Tous les amoureux des livres le savent : la couverture d’un livre joue pour beaucoup dans le choix ou pas d’un roman et j’avoue que j’ai craqué immédiatement pour celle-ci ! J’ai une passion, inavouée, pour les hippocampes. Le roman de Heather Tucker, The Clay Girl (la fille d’argile) ne se contente pas d’un visuel réussi. Je l’ai découvert en regardant Mercys. Intriguée par l’histoire, je l’ai commandé. Je savais qu’il s’agissait de l’histoire d’une petite fille, Ari, malmenée par la vie, qui connaîtra un certain répit auprès de ses tantes avant d’être à nouveau rattrapée par son destin.
Mais en fait j’ignorais énormément de choses ! En premier lieu, j’ignorais tout de la prose d’Heather Tucker, belle mais ardue. Lecteurs francophones, si vous voulez vous lancer dans la lecture de ce magnifique roman, soyez prévenus ! Il faut dire qu’Heather a choisi comme narrateur une petite fille âgée de huit ans au début du roman. Et cette petite fille, Hariet Appleton, a un compagnon imaginaire, Jasper, l’hippocampe. Toujours fourré dans l’une de ses poches, il va l’aider à traverser les multiples épreuves qui l’attendront.
Nous voici au Canada, dans les années 60 – la famille Appleton compte six filles, Hariet étant la benjamine, lorsque la vie de famille explose. Ari (son surnom) est subitement envoyée vivre chez sa tante Mary, à Cape Breton. L’enfant est troublé car elle a toujours entendu sa mère dire du mal de sa soeur ainée, parait-il même qu’elle mange les enfants ! Mais arrivée à Pleasant Cove, Ari et Jasper trouvent un véritable havre de paix dans la demeure de Mary, et de sa compagne, Nia. Ari pense que son père s’est noyé dans le fleuve et que Jacqui sa soeur a plongé pour le retrouver sans succès. Mais peu à peu les véritables souvenirs font surface. En attendant, Ari découvre ici une vie normale, entourée de personnes aimantes et d’un nouvel ami, Luke, Ari découvre la poterie, cet art à base d’argile.
Alors que les années 60 font rage à Toronto, et que ses sœurs ainées, adolescentes, commencent à se rebeller, Ari vit une vie protégée mais cette parenthèse idyllique prend fin subitement lorsque sa mère la reprend. Remariée à un commerçant, Len, celle-ci veut tout raser du passé et reconstruire une « vie normale » mais la mère d’Ari est tout sauf normale. En proie à une haine considérable envers son défunt époux, et plusieurs de ses filles, elle ne satisfait jamais de sa vie. Mentalement instable, elle boit plus que de raisons et disparait pendant plusieurs jours. Fort heureusement, Ari pourra compter sur Len, qui deviendra le père qu’elle a toujours cherché. Un homme aimant et protecteur.
As the calendar flips, May 1964, ’65, ’66, I wonder if Mummy has any memory of expelling me from her womb. She doesn’t see me turn eleven, twelve, thirteen… she doesn’t see me at all.
Malgré l’interdiction formelle de sa mère, Ari garde le contact avec ses tantes Mary et Nia grâce à plusieurs subterfuges. Les années passent et entre Pleasant Cove et Toronto, Ari devient une jeune fille, plutôt douée à l’école – amoureuse de Luke. Sa vie bascule à nouveau lorsqu’elle sa mère quitte Len pour un officier de police violent et alcoolique. La famille se disloque et Ari découvre la violence domestique. Elle devra compter, non seulement sur Jasper et sur l’amour que lui portent toutes ses proches pour ne pas sombrer. Et lorsque son cet homme accueille chez lui son troisième enfant, un petit garçon qui refuse de parler, Ari décide de le protéger contre vents et marées. Au prix fort.
Rien n’est épargné à Ari et pourtant c’est une jeune fille des années 60 qui tombe amoureuse, aime les livres et le dessin, et réussit à s’échapper chaque été vers Pleasant Cove. Le lecteur va suivre une décennie de la vie d’Ari. Une jeune fille qui va peu à peu lever le voile sur ce lourd secret qui a bouleversé sa famille.
Some kids live in adult worlds. They should have warned you about us at teacher’s college.
Si le début m’a un peu chamboulé, car Ari décrit les gens comme elle les voit (elle a 8 ans) : un lion de mer, une vache, une sirène.. j’ai été rapidement accrochée au récit. J’ai été particulièrement happée par l’univers si créatif d’Ari – ce qui la maintient en vie. The Clay Girl (la fille d’argile) c’est elle, celle qui peut modeler son propre destin. Une leçon de vie magnifique.
Et que de poésie, entre Jasper l’hippocampe, Luke, son amoureux perpétuel, ses tantes protectrices, Ari s’exprime à travers les mots et les dessins.
Ce roman est un ovni dans mes lectures récentes, un tour de force pour décrire ces années 60 et cette famille totalement détruite par les adultes, où les filles grandissent, volent, ont des bébés à seize ans, se droguent mais aussi se marient, ont des enfants à leurs tours – tiennent tête à leurs mères.
♥♥♥♥♥
Editions ECW Press, 2016, 344 pages
6 commentaires
Hum hum, à voir. Un ami imaginaire ça ne me dérange pas (j’adore la BD de waterson) mais ça ne fait pas trop ‘encore secret de famille’?
Non, le secret est très vite dévoilé (troisième chapitre ?), ensuite on suit le parcours de cette gamine jusqu’à ses 16 ou 17 ans. C’est vraiment sur la résilience et la famille.
Il n(a pas encore été traduit en français alors on verra ça le moment venu ;).
Non, malheureusement. Et il requiert une excellente traduction mais il le sera sûrement vu sa popularité 😉 Il te plaira je pense.
Tu sais à quel point j’aime les histoires de petites filles malmenées par la vie! Arrête de me tenter avec des livres non traduits…
Oui, je n’ai cessé de penser à toi en lisant ce livre tellement il t’ira ! Moi qui ne suis pas fan de ce genre d’histoires, j’ai aimé donc là !
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