup je note ! Pour moi, c’est plutôt Lire Zola et pour le moment ça marche bien !
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