Lagos Lady – Leye Adenle

par Electra
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Quelle surprise que ce premier roman ! Me voilà embarquée, comme le héros de ce roman, Guy Collins, journaliste anglais envoyé à Lagos au Nigeria pour couvrir les élections, dans une aventure rocambolesque.  Guy n’a jamais voyagé et atterrit à Lagos un peu largué. Il décide malgré les avertissements de sortir seul un soir dans un bar. L’ambiance y est survoltée, seul blanc, désinhibé par l’alcool, il s’aventure à l’extérieur pour rejoindre l’attroupement qui s’est créé à l’extérieur et découvre avec effroi, le corps mutilé d’une jeune femme, prostituée, dont on a coupé les seins.

Bienvenue à Lagos, nous dit Leye AdenleGuy est embarqué par la police et se retrouve, sans téléphone, bouclé dans une cellule surpeuplée.  Guy a peur : les flics semblent aussi tordus que les prévenus, l’un d’eux va même tirer sur un des cadavres gisant à l’intérieur de la cellule. C’est Amaka, une splendide Nigériane qui jouer aux anges gardiens. Guy s’est présenté comme journaliste de la BBC et la jeune femme, qui cherche des appuis, décide le sortir de là. Guy la suit et va bientôt découvrir l’autre visage de Lagos : celui des prostituées, souvent immigrées du Togo ou du Ghana, ou venant de la compagne, elles viennent pour trouver du travail comme domestiques chez les riches Nigérians, installés sur l’île de Victoria Island – le paradis des milliardaires mais finissent souvent sur le trottoir. Malheureusement, elles sont les proies idéales pour le juju, la sorcellerie locale. Ainsi, offrir un coeur ou tout autre organe à un dieu permettrait de calmer le diable ou  de réaliser un voeu.

Amaka confie à Guy son combat : protéger ces femmes dont les disparitions inexpliquées ne cessent de se multiplier. Amaka a mis en place tout un système : les femmes lui envoient par SMS l’immatriculation de la voiture, le nom du client si possible et après leur passe, lui disent si l’homme est normal ou à un comportement violent ou dangereux. Ainsi, les femmes peuvent éviter d’embarquer dans la mauvaise voiture. Elle a dans sa ligne de mire deux hommes, imprenables, l’un soupçonné d’avoir « un harem » de prostituées qui sont retenues contre leur volonté et subissent toutes sortes de sévices et un autre, peut-être à l’origine des disparitions inexpliquées. Amaka entraine Guy dans ses recherches en lui promettant le scoop du siècle. Au même moment, l’inspecteur Ibrahim, qui mène l’enquête, se voit taper sur ses doigts par les riches habitants, outrés que le crime ait eu lieu sur leur île. Qu’importe si justice est faite (ils se fichent de la jeune victime), Ibrahim doit protéger leur île.

Entre corruption, mensonges, le lecteur suit Guy dans cette rocambolesque aventure : d’hôtels 5 étoiles aux bars de seconde zone, à la junge ou aux bordels, Guy va connaître presque quarante huit heures de folie. Ici tout est chaud : la météo, l’atmosphère, la police, les femmes. Le rythme est haletant et ne semble jamais ralentir ! Préparez-vous – j’ai dévoré le roman, incapable de le reposer. Guy et Amaka ne sont pas les seuls personnages, nous voilà aussi embarqués avec les truands, ceux de la zone, qui obéissent à leurs chefs et sont prêts à tout pour grappiller un morceau du gâteau ou au côté d’Ibrahim, le policier en charge de cet épineux dossier. Ici, les armes, la drogue, les flics ripoux – tout y est ! Une vision parfois si effrayante mais pas d’inquiétude : le romancier relâche la pression avec le personnage de Guy, notre Candide de l’histoire. On s’identifie à lui et surtout il y a de l’humour tout au long du roman.

Lede Ayenle sait créer des personnages attachants, Guy ou encore Amaka, une femme épatante qui risque sa vie pour sauver ces femmes et accepte de nager dans un océan rempli de requins. Lagos est une ville qui bouillonne, nuit et jour : la vie nocturne est intense. Les riches semblent vivre leur richesse comme si celle-ci risquait de disparaitre dans la seconde (la chasse à l’argent « sale » est lancée) et mène une vie frénétique, faite d’excès – fêtes, consommation de drogues ou de prostituées, l’argent et le champagne coulent à flot derrière les murs fortement gardés de Victoria Island – à l’abri des pauvres qui s’entretuent dans les quartiers pauvres de la ville, où la violence est quotidienne. Deux mondes qui s’évitent mais qui se rencontrent quand les truands s’attaquent avec violence aux  grosses berlines à leurs propriétaires fortunés.

Un premier roman impressionnant de maîtrise, survolté et drôle où à chaque page, on tente de reprendre son souffle avant de replonger dans cette Afrique au visage très éloigné de l’image qu’on en a encore parfois. Le Nigeria est le pays le plus peuplé du monde avec un taux de croissance constant et qui vous emporte dans les airs comme une tornade. Attachez vos ceintures !

Cette lecture est commune avec ma chère Hélène. Son avis est en ligne par ici.

♥♥♥♥

Editions Métailié, Noir, Easy Motion tourist, trad.David Fauquemberg, 335 pages.

 

Et pourquoi pas

14 commentaires

Marie-Claude 28 avril 2016 - 1 h 47 min

Je ne rechigne jamais pour une p’tite virée au Lagos. Un premier roman en plus? Comment passer à côté. Je ne vais pas attacher ma ceinture, mais plutôt ma tuque! C’est bien noté. Merci pour la découverte.

Electra 28 avril 2016 - 7 h 21 min

De rien ! J’ai beaucoup aimé – je vais aller voir le billet d’Hélène, j’espère que ce fut de même pour elle et moi je découvre le Nigeria (après Americanah) 🙂

keisha 28 avril 2016 - 9 h 38 min

Je sentais que ça allait être trop violent pour moi, ce roman… (même si Lagos, oui…)

Electra 28 avril 2016 - 14 h 02 min

Oui, c’est violent mais il y a d’autres endroits où c’est la même chose après il y a de l’humour et ce n’est pas un roman noir.

hélène 28 avril 2016 - 10 h 45 min

J’ai été choquée par cette vision très pessimiste du pays en fait, et très violente. N’est-ce pas un peu réducteur ? Oui, Guy et Amaka apportent un peu de fraîcheur mais cela ne m’a pas empêchée d’être étouffée dans ce Lagos vision de l’enfer !

Electra 28 avril 2016 - 14 h 05 min

Une vision pessimiste ? je la trouve réaliste, un peu exagérée mais comme chez Tarantino qui de donnera une vision très violente de l’Amérique comparée à d’autres réalisateurs…mais pas pessimiste. D’ailleurs Amaka prouve que certains se battent pour changer les choses – je trouve que le pays a une croissance démesurée (et qui ne concerne qu’une infime partie de la population) comme bcp d’autres pays du tiers-monde qui se développent « trop vite » . Après, c’est intéressant pas de vision de l’enfer pour moi, et pas de sensation d’étouffement … j’ai eu plus « peur » avec le roman de Burke 🙂 deux visions très différentes et très intéressantes ! en tout cas, il t’a procuré des émotions !

noukette 29 avril 2016 - 0 h 06 min

Tu es bien plus enthousiaste qu’Hélène, du coup ça m’intrigue…!

Electra 29 avril 2016 - 8 h 47 min

Oui, il est vrai qu’ici on est entre truands (riches et pauvres), les kalachnikovs, l’exploitation sexuelle .. tout y passe mais le ton employé, les personnages, l’humour ont fait que ça ne m’a pas dérangé – d’ailleurs je comprends la référence à Tarantino – ça tire dans tous les sens et les personnages secondaires sont haut en couleur (je pense à Pulp Fiction). La noirceur, je ne l’ai pas vue comme Hélène qui en a souffert 😉

jerome 29 avril 2016 - 16 h 40 min

J’aime le contraste entre ton avis et celui d’Hélène, c’est ce qui fait toute la richesse des lectures communes je trouve (en plus des échanges que l’on peut avoir au fil de la lecture).

Electra 1 mai 2016 - 16 h 11 min

Oui ! C’est très intéressant de réaliser que l’autre n’a pas ressenti les mêmes émotions lors de la lecture – ça prouve que l’on apporte beaucoup « avec soi » en lisant !

Marie-Claude 1 mai 2016 - 18 h 14 min

J’approuve! Échange passionnant.

Electra 3 mai 2016 - 12 h 27 min

Oui! On a s’attend à que tout le monde ressente le même enthousiasme et on est parfois très surpris, ainsi je n’ai pas du tout ressenti la même chose que Hélène !

Sandrine 3 mai 2016 - 7 h 45 min

Un auteur que j’ai inscrit dans ma liste « Lire le monde ». Le roman policier (ou le roman noir) est un genre qui rend plus facile l’accès à la littérature de pays qu’on ne connait pas bien, je trouve. Alors bien sûr, c’est souvent le côté violent et corrompu du pays qui nous est ainsi donné à voir, et celui des villes.
Si les pratiques liées aux croyances t’intéressent, je te conseille « L’enfant dans la Tamise » de Richard Hoskins qui se lit comme un roman et concerne surtout le Nigeria et le Congo Kinshasa.

Electra 3 mai 2016 - 9 h 38 min

Merci ! Je suis preneuse car je ne lis pas beaucoup de livres en provenance de ce continent. C’est un peu comme les pays scandinaves, on ne les lisait pas jusqu’à l’arrivée des premiers policiers/polars 🙂

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