My absolute darling ∴ Gabriel Tallent

par Electra
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Lorsque ce roman est arrivé entre mes mains, j’avoue que c’était un peu par hasard. Je l’ai repéré dans les sorties Gallmeister, un peu surprise par sa couverture très verdoyante. Je l’ai emporté dans ma valise, et lu à mon arrivée chez Hop Sous la Couette au Québec. Elle voulait absolument le lire et donc que je le lui laisse gentiment…  Mendocino, me voici de retour !

J’ai tout de suite reconnu les lieux : le nord de la Californie et ses espaces boisés, et les fameux séquoias (je vous conseille vivement d’aller faire un tour au parc national de Redwood qui leur est dédié, un endroit purement magique). J’adore la Californie du Nord beaucoup plus sauvage que celle du Sud (Los Angeles…). Gabriel Tallent y a grandi et c’est là qu’il place Turtle Alveston, son héroïne.

A 14 ans, cette dernière vit avec son père, Martin. Les deux vivent dans une maison dans les bois, cachée de tous. La nature a repris ses droits, et le père a tenté d’entretenir de ses mains la demeure familiale. Tous deux vivent reclus. Tous les jours, Turtle démonte et nettoie son arme et chaque semaine le père transforme la maison en terrain de chasse. A son retour de l’école, Turtle doit tuer l’ennemi avec son fusil. Ils adorent s’entrainer à tirer. Chaque jour, Turtle se lève et gobe deux oeufs du réfrigérateur, en lançant une bière à son père. Chaque jour elle dit à son père qu’il n’a pas besoin de l’accompagner au bord de la route où le bus scolaire passe, mais chaque jour Martin l’accompagne. Sa fille chérie, son « absolute darling » ne doit pas aller seule au bus. Chaque jour, il offre un sourire ironique à la conductrice du bus scolaire.

Turtle s’habille de vêtements d’hommes, cache son visage sous ses cheveux blonds emmêlés. Elle va à l’école et supporte difficilement la compagnie des autres qu’elle trouve profondément ennuyeux et futiles. Des gosses. Elle ne comprend pas l’intérêt que lui manifeste une élève et ne la défend lorsqu’elle celle-ci est prise à parti. Chacun sa merde.  Son père, qui la surnomme « Croquette » la trouve trop faible, trop stupide. Il la fait réviser et l’engueule pour sa faible combativité. A l’école, la jeune fille ne récolte pas de bonnes notes et son professeur d’anglais s’en inquiète. Elle rencontre Turtle et son père et sent tout de suite que cet homme, charismatique, cache une inquiétante personnalité mais Turtle jure que tout va pour le mieux du monde.  Sa mère s’est suicidée et depuis Martin évite tout contact avec le monde extérieur, excepté pour ses parties de poker où il invite deux ou trois potes. Il tient avec eux et à sa fille des discours enflammés sur la société, proches des propos des survivalistes sur la fin du monde. Il veut que sa fille puisse survivre à toute catastrophe et lui a enseigné la chasse, la pêche et l’utilisation des armes à feu… Turtle est un vrai petit soldat aux mains de son père.

Ses seuls moments de répit sont lorsque que la nuit, elle sort en cachette et s’enfonce dans les bois. Un jour, la jeune fille ne peut plus s’empêcher de marcher au milieu des arbres, elle sait qu’elle le paiera mais quelque chose en elle la pousse à continuer son chemin lorsqu’elle aperçoit deux adolescents perdus. Brett et Jacob fréquentent le lycée. La jeune femme hésite longtemps avant de leur proposer son aide. Cette rencontre va changer sa vie. Turtle réalise peu à peu qu’elle a sa propre identité, qu’elle peut intéresser d’autres personnes et bien que très confuse, elle décide de s’émanciper de ce père totalitaire. Mais le prix en sera extrêmement cher ….

(Si) n’importe qui vient me voir, et se contente de faire la moindre allusion, je tranche ta petite gorge et ce sera un putain de spectacle magnifique. (…) Réfléchis bien. Tu fais partie du voyage, petite pouffiasse. On verra bien alors quel genre de lumière brille dans tes yeux, quel genre de petite étincelle ineffable s’y éteint. Je regarderai tes foutues petites cornées sécher comme des écailles de poisson.

Je me refuse à en dire plus, quoique ceux qui ont regardé l’interview de Gabriel Tallent dans le désert du Mojave (conseil : à  voir en septembre pendant la floraison des cactées) diffusée sur La Grande Librairie en sauront déjà pas mal. Je m’étais refusée à en dire plus à ma très curieuse hôtesse (Hop ….) mais en voyant l’émission elle en a appris beaucoup. J’ignore quel était le besoin de Busnel d’en dire autant sur l’histoire…

J’ai beaucoup aimé le style de Gabriel Tallent qui signe un premier roman très prometteur. Nul doute que je vais suivre de près sa carrière. J’ai adoré (évidemment) sa description des bois et son talent particulier à utiliser tous ces éléments pour créer cette atmosphère oppressante – comme la répétition de ces gestes quotidiens entre le père et la fille, les surnoms du père, tout trahit cette enfermement mental et physique dont est victime Turtle.

Gabriel Tallent sait parfaitement traduire l’esprit confus de Turtle et ses peurs mais également son courage et sa détermination à se créer une vie pour elle-même. J’ai aussi beaucoup aimé les propos de Gabriel Tallent sur les armes et sur cette communauté du Nord de la Californie qui a toujours attiré les hippies et autres outsiders de la société américaine.

Si j’en retiens un bon souvenir de lecture, je n’ai, contrairement à ce que j’ai vu ci et là, jamais eu peur – je n’ai jamais été dans la tête de Turtle même si certains passages sont extrêmement difficiles à lire, j’ai toujours ressenti comme un certaine distance entre eux et moi. Comme si j’étais un témoin silencieux de cette histoire. Je n’ai pas pleuré non plus, ni ressenti d’émotions particulières pour Turtle. Contrairement à Une histoire des Loups où j’étais dans la tête de l’héroïne, ici je suis restée en dehors. Et j’ai été aussi temporairement gênée par un dialogue entre les deux garçons que j’ai trouvé irréaliste. Dernier bémol : la fin correspond à ce que j’imaginais. D’où une légère déception.

Reste que j’ai adoré le style de Tallent, sa capacité phénoménale à créer une atmosphère oppressante et que je le conseille à tous car il sort vraiment des chemins battus et confirme tout le bien que je pense des auteurs américains.

♥♥♥

Editions Gallmeister, trad. Laura Derajinski, Coll. Americana, 2018, 453 pages

Et pourquoi pas

24 commentaires

Hélène 19 mars 2018 - 8 h 21 min

Il me fait de l’oeil !!!

Electra 19 mars 2018 - 14 h 11 min

Je serais curieuse d’avoir ton avis 🙂

Edwige Mingh 19 mars 2018 - 9 h 24 min

Comme apparemment le livre fait l’unanimité (et çà me gêne un peu !) je le mets de côté pour l’instant… Je termine le petit bouquin intéressant sur les deux soeurs Stephen (Virginia Woolf et Vanessa Bell) de Susan Sellers (Ed. Autrement).

Electra 19 mars 2018 - 14 h 20 min

Il ne fait pas l’unanimité par chez moi …. 🙂 Tu peux attendre que le souffle retombe, j’aime aussi faire ça avec les livres que l’on voit absolument partout. Je l’ai lu avant tout le buzz de la LGL donc j’étais pas dans la même composition.

keisha 19 mars 2018 - 9 h 49 min

Il sera à la bibli m’a-t-on dit. Tu n’es pas aussi enthousiaste me semble-t-il que les autres lecteurs, et tu as raison de râler que Busnel en ait trop dit! (je me souviens de m’être bouché les oreilles pendant un masque et la plume sur le dernier paul auster, je sentais qu’ils allaient spoiler!)
Bon, sinon, on verra, l’histoire n’a pas l’air si originale, non? Et comme la fin en t’a pas étonnée…
Ma bibli a acquis plein de Gallmeister!
(j’aime bien ta pub pour les paysages américains, tu as totalement raison!)

Electra 19 mars 2018 - 14 h 13 min

Oui, je suis sans doute la moins enthousiaste de tous même si je pense que c’est un incroyable premier roman et que se cache derrière un grand écrivain – mais je n’ai pas été envoutée ni apeurée, ni fascinée. La fin, je pense que tout le monde la devine donc ce n’est pas prioritaire pour orienter ton choix de le lire ou pas 😉

Fanny 19 mars 2018 - 10 h 23 min

Il me tente grandement! Et comme on n’était pas du même avis pour Une histoire des loups, il y a de fortes chances que je sois conquise! 😉

Electra 19 mars 2018 - 14 h 14 min

Ah oui ça sera peut-être l’inverse ! tu vas sans doute préférer celui-ci, tant mieux car il y a de très bonnes choses 🙂

Jerome 19 mars 2018 - 10 h 40 min

Tout le monde s’emballe pour ce roman et cela semble justifié mais je vais sagement attendre la sortie en poche (et j’apprécie que tu aies trouvé des choses à redire, tu es bien la première 😉 ).

Electra 19 mars 2018 - 14 h 16 min

Merci 😉 Je pense que tu peux attendre – il va te plaire aussi mais je pense que tu n’auras pas un énorme coup de coeur non plus.

Laeti 19 mars 2018 - 14 h 03 min

Il y a clairement quelque chose qui me retient!

Electra 19 mars 2018 - 14 h 18 min

Vu tes lectures, je pense qu’effectivement tu sortirais de ta zone « de confort » – après tu aimes peut-être être bousculée ? moi oui parfois. Moi, je suis restée dans ma zone donc ceci explique sans doute que je n’ai pas été autant bousculée que les autres ! Reste le style et l’atmosphère et le travail sur les personnages mais la relation toxique du père et de la fille, je ne sais pas si ça te tente ?

Sunalee 20 mars 2018 - 13 h 14 min

Je viens de le terminer mais je n’ai pas encore écrit de billet à son sujet. J’apprécie beaucoup le tien parce que tu réussis à ne pas trop en dire, contrairement à la quatrième de couverture qui avance déjà beaucoup dans l’histoire et à La Grande Librairie (j’ai regardé l’extrait après avoir fini le roman).
Je ne me suis jamais sentie proche de Turtle mais j’ai trouvé le suspense insoutenable, à tel point que je regrettais de n’avoir pas plus de temps pour lire. Et j’ai dû survoler quelques passages: lire celui du doigt dans le métro le matin n’est pas une bonne idée et j’ai horreur des araignées 😉 Mais c’est au final surtout la description de la nature qui m’a conquise.

Electra 20 mars 2018 - 13 h 53 min

Merci oui trop en dire c’est dommage. Il y a effectivement des passages difficiles et le matin non pas une bonne idée pareil pour la description de la nature. Il a du talent le Tallent !

Titezef 20 mars 2018 - 22 h 35 min

Je l’ai fini hier soir. Merci de me l’avoir fait découvrir avant tout ce buzz. Du coup j’en attendais moins.
Pour un premier roman je le trouve bien abouti. La description de la nature est superbe (bon en même temps c’est un Gallmeister…!).
L’histoire commence de façon assez dure et je dois avouer que j’ai fais une pause. Puis j’ai enchaîné les pages, ralant en le posant , travail oblige 🙂
Par contre j’ai eu beaucoup de mal à avoir de l’empathie pour Turtule, c’est un comble vu son parcours …Peut etre restée à l’extérieur de l’histoire …
Auteur à suivre , c’est sur….

Electra 20 mars 2018 - 22 h 48 min

Merci pour ton avis ! Toi aussi tu as donc eu du mal à te sentir proche de Turtle ? Moi j’étais juste à l’extérieur je voyais mais oui il y avait une distance entre les personnages et moi. Mais la nature et le style ! Un auteur à suivre, c’est certain !

Titezef 20 mars 2018 - 22 h 58 min

Oui, il avait qq chose qui m’agaçait avec ce personnage. La volonté de l’auteur ? Ou alors c’était too mutch ?
À la fin j’ai pensé à Sara Connor 🙂 . Mais j’ai quand même beaucoup beaucoup aimé ce roman -:)

Electra 20 mars 2018 - 23 h 05 min

Ah ça a été très fort chez toi ! Moi moins. Je me disais qu’elle était totalement confuse.

Virginie 21 mars 2018 - 8 h 06 min

Il faut que je le commande, je ne l’ai pas trouvé en librairie !

Electra 21 mars 2018 - 10 h 14 min

ah bon ? bizarre, vu le buzz autour de sa sortie ! Mais oui, tu peux le commander 🙂

Lili 21 mars 2018 - 12 h 09 min

Tu es donc moins follement emballée que tout ce que j’ai pu lire jusqu’ici, même s’il t’a beaucoup plu aussi. C’est bien de lire des chroniques plus pondérée ; on risque moins d’être déçu(e) ensuite en le lisant soi-même. Il me fait de l’oeil en tout cas, c’est certain. Je pense que j’irai le louer à la bibliothèque ^^

Electra 21 mars 2018 - 16 h 04 min

Merci ! Oui, je suis la moins emballée même si j’ai beaucoup aimé, mais je n’ai pas ressenti de coup de coeur ou de coup de poing contrairement aux autres (pourtant certains passages sont difficiles). Pareil, j’aime lire les avis moins positifs lorsque je me renseigne sur un roman car les lecteurs ne se ressemblent pas aussi mes bémols ne sont pas leurs bémols. J’espère qu’effectivement mon billet va faire diminuer un peu les attentes car je déteste également être déçue mais il vaut vraiment le détour donc un emprunt est une excellente idée !

Marie-Claude 3 avril 2018 - 20 h 24 min

Billet rédigé, en ligne mercredi! Mes deux petites étoiles m’éloignent de tes quatre coeurs!

Electra 3 avril 2018 - 21 h 04 min

Ah ! J’ai été trop gentille. Avec le recul il n’en a plus que 3 et tu avais vu il n’est pas dans mon bilan

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