Une pause BD, ça vous tente ?

Deux lectures pendant ma pause vacances 🙂

Paroles d’honneur – Leïla Slimani & Laetitia Coryn
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Je n’ai lu aucun roman signé Leïla Slimani mais je l’ai vue parler de la sexualité au Maroc lors d’une émission télévisée et j’ai eu envie de découvrir cette « BD-reportage ». En 2015, à Rabat au Maroc, l’auteure recueille les témoignages de plusieurs femmes afin d’aborder un sujet tabou : la sexualité, en particulier celle des femmes.

J’ai pensé à une autre bande-dessinée qui abordait les relations hommes-femmes en Iran (xxx) et qui même s’il s’agissait « d’histoires d’amour », abordait en filigrane la question de la sexualité hommes-femmes. Au Maroc, les choses ne sont pas très différentes. Les relations extra-conjugales (hors mariage) sont interdites, et pire encore : une femme doit être vierge le jour de son union. Toute transgression est punie par des peines de prison (six mois pour les relations hétérosexuelles hors mariage, pour les relations homosexuelles on peut aller jusqu’à 3 ans et un à deux ans pour les relations adultères).

Le code pénal, et la société ne voit la femme que comme fille ou épouse. Elle n’existe pas en tant que telle. Elle n’a aucun statut. Les femmes interviewées sont souvent célibataires et abordent la pression familiale et sociétale sur ce statut. Comment peut-on rester célibataire à 35 ans ? Sous-entendu qu’elle doit avoir des relations sexuelles hors mariage, un délit. Elles résistent malgré tout et avouent effectivement ces liaisons hors mariage. Mais la pression est forte, certaines cèdent aux sirènes du mariage et se font reconstruire l’hymen pour être de nouveau « vierge » le soir de leurs noces. Car la famille de l’époux peut vérifier la virginité de l’épouse.

Mais ces mariages ne durent pas, la plupart divorcent au bout de deux ans. Leïla Slimani aborde de manière très intelligente ce double visage de la société marocaine, ces femmes qui portent le voile et mentent sans honte à leurs parents sur leur vie sexuelle. D’autres acceptent la sodomie pour « rester vierge ». Les hommes doivent aussi mentir à leur famille mais la société leur est favorable. Beaucoup ont des relations sexuelles avant leur union, et quittent ces femmes pour choisir comme épouse une jeune femme vierge. Un luxe.

Mais les choses changent, la jeunesse souffre de ne pas pouvoir vivre une sexualité plus libre et tout simplement des relations normales, pouvoir séduire et surtout « papilloner » avant de trouver l’union. Car ils sont finalement des jeunes classiques qui rêvent aussi de trouver « sa moitié » et fonder une famille. Devoir mentir et se cacher en permanence est fatiguant. Du coup, les hommes fréquentent énormément les prostituées, autre grand tabou de la société marocaine. L’auteure rencontre le réalisateur qui a osé aborder ce sujet dans un film, récompensé à Cannes mais qui a provoqué l’exil en France de l’actrice principale, menacée de mort. Résultat : les maladies vénériennes sont répandues.

De leur côté, sans accès à la contraception, les IVG clandestines sont nombreuses. Enfin, l’auteure aborde également le sujet de l’homosexualité, orientation sexuelle totalement illicite et niée par le gouvernement marocain.  Une bande-dessinée passionnante et qui fait écho à tous les documentaires et reportages récents sur la jeunesse de ces pays arabes, tiraillés entre modernisme et religion d’état.

Editions Les Arènes, 2017, 106 pages

Au pied de la falaise – ByMöko
♥♥

A travers un véritable cycle de vie, Akou n’a de cesse d’apprendre : apprendre l’étroitesse du lien qui unit la vie à la mort lors de la perte de son grand-père ; apprendre aux côtés de son père, chef de village ; apprendre le pouvoir de l’ombre et de la lumière ; apprendre à travers un rituel initiatique à devenir un Homme ; apprendre l’amour, la vie de famille, l’entraide… et apprendre à nouveau à perdre…

Un dessin magnifique qui suit l’histoire d’Akou, enfant puis jeune adulte et enfin adulte (et chef). J’ai beaucoup aimé le dessin. Les planches sont vraiment très belles et l’Afrique est toujours un continent fascinant et mystérieux.  Akou grandit sous nos yeux et devient un homme, un rite initiatique puis il se marie et deviendra chef à son tour.

Une aventure particulière puisqu’elle résulte du travail commun entre un dessinateur et un artiste, on peut ainsi écouter de la musique créée spécialement pour cet album mais également regarder des vidéos avec des spectacles inspirées par l’histoire d’Akou. Une manière différente de lire une bande-dessinée.

Malgré tous ces points positifs, j’avoue ne pas avoir ressenti une émotion forte, comme si je n’arrivais pas à pénétrer ce monde. J’étais à l’extérieur et j’en ai un peu souffert. Reste le coup de crayon sublime !

Editions Soleil, 2017, 160 pages