Le titre original du roman de PYUN Hye-young en coréen est Le trou. Ce qui est vraiment parlant, le choix de l’éditeur français d’opter pour Le Jardin reste néanmoins compréhensible et laisse un peu plus de mystère. J’ai croisé ce livre par hasard en librairie de livres d’occasion et étant très férue de romans sud-coréens, je n’ai pas pu résister. Encore moins lorsqu’il est fait allusion au célèbre roman Misery de Stephen King.
Ogui est devenu paralysé et défiguré après un accident de voiture dans lequel sa femme est décédée. L’homme de 46 ans ne peut plus parler, ni bouger, mais entend et voit le personnel médical s’affairer autour de lui. Puis c’est sa belle-mère qui devient sa tutrice légale. Après des mois de rééducation, et un bras gauche qui bouge un peu, Ogui est de retour chez lui. Sa belle-mère a tout organisé : l’ancien lit a été remplacé par un lit médical, une garde-malade est engagée et un kiné vient à la maison. Professeur à l’université, Ogui, est donc enfermé dans ce corps qui ne répond plus et ne peut dire oui ou non qu’en cliquant des yeux. Son isolement le pousse à revoir sa vie, et en particulier son mariage. Il revient sur leurs premières années, heureuses, puis leur impossibilité à concevoir un enfant, et la dépression qui finit par isoler son épouse. Cette dernière s’acharne à transformer leur jardin en un lieu vivant, mais rien ne pousse…
Ogui comprend rapidement que sa belle-mère n’agit plus normalement, la vieille femme , inconsolable, commence ainsi à creuser un trou immense dans le jardin entretenu autrefois par sa fille. Les rares visiteurs croient qu’elle veut y installer un étang. Elle néglige de plus en plus Ogui, le nourrissant une fois par jour, virant la garde-malade et le kiné….
C’est en attendant près de 3 heures (un record) chez mon médecin que j’ai pratiquement lu en entier ce court roman. L’enfermement d’Ogui, son isolement, sa peur deviennent peu à peu les nôtres. A la merci de cette femme, Ogui tente d’alerter les rares visiteurs, mais l’homme a peu d’amis. En se remémorant son mariage, sa vie – il comprend peu à peu où tout cela l’a mené. La tension monte avec ce trou qui ne cesse de grandir.
J’ai apprécié cette lecture qui permet au lecteur de comprendre mieux la personnalité de cet homme qui se présente comme une victime mais qui au fil du récit de sa vie offre une toute nouvelle perspective au lecteur. Une lectrice sur Goodreads a dit qu’il y avait ainsi une deuxième histoire dans l’histoire, et elle n’a pas tout à fait tort. Le livre reflète également la mentalité coréenne, différente de la nôtre, même si les histoires d’abus sont universelles. Si un de vos proches est alité et soigné par des tiers, cette lecture peut s’avérer éprouvante. Mais contrairement à Misery, le roman est nettement plus introspectif et revient en particulier sur la personnalité du narrateur et sur son passé. Un roman court mais inquiétant à souhait.
Je possède un autre roman de PYUN Hye-young (편혜영), La loi des lignes, dans ma bibliothèques. Etrangement, je n’avais pas fait le lien entre ces deux livres.
♥♥♥
Editions Rivages Noir, 2019,구멍 , trad.LIM Yeong-hee, Lucie Modde, 160 pages
Photo de Jonathan Kemper sur Unsplash
12 commentaires
J’ai quelques fois tourné autour de ce livre et puis j’ai décidé de ne pas le lire, à cause du sujet. Comme tu n’as pas mis 4 ou 5 étoiles, je vais en rester là et lire plutôt d’autres livres sur mon énorme PAL.
oh une énorme PAL ? Du coup tu est toute excusée, j’ai bien aimé ma lecture et je pense qu’il pourrait te plaire mais tu as de quoi faire donc fonce !
Même mon médecin (et pourtant elle est bavarde) n’est jamais aussi en retard ! Mais je suppose que tu lui as pardonné grâce à cette lecture.
c’était aussi une première pour lui, mais du coup j’ai lu ce roman, toujours emporter un livre chez son médecin 😉
Ah, je l’ai lu celui-là ! J’avais bien aimé, mais je l’avais trouvé un peu court, aux dépens d’une certaine densité. Mais il est efficace et prenant.
Oui, il n’est pas long mais je te rejoins efficace et prenant !
Qu’est-ce que je m’en suis voulu chez le médecin une fois quand j’ai réalisé que j’avais oublié d’amener ma liseuse ! 30 mn de lecture perdues ! J’avais bien repéré ce livre mais l’idée d’une lecture autour d’un homme paralysé m’avait franchement refroidie. Ton billet ouvre d’autres perspectives et le rend très intrigant !
oui ! du coup je l’emporte toujours avec moi (ou ma liseuse) j’ai pu ainsi lire vite un autre roman lundi matin (vis ma vie d’allerique). Oh oui, ce roman ne tourne pas autour de sa maladie mais de sa vie avant et à présent avec cette belle-mère …
Alors, dis-moi: il meurt, à la fin?
Non, je ne vais rien divulgâcher ma chère !
Je réussirai bien par le savoir!
oui, si tu le lis ! la coquine
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