Troisième roman de Lori Roy, troisième coup de cœur ! Une lecture par an qui m’épate à chaque fois. J’ai découvert l’œuvre de la romancière américaine avec son premier roman, Bent Road– énorme surprise, partagée avec Marie-Claude en 2015. Lori Roy y dépeint une autre Amérique et sait comme personne créer une atmosphère étouffante. Dans Bent Road, nous étions dans le Michigan dans les années 60 et dans De si parfaites épouses, nous étions en ville à Détroit en 1958. Nous voici cette fois-ci dans le Kentucky, à la campagne.
Le roman ne cesse de faire des allers-retours entre le passé (1936) et le présent (1952) chez les Holleran. John Holleran élève ses deux filles au milieu des champs de lavande, qui chaque année viennent recouvrir les terres de cette couleur violette et de cette odeur tenace. Il n’y a rien autour de chez eux, sinon la propriété des Baine. Il n’y a plus que Cora Baine qui y vit. Ses sept fils sont partis. L’un d’eux est d’ailleurs enterré tout près. La faute à Juna. Tout a commencé en 1936, elle avait 15 ans et demi et le fils ainé des Baine, Joseph Carl était à peine plus vieux. Il aidait beaucoup sa mère, veuve. Un garçon charmant. Mais Juna, qui possède le don, a posé ses yeux noirs sur lui. Et le pire est arrivé.
Les années ont passé. John Holleran a épousé la sœur de Juna, Sarah et ils élèvent ensemble leurs deux filles adolescentes, Annie et Caroline, au milieu de ces champs, dans la ferme de la mère Holleran, qui vit avec eux. Elle possède aussi le don et sait qu’Annie l’a à son tour. Annie va fêter à son tour ses 15 ans et demi. La nuit, comme toutes les autres filles de la région, elle va se faufiler à l’extérieur pour aller à minuit regarder la surface de l’eau d’un puits. Il s’agit de l’élévation, une légende qui dit que la jeune fille y vira le visage de son futur bien-aimé. C’est le cas récemment d’une fille populaire du lycée qui a vu le visage de Ryce, le meilleur ami d’Annie. Mais ce soir là, Annie, flanquée de sa jeune sœur Caroline, n’a rien vu. Les deux se sont faufilées la nuit sur la propriété des Baine, et ont découvert le corps de Cora Baine à côté du puits. Annie l’avait senti. Comme sa tante Juna avant elle, elle sent quand la pluie et l’orage vont venir, quand les fruits sont mûrs et elle a su, en voyant le rocking chair se balancer seul, que la mort rôdait. Sa grand-mère a accroché et enterré des peaux de serpents autour de la maison, mais rien n’y fait. On professe le retour de Juna.
Cette famille et tout le comté sont dévorés par des secrets de famille qui hantent les terres. Les habitants continuent de croire aux légendes, au don maléfique et à l’élévation. Vingt ans plus tôt, Juna est partie travailler dans les champs avec Dale, leur petit frère. Il ne reviendra pas. Juna, tout le monde la craint, elle a le don, mais surtout c’est un être maléfique. Elle a tué sa mère à la naissance. Tout le monde le sait et la fuit, son père en premier. Mais elle est terriblement belle et les hommes, les frères Baine et le commis Abraham, lui cèdent tout. Annie a les mêmes yeux noirs. L’histoire va-t-elle se répéter ?
Une atmosphère lourde, poisseuse, étouffante. Une montée en tension tout au long du roman. Même si au départ, j’ai eu du mal à faire ces allers-retours en présent et passé, la magie, ou plutôt la sorcellerie a opéré. Ces couples de sœurs, malsains, occupent tout l’espace. Lori Roy n’est pas un nature writer. Elle nous indique le lieu (le Kentucky), mais peu importe. Lori Roy écrit sur nos peurs, nos craintes et tissent une toile où une araignée vient nous emprisonner. Impossible de fuir !
Elle dresse des portraits saisissants et glaçants de ses personnages. Ils occupent tout l’espace, tout le livre, tout votre esprit, à vous, lecteurs. Je me suis sentie à nouveau emprisonnée et ici les personnages sont particulièrement tordus , comme Juna. Annie glisse aussi parfois de l’autre côté. Les hommes sont faibles dans les romans de Lori Roy. Ils sont incapables de résister au désir, à la tentation. Même les plus honnêtes et les plus travailleurs craquent. L’attrait qu’exerce Juna est plus fort que leurs craintes envers ces femmes porteuses du don.
Peu à peu, on apprend ce qui s’est déroulé en 1936, et on suit en parallèle le destin de ces famille après la tragédie.
A nouveau, la magie Lori Roy opère sur moi. J’ai retrouvé la même noirceur et la même attraction que dans Bent Road, et ce, en plus puissant. En plus sombre. L’odeur puissante de la lavande, la lascivité calculée de Caroline, les doutes d’Annie, les jeux retords de Juna, les rêves envolés de Sarah, le monde de Lori Roy est peuplé de fantômes et de non dits. Je n’ai jamais lu un auteur qui dépeint aussi bien ses personnages.
Elle réussit à créer une atmosphère où les peurs ancestrales dominent les comportements humains, où les craintes transforment les pensées les plus pures. On a jeté un sort sur cette communauté et les catastrophes se reproduisent.
Je suis une inconditionnelle de Lori Roy et je vais guetter son prochain roman ! Elle mérite pleinement sa place dans mon panthéon personnel ♥
♥♥♥♥♥
Éditions du Masque, 2017, Let me die in his footsteps, trad. Valérie Bourgeois, 315 pages
16 commentaires
Je m’en peux plus de l’attendre. Il arrive ici mi-février! Impossible de passer à côté, tu t’en doutes bien!
Superbes photos, une fois de plus!
C’est vrai ? aussi longtemps ? enfin, ça va arriver vite (et moi après LOL) – oui, je le préfère au deuxième, quoiqu’il était différent – mais j’ai retrouvé ce même talent et cette ambiance dans Bent Road – j’ignore comment elle fait pour créer une telle atmosphère.
Auteure totalement inconnue pour moi, comment est-ce possible ????????
Exactement !!! Bent Road est le premier et il est très bien ou celui-ci !
Pareil que Jérôme, quelle honte! Je vais y remédier sans tarder, ça c’est certain. Tu me donnes très envie de lire celui-ci, mais je vais aller lire tout de suite ton billet sur Bent Road.
De rien ! C’est étonnant que ses romans soient si peu connus (Marie-Claude a lu Bent Road) car elle est vraiment talentueuse et elle arrive toujours à créer des atmosphères très intenses. Elle mérite vraiment le détour 😉
Je ne connais pas non plus, je note le premier
Oui, il est très bien 😉 Ravie de voir qu’elle va être un peu plus connue en France 😉
J’ai décidé de lire au moins un roman américain par mois en 2018 (j’en ai peu lus ces derniers temps, bon sang qu’est-ce que ça me manque) – je ne connais pas Lori Loy, apparemment il est urgent de la découvrir.
V’la une très bonne résolution. Je vais faire pareil!
Vraiment ? tu as besoin de faire cette résolution ? Bon ces vrais que ces temps-ci tu étais repartie par chez toi ou en France … l’Oncle Sam te réclame ! (Trump un peu moins…)
Très bonne résolution ! et si tu hésites, tu sais chez qui venir pour trouver de l’inspiration 😉 Lori Roy est un excellent début, une auteur contemporaine qui m’enchante à chaque fois.
Je ne suis pas la seule à ne pas la connaitre et tu donnes une furieuse envie de lire ses livres! Je note!!!!
Non tu n’es pas la seule, en fait je suis, avec Marie-Claude (mais qui est au Canada) la seule à la connaître et quelle erreur ! J’ai déniché ses deux premiers à la bibli sans souci (donc certains sont au courant…)
une auteure que j’ai déjà repérée chez toi, mais que je n’ai encore jamais lue! un must pour 2018!
Oui une excellente résolution !
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