C’est toute une histoire que ce roman. Parce que je crois me rappeler que mon premier commentaire sur le blog de Quai des Proses concernait ce livre – qu’elle affiche depuis comme son livre coup de ♥.
Forcément, le thème m’avait plu à l’époque puis forcément d’autres livres ont croisé mon chemin. Mais à chaque visite sur son site, sa couverture me faisait signe. C’est quand j’ai lu et commenté Sacré Bleu de Christopher Moore qu’elle m’a dit qu’il lui faisait beaucoup pensé aux Singuliers d’Anne Percin. Je l’ai réservé à la bibli, surprise par sa taille, j’ai un peu repoussé la lecture. Puis sachant que quelques jours de vacances m’attendaient (les 12 et 13 novembre), je l’ai emporté.
Hugo Bosch est un jeune homme belge, héritier d’une grande famille industrielle, qui se destine à une carrière de peintre. Nous sommes à la fin du 19ème Siècle. et il part naturellement étudier la peinture à Paris – le lieu où il faut être. Montmartre regorge d’artistes : Pissaro, Renoir, Manet, Monet, Toulouse-Lautrec. Hugo se cherche et apprend que le nouvel endroit à la mode est un petit village finistérien : Pont-Aven. Tous les grands peintres sont partis s’y installer. Un choc pour certains qui considèrent que la peinture est un art noble qui doit se faire dans un atelier, et non dans la nature à peindre les éléments (la mer, en l’occurrence et les Bretonnes aux coiffes extravagantes). D’ailleurs, on juge mal le peintre hollandais Vincent Van Gogh qui a quitté la capitale pour le Sud de la France. Mais Hugo, qui connaît une forme de crise existentielle décide de tenter sa chance. A peine arrivé à Pont-Aven, le jeune homme va croiser des artistes qui changeront à jamais sa vision des choses et sa destinée.
Anne Percin a choisi de donner la forme épistolaire à son récit. C’est donc sous forme de lettres et de télégrammes que nous suivons les déambulations de Hugo. Ce dernier entretient une correspondance soutenue avec sa cousine adorée, Hazel (qu’il surnomme Noisette bien entendu) et son meilleur ami Tobias Hendricke. Tous deux sont peintres. Hazel est à Paris, inscrite dans une école privée car les Beaux-Arts ne sont pas encore ouverts aux femmes. Tobias vit à Bruxelles mais une maladie inconnue (à l’époque) le paralyse et l’empêche d’étudier pendant de longues périodes (il souffre de violentes migraines, qui provoquent des symptômes proches de l’épilepsie). Tobias est un peintre torturé, qui exprime ses angoisses et sa souffrance sur la toile. Le voilà inspirée par une affaire qui fait parler tout Paris et toute l’Europe, celle de Jack l’Étrangleur en Angleterre.
Hugo trouve refuge chez une fille-mère qui tient une auberge, en dehors du village. Une femme dont il tombe amoureux. Y vivent deux autres peintres dont le célèbre Paul Gauguin qui fait peur à toute l’élite parisienne ainsi qu’Émile Bernard. L’homme est effectivement impressionnant, bon vivant, il drague tout ce qu’il croise et en oublie son épouse et ces cinq enfants restés au Danemark. Il ne rêve que d’iles tropicales et surtout, il ne vit que pour sa peinture. D’ailleurs, l’homme ne réfléchit pas, il peint. Il ne sait jamais d’avance quels paysages, quelles formes, quelles couleurs vont apparaitre sur la toile. Contrairement à Hugo, qui totalement bloqué, est incapable de peindre, Gauguin vit la peinture. Il la respire. Hugo découvre peu à peu l’art de la photographie, encore très décrié à l’époque.
Hugo sent bientôt que sa passion pour la peinture le quitte, doit-il renoncer à sa carrière ? Les scandales se succèdent les uns aux autres – les peintres sont-ils fous ? Les femmes doivent-elles être autorisées à peindre des nus ? Anne Percin nous livre ici une vision détaillée de cette époque foisonnante ou l’art classique laissait sa place à toute cette nouvelle génération de peintres qui remettaient en cause les principes acquis pendant des siècles. Adieu les commandes d’icônes religieuses ou de portraits de familles bourgeoises, les peintres allaient dans la nature ou fréquenter des lieux de perdition (Le Moulin Rouge de Toulouse-Lautrec). Le Tout-Paris s’excite avec l’exposition universelle et la construction de cet étrange monument, qu’est la Tour Eiffel. On adore ou on déteste. On s’inquiète pour la famille Van Gogh, Vincent est malade – Gauguin qui lui a rendu visite dans le Sud, serait-il responsable de sa mort ? Et Théo qui le suit peu de temps après dans la tombe et Tobias dont les migraines ne cessent de frapper. Et les parents d’Hugo qui le somment de revenir à la raison sous peine de lui couper les vivres. Le lecteur vit et vibre avec eux.
Vous l’aurez compris : je me suis délectée de cette lecture ! J’ai tout aimé et j’ai dévoré le roman.
J’ai forcément pensé avec émotion aux autres personnages de Sacré Bleu et j’étais ravie de pouvoir à nouveau déambuler au milieu de ces êtres vivants, passionnants ! Je remercie vivement Quai des Proses pour m’avoir donné envie de le lire. Ce livre résonnera longtemps en moi, il m’a en effet servi de refuge après les évènements tragiques qui ont secoué Paris. Je l’ai fini le lendemain matin, au chaud dans mon lit. Paris sera toujours Paris !
♥♥♥♥♥
Éditions La Brune au Rouergue, 2014, 392 pages
Photo by Andres Garcia on Unsplash
13 commentaires
Je suis rarement intéressée par les romans qui traitent de peinture, de danse ou de musique. Mais j’avoue que là, je suis intriguée. D’abord parce que les vies de Gauguin et de Van Gogh, ce n’est pas banal, hein!
Si je le trouve en librairie usagée, je saute dessus!
Oui moi je suis accro depuis Sacré Bleu et Toulouse-Lautrec, et là Gauguin ! Dire que cette époque a réellement existé 😉 N’hésite pas en tout cas, il est assez volumineux (son format) mais passionnant !
Ton beau billet, et ses belles illustrations me convainquent totalement de lire ce livre. Il n’est pas encore sorti en poche ?
Je ne sais pas – je l’ai emprunté à la bibli, broché. Je ne crois pas non. Peut-être peux-tu le trouver aussi à la bibli car il te plairait sûrement !
Dire que j’attendais cette chronique avec impatience ne serait même pas juste, tant les mots me paraissent faibles.
Que dire? Me voilà soulagée! Je suis heureuse de savoir que tu as passé un joli moment avec Tobias, Hugo, et Hazel (et les autres). Je suis heureuse de savoir que tu as vécu et vibré avec eux, que ce roman a autant fonctionné sur toi, qu’il te restera en mémoire un moment, puis que je ne t’ai pas fait perdre de temps (enfin Anne Percin, mais moi quand même un peu..) Ce livre est vraiment un petit bijou. J’espère que suite à cette chronique, d’autres que nous l’essaieront.
Dire aussi que je l’ai lu il y a une année maintenant… j’ai presque envie de le rouvrir!
Des bisous.
Oui le temps passe vite ! Un vrai petit bijou tu as raison – quel agréable moment d’être en leur compagnie ! et puis parler de passion, de peinture … un très joli moment et tout ça grâce à toi ! Je suis ravie que nous ayons pu apprécier toutes les deux ces instants en leur compagnie ! Je me suis attachée à eux, et je peux encore les voir se promener dans les rues de Paris, Bruxelles ou Pont-Aven leurs toiles sous le bras ! Merci merci merci !
Je connais Anne Percin en tant qu’auteur jeunesse. Mais sa production adulte a tout pour me plaire si j’en crois ce que tu en dis.
Oui, si tu aimes l’idée de retrouver cette époque assez folle où des centaines d’artistes foulaient les pavés de Paris et révolutionnaient le monde des arts 😉 Et puis les personnages sont fort attachants, et son style très agréable. Si tu peux mettre la main dessus, n’hésite pas !
Pfff, billet très très tentant! J’adore cette époque et bien sûr les peintres cités donc il me sera difficile de résister. Je ne connaissais pas du tout mais c’est noté!
Pareil pour moi, sans Eloa je serais passée à côté !! Vu ce que tu dis, n’hésite pas une seconde !
bien tentée par ton enthousiasme alors que le sujet ne me passionne pas plus que ça, j’adore la peinture mais moins les livres romancés au sujet de la peinture.
A toi de voir, car si tu n’aimes pas les livres romancés – ici c’est plus sur le fait de tout lâcher pour sa passion à une époque où cet art était en pleine transition et les peintres considérés comme des transgressifs. On était encore loin de l’adulation. Si tu le trouves en bibli, lis une ou deux pages (les chapitres sont courts) pour voir si ça te tente ainsi que le style épistolaire.
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