J’ai découvert la romancière américaine à travers son dernier roman, The Goldfinch (Le chardonneret) – j’avais appris à cette époque qu’elle écrivait peu, mais que Le Maître des Illusions (The secret history) l’avait révélé au grand public. Je l’avais par hasard car il était sorti en poche chez Pocket. J’ai donc entamé la lecture (près de 700 pages) en espérant retrouver le style si personnel de Donna Tartt.
Malheureusement pour lui, j’ai commencé à le lire lors de mon retour au travail après mon escapade américaine, il y a presque un mois et demi et très vite j’ai peiné à suivre les aventures du héros. J’avoue qu’en lisant la quatrième de couverture, j’ai eu un mauvais pressentiment. J’ai finalement réussi à le finir, en l’espace d’un week-end et en écrivant ces mots, je ne peux faire que le même constat que pour The Goldfinch : si Donna Tartt possède un style décidément unique, une culture gigantesque, n’en reste pas moins, que je trouve à ce roman les mêmes défauts que j’ai trouvé au dernier
EDIT : en 2022, je me relis et je me demande de quoi je parle …
Richard, jeune étudiant californien décroche une bourse pour une université huppée du Vermont, la très secrète Hampden. Richard intègre ce lieu très privilégié, fréquenté par la bourgeoisie grâce à ses connaissances en grec ancien. Il est alors introduit dans l’étrange classe de Monsieur Julian – professeur dévoué à l’étude des Anciens (grecs et romains), il n’enseigne qu’à une bouchée d’étudiants, Henry, son condisciple, Francis, les jumeaux Charles et Camilla et enfin Bunny, un irlandais de Boston assez dissipé. Avec le temps, Richard intègre ce cercle secret et va plonger avec eux dans l’indicible horreur.
Contrairement au Chardonneret, où j’avais trouvé passionnant l’enfance du héros pour ensuite trouver celui-ci passablement ennuyeux voir énervant, ici je n’ai pas trouvé le début de l’histoire intéressante. Pourtant, l’histoire me parle, ayant eu aussi l’opportunité d’intégrer une minuscule université, nichée dans les Appalaches, fréquentée essentiellement par la haute bourgeoisie du Sud, j’ai comme, le jeune Richard, plongé dans cet antre de culture, pour très vite, en découvrir l’autre facette. Celle des soirées de beuverie, où ces jeunes, voués à de grandes carrières mais déjà choisies par leurs parents, viennent noyer leur ennui et leur déprime.
Je ne m’attendais pas à cela, mais pour moi ce roman souffre de certains défauts qui ont contribué à ce que je repose ce livre, presque décidée à ne jamais reprendre la lecture. Fort heureusement, je ne me suis pas écoutée.
– si on aime le côté foisonnant du roman, l’attention portée à chaque détail, on finit aussi par parfois étouffer dans tant de descriptions, des pages entières, des références aux Anciens, du détail apportée à chaque geste, mot de chaque personnage – qui au final, m’ont poussé à lire à la va vite certains paragraphes (très peu cependant).
– le personnage principal, Richard, narrateur de l’histoire, est ennuyeux – comme le héros du Chardonneret à l’âge adulte, il est terriblement passif – témoin d’une histoire, la sienne, qui lui échappe, il ne cesse de se plaindre ou noyer ses émois dans l’alcool. Je ne me suis pas du tout attachée à lui, j’étais plus attendrie par le personnage de Camilla (mais ça n’a pas duré). La romancière semble toujours plus attachée à rendre les autres personnages beaucoup plus passionnant que ses héros. Quel dommage. Ce choix créé toujours une distance entre la lectrice que je suis et le personnage principal, résultat : je m’ennuie.
– l’alcool et les drogues sont si prégnantes dans ce roman qu’elles finissent par lasser, Charles, Francis, Henry, tous boivent plus que de raison, tout en avalant quantité de médicaments, volés ci et là. Si on peut comprendre leur désir de fuir la réalité, l’obsession de la romancière pour décrire ces phases de beuverie ont fini par m’ennuyer au plus haut point, plus de trois cent pages ne servent qu’à décrire ces réveils difficiles, ces gueules de bois, ces overdoses … Les personnages tombent les uns après les autres, et finalement, moi, en tant que lectrice, je me sens totalement abandonnée par la romancière.
Après avoir réussi à lire environ 250 pages, j’ai fait une pause de près de trois semaines, j’ai repris ma lecture et finalement, le livre II aura relancé ma curiosité (le roman est composé de deux parties), parce que l’irréparable a été commis et que j’avais envie de connaître la fin, mais j’avoue que j’ai fini ma lecture avec la télévision en fond sonore, car suivre la lente désintégration des personnages n’a rien de très joyeux, de plus, si l’auteur tente de relancer un certain suspense – on est très loin du thriller. J’ai eu l’impression qu’elle-même ignorait quelle fin elle réservait à chaque personnage.
J’ai lu les dernières soixante pages ce matin – et la fin m’a libérée d’un poids : j’ai enfin fini ce livre !
Dyonisos (est) le Maître des Illusions, capable de faire pousser une vigne sur la planche d’un navire, et en général de faire voir à ses fidèles le monde tel qu’il n’est pas. – E.R Dodds – The Greeks and the Irrrational
Donna Tartt est vraiment à part, si j’aime beaucoup son style narratif, et si on peut être épatée par autant de culture, on finit aussi, comme lecteur, par se sentir peu à peu exclu – si je l’ai trouvée beaucoup plus pédagogue dans son dernier roman, ici on comprend très vite que les allégories ou allusions aux philosophes grecs ou empereurs romains nous échappent car nous n’appartiendrons jamais à ce cercle.
Nous sommes, comme le personnage de Richard, d’une famille très simple de Californie aspirant à intégrer cette élite, et souffrant des remarques acerbes de ses camarades sur sa classe sociale.
La romancière intellectualise trop ces personnages créant ici une distanciation entre le lecteur et les héros. En est-elle consciente ? Ou est-ce ma simple imagination ?
Et si j’avais aimé les premières années du jeune Théo, ici aucun personnage n’aura provoqué chez moi d’émotions, de plus, je suis déçue du traitement apporté à la fin du roman – et l’absence totale de remords des personnages. Leur seule inquiétude étant leur propre sécurité.
Je n’y ai pas trouvé de perversité comme le dit Françoise Giroud, mais plus une jeunesse dorée, totalement désenchantée et terriblement déprimée, qui, sous couvert, de sa supposée supériorité de classe, s’ennuie désespérément, se noie dans l’alcool et recherche des sensations fortes, et finit par commettre l’irréparable.
J’ignore si la romancière souhaite, à travers ce roman, critiquer l’éducation de cette jeunesse bourgeoise américaine, elle l’évoque légèrement dans le cas de la famille excentrique du personnage de Bunny, mais pour moi, on en reste loin.
Vous l’aurez compris, je n’ai pas accroché à ce roman, je lui ai largement préféré le Chardonneret.
Mais sachez que je lirai sûrement son prochain roman, car si mon billet est assez négatif, il en ressort néanmoins que j’aime beaucoup Donna Tartt, son style et qu’elle exerce sur moi une sorte d’attirance que je ne peux expliquer ! Aussi, je ne peux que vous encourager à découvrir cette grande romancière.
EDIT : j’ai depuis regardé toutes ses trop rares interview et elle me fascine toujours autant ! Du coup, qu’importe si je n’ai pas accroché, mais je pense le relire en anglais comme The Goldfinch. Et j’ai même vu l’université qu’elle a fréquentée (trop moderne, la mienne correspondait en tout point celle qu’on imagine dans le livre).
9 commentaires
Je l'ai lu il y a plusieurs années (10 je crois bien !) et j'avais vraiment aimé ce roman ci. Après, j'ai lu "Le Petit copain" et celui ci est vraiment terrible (si tu ne l'as pas lu, je te le conseille vivement !)
Ah j'hésitais mais cet auteur le laisse tout sauf indifférente donc pourquoi pas ? Mais j'ai besoin de faire une pause entre deux romans de Tartt !
Pour moi "Le Petit copain" est nettement au dessus de celui ci. Mais c'est peut être aussi parce que c'est le genre d'histoire qui me touche plus…
Tu me diras ce que tu en penses si un jour tu le lis 🙂
Ah je ne l'ai pas lu mais j'ai envie de le lire pour être détrompée !
Je le note dans ma PàL
Il doit être disponible en poche aussi. Merci !
C'est mon préféré pourtant 🙂 il possède ce truc, cette perversité en effet, qui m'avait fait l'effet d’une gifle à l'époque.
Comme quoi, un même livre peut offrir plusieurs reflets 🙂
Oui, j'ai été déçue car j'avais adoré le Chardonneret maintenant il faut que je me procure son premier roman. Tu l'as lu ?
Le problème de ce livre, c'est que l'auteur joue à Bret Easton Ellis sans comprendre comment créer le côté sulfureux qu'elle cherche à atteindre (on le ressent fort lorsqu'elle se met à faire révélations sur révélations sur la vie sexuelle du groupe, comme si elle n'arrivait plus à trouver d'autres moyens de surprendre et choquer, mais ça ne marche plus, ça fait trop soap pour convaincre). On dirait qu'elle crée un groupe de "cool kids" auquel elle aurait aimé appartenir/a appartenu (?) en utilisant les caricatures à la mode dans les années 90, drogues, médicaments et sexe (je me souviens d'épisodes de Beverly Hills où l'on tentait de montrer les "méchants ados" ainsi). Ca rappelle la vision de son mentor, Ellis donc. Bizarrement, on pourrait s'attendre de gens soi-disant si raffinés qu'ils abordent la vie différemment, ça me fatigue un peu le coup des riches désabusés qui veulent aller toujours plus loin dans les expériences extrêmes…
Tu te lâches, oui tu as raison ! J'ai été dans une de ces facs, mais ce n'était pas aussi trash que ce qu'il montre à la télé. Je n'avais pas pensé à ce que tu dis, mais oui, je pense qu'elle souhaitait un groupe de cool kids mais elle n'y arrive pas. Ils sont quand même super ennuyeux !
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