Trois lectures dans ce numéro – une déception, une très belle lecture et un énorme coup de coeur ! Je dévore les romans graphiques ces temps-ci et je vais de découverte en découverte. Le retour à ma médiathèque préférée a eu du bon !
Pil – Mari Yamazaki
♥♥♥♥
Début des années 80, au Japon. En l’absence de sa mère, Nanami, une adolescente très énergique, vit seule dans la maison familiale avec son grand-père Tokushirô. Sa profonde affection pour ce vieil homme excentrique et original n’empêche pas les conflits.
Nanami entretient ainsi une guérilla permanente avec l’inconséquence et la prodigalité de son grand-père, incapable de gérer correctement le peu d’argent dont ils disposent pour vivre et se nourrir. Tokushirô de son côté, tout en ayant conscience de certaines des angoisses de sa petite fille, ne parvient que difficilement à brider son côté jouisseur et fantasque.
Heureusement, l’un et l’autre partagent un vrai goût de l’anticonformisme et une fascination pour la culture britannique : Tokushirô a autrefois vécu en Grande Bretagne et parle l’anglais, une rareté chez les Japonais, tandis que Nanami vibre pour les musiciens punks anglais qui occupent alors le devant de la scène rock internationale, à l’image de son groupe fétiche P.I.L.…
J’ai passé un très joli moment en compagnie de Nanami, qui m’a rappelé un peu la jeune fille que j’étais. Dans un Japon très codifié, la jeune fille est une rebelle et lorsqu’elle se rase les cheveux, elle se libère du poids des conventions.
J’ai beaucoup aimé le regard de l’artiste sur sa jeunesse et sur ses envies de liberté mais aussi la présence de ce jeune jardinier, invisible mais bienveillant. Une jolie découverte avec en plus un joli coup de crayon !
Editions Casterman, 2013, 192 pages
Suite Française : Tempête en juin – Emmanuel Moynot
♥♥
J’ai dans ma pile à lire le roman phare d’Irène Némirovsky, Suite Française, sur la débâcle française de juin 1940. En voyant l’adaptation graphique du roman, je n’ai pas hésité longtemps. Je ne connais pas Emmanuel Moynot (dessinateur des derniers albums de Nestor Burma) mais en feuilletant les pages, j’ai trouvé ça plutôt tentant. Si l’histoire est intéressante, car très peu exploitée par le cinéma ou les romans (on préfère toujours parlé de la résistance et de la libération que de l’occupation), j’ai été malheureusement plutôt déçue par cette adaptation. Pourtant, j’ai trouvé plein de points positifs.
Le croquis est plaisant, j’aime l’aspect « historique » avec l’usage du gris, les traits des personnages, tous très distincts (souvenir d’une dernière lecture où tous les personnages se ressemblaient), j’ai aimé l’atmosphère. Je n’ai pas lu le roman mais je sais que celui-ci dépeint cette époque à travers une galerie de personnages, des bourgeois parisiens, un banquier et sa maîtresse et des petites gens, ainsi que des orphelins.
C’est simplement la forme narrative qui m’a profondément perturbée : linéaire, chronologique – barbante. Les chapitres sont courts et présentent une seule et unique famille. On les suit, mais aucune interaction, ils ressemblent à des pions, servant juste à témoigner d’une époque précise (la fin de la drôle de guerre, la fuite ou l’occupation) mais impossible de s’y attacher car à peine est-on impliqué dans une famille que l’on passe à une autre.
Etrange choix narratif, qui apparemment respecte la chronologie du roman, et qui m’a personnellement dérouté. Je pense qu’Irène Némirovsky a su dresser un portrait réaliste de cette France, qui se remettait à peine de la première Guerre Mondiale et sentait qu’une page de l’histoire se tournait, mais pour ma part j’ai enchainé les pages de cette adaptation sans aucune ferveur particulière.
Editions Denoël, 2015, 224 pages
La loterie – Miles Hyman
♥♥♥♥♥
Ma découverte et mon coup de coeur graphique de l’année ! C’est d’abord le dessin de Miles Hyman qui a attiré mon regard, tout ce que j’aime, les couleurs, le trait puis j’ai lu « d’après Shirley Jackson« . Je n’ai pas hésité plus longtemps et embarqué ce roman graphique. Une fois chez moi, je l’ai dévoré – visuellement et mentalement. La loterie est une nouvelle née dans l’imagination débordante de la romancière américaine. Ecrite dans les années 1950, elle se déroule dans un petit village de la Nouvelle-Angleterre, où chaque année, en juin, la ville organise la Loterie – un rituel ancestral où « il est moins question de ce que l’on gagne que de ce que l’on risque de perdre à jamais ». Shirley Jackson a toujours aimé faire peur et se faire peur.
Je n’en dirais pas plus de l’histoire, passionnante car elle est courte et percutante. A l’époque de la publication de la nouvelle dans le magazine The New Yorker, de nombreux lecteurs avaient fait part de leur effroi, de leur angoisse ou de leur colère. L’un d’eux savait que cette coutume avait eu lieu en France, moi non 😉
Mais revenons au dessin, un vrai coup de coeur visuel ! Si je vous dis que j’adore Malevich, Tamara de Lempicka, et tous les peintres des années 30, vous ne serez pas étonné de voir à quel point ce dessin me parle. Et l’époque y est aussi pour quelque chose, les vêtements et coiffures des femmes vous ramènent directement dans un film des années cinquante hollywoodien.
Ma surprise fut réelle lorsque j’ai découvert à la fin de ma lecture que Miles Hyman, originaire du Vermont, est en fait le petit-fils de Shirley Jackson ! Le jeune homme est venu poursuivre son cursus à l’école des Beaux-Arts de Paris et n’en est jamais reparti. Ses illustrations sont exposées à travers le monde et il est reconnu depuis longtemps pour son talent. Mais où étais-je ? Dans cette adaptation, il se confie un peu sur son enfance et les rares souvenirs de ses grands-parents farfelus, admirateurs de livres d’horreur. En rapportant ce livre (que je vais m’empresser d’acheter) à la bibliothèque, j’ai mis par hasard la main sur une autre BD dessinée par ses soins. Il me les faut tous !
Et cette adaptation est une excellente introduction au monde fascinant de l’auteure américaine (et du psyché américain).
Editions Casterman, 2016, 139 pages
16 commentaires
Hello! Je note le titre du manga, qui me fait très envie, à la fois pour le dessin et pour le récit. Je lis très peu de manga, j’aime ceux qui évoquent le quotidien et donc, celui-ci pourrait me plaire. Moynot est à mes yeux un très grand dessinateur, mais peut-être en effet n’a-t-il pas fait les bons choix côté scénario : trop de fidélité au récit originel? Enfin, La loterie est dans mon stock de BD depuis sa sortie, il va falloir que je m’y mette!!!
Cool ! Comme toi je lis très peu de manga, uniquement ceux qui évoquent le quotidien (et des one stand) donc ici tu devrais trouver ton bonheur ! Pour Moynot, même si j’ai aimé le dessin, je n’ai pas accroché aux personnages, pourtant cette période de l’histoire est intéressante. Je suis passée à côté, pour La loterie, une révélation ! Sors-le de tes étagères !
« La loterie » me tenterait pas mal ! et aussi « Suite française » (mais là, le noir et blanc me plait moyen)
Il faut lire la loterie ! Pour le noir et blanc, ça va. Le noir ne domine pas (je pense à d’autres BD très sombres) mais je sais que ça ne plait pas à tout le monde
Je prends note de La Loterie sans hésitation. Tout-à-fait le type de BD que j’aime découvrir ! ( et que je n’avais pas vu passer ! )
Oui, le dessin est sublime et l’histoire m’a retournée 😉 Pareil, pas vu passer et pourtant !
Je ne connais que Suite française, le roman (vraiment pas mal, d’ailleurs)
Je pense qu’il est meilleur (la forme s’y prête mieux). La loterie est un incontournable !
« La loterie »… Il y a un bout que je tourne autour. Mais son prix indécent freine mon ardeur. Il faudrait que j’aille faire un tour à la bibliothèque!
Oui, je ne l’ai pas acheté car il est cher mais il est sublime (je vais le demander pour mon anniversaire !)
obligée de noter La loterie pour la biblio 🙂
Oui obligée !!
C’est marrant, j’ai noté La Loterie grâce à un blog et là tu en parles et tu enfonces le clou!
Le dessin est superbe! Hâte de la découvrir!
Oui le dessin est sublime et l’histoire très forte
Je retiens « Pil »
Il est très bien ! Les manga ne sont pas trop mon truc mais l’histoire et le dessin ici sont vraiment réussis.
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