Lorsque j’ai reçu ce livre, j’avoue que ma curiosité était titillée : Celeste Ng est devenue en moins de deux ans, une des romancières anglophones les plus en vue. Aussi, j’étais ravie de pouvoir lire son dernier roman. Ce fut chose faite il y a un mois environ avec La saison des feux. Puis j’ai été happée par le challenge #nouvellesenmai. Il était temps de lui consacrer une véritable chronique.
Cleveland, OHIO – le quartier bourgeois de Shaker Heights – de somptueuses maisons bourgeoises, des allées propres, des jardins entretenus. Les Richardson aiment leur quartier, leur vie privilégiée. Mère de 4 adolescents, Elena Richardson mène la vie dont elle a toujours rêvé. Elle a d’ailleurs persuadé son époux, rencontré sur les bancs de la faculté, de revenir habiter dans le quartier de son enfance. Journaliste dans un quotidien local, elle ne mène pas d’enquêtes d’investigation, mais rapport les évènements mondains locaux. Elle a privilégié sa vie de famille et s’en félicite.
Propriétaire d’un appartement à vingt minutes de Shaker Heights, elle accueille Mia Warren et sa fille Pearl, ses nouvelles locataires. Pearl a 16 ans, comme Moody, le fils cadet des Richardson. Dans la même classe, les deux jeunes gens deviennent inséparables. Pearl file chez lui après les cours. La jeune fille, qui a déjà vécu dans 40 endroits différents, peut enfin poser ses valises. Et la vie des Richardson la fait rêver : une maison somptueuse, des enfants magnifiques, Lexi 18 ans, en dernière année de lycée, très populaire qui fréquente Brian, un autre jeune privilégié. Tip, l’aîné des garçons, 17 ans, beau gosse qui accumule les conquêtes, Moody, plus réservé mais très intelligent et passionné de littérature et enfin la dernière, Izzy , 15 ans, l’enfant rebelle de la famille. Une image idyllique de la famille mais évidemment on sait que les apparences sont parfois trompeuses….
La mère de Pearl, Mia est une artiste. Elle est photographe et travaille à la maison. Elle intrigue beaucoup Elena et Izzy. Mia est un esprit libre, qui refuse toutes les conventions et va beaucoup plaire à Izzy, le vilain petit canard des Richardson. Elena n’a jamais compris sa petite dernière.
Il y a quelques mois, une amie proche d’Elena a réalisé son rêve en adoptant une petite fille asiatique. Mais Mia réalise que cet enfant est la fille abandonnée d’une collègue (Mia, qui ne gagne pas toujours bien sa vie avec ses photos, travaille dans un restaurant comme serveuse). Cette dernière traversait une période difficile et avait abandonné son enfant mais à présent, elle souhaite le récupérer. Lorsque Mia lui apprend qui l’a adoptée, la femme lance une procédure judiciaire.
Les Richardson décident de soutenir leurs amis, le mari en les défendant car il est avocat et Elena en soutenant son amie. Lorsqu’elle apprend que c’est Mia qui a vendu la mèche, elle décide d’en apprendre plus sur sa locataire, la mystérieuse artiste peintre qui ne reste jamais en place. Elena mène l’enquête et se souvient du plaisir qu’elle avait à être une vraie journaliste d’investigation. Elle va à son tour lever le voile sur les apparences…
Le thème majeur dans ce roman est la famille et en particulier la filiation par le sang ou l’adoption et Céleste NG est très douée pour analyser les rapports entre les membres d’une même famille. Elle décrit avec perfection les sentiments ambigus d’une mère envers ses filles ou à l’inverse d’une fille envers sa génitrice.
J’ai également aimé la manière dont l’auteur décrit avec talent ce quartier embourgeoisé, sous une pression sociale constante, écrasé par des conventions, à l’opposé du mode de vie de Mia, l’artiste bohème et saltimbanque.
J’ai quand même quelques soucis avec ce roman : je me suis ennuyée jusqu’à ce que Elena commence son enquête sur le passé de Mia, le rythme du roman est alors plus soutenu et j’ai vraiment eu envie de découvrir ce que Mia cachait. Mais les 150 premières pages m’ont paru assez longues…
L’autre point négatif est un chapitre entier du roman. Un ovni qui rompt totalement avec le style narratif du roman. L’auteur se transforme soudainement en professeur lorsqu’elle aborde la bataille juridique entre les parents adoptifs et la mère biologique. Concrètement, l’auteur pose ces questions à voix haute : qui sont les vrais parents ? Les parents biologiques ou adoptifs ? Des parents blancs peuvent-il élever un enfant asiatique ? le lien sanguin est-il plus fort que l’amour ? Et y répond ! Tout cela (entre parenthèses). J’ai trouvé ce passage du roman extrêmement frustrant et très condescendant envers le lecteur. Au lieu d’amener le lecteur à réfléchir par lui-même aux liens entre un enfant et ses parents, elle répond à votre place.
Mais sinon, j’avoue que l’auteur sait parfaitement retranscrire l’univers de ces banlieues huppées et j’ai bien aimé son style fluide. Et l’accroche du roman (le premier chapitre) est vraiment réussie.
Cependant, contrairement à ce qui est annoncé un peu partout, le roman ne franchit jamais la frontière du thriller. Ici, point de meurtre ou de sordides secrets, un secret de polichinelle. Celeste NG dresse juste un portrait de la société américaine de manière très subtile. Un peu comme si nous pouvions voir sous le vernis de Wisteria Lane…
♥♥(♥)
Editions Sonatine, Little fires everywhere, trad.Fabrice Pointeau, 2018, 384 pages
14 commentaires
Eh bien je crois que meme sans l’avoir lu , je penserai comme toi 😉…
Dans son premier , beau portrait de famille également mais le rytme était trop lent pour moi…
Et à la fin … je me suis dis … »tout ça pour ça ! »
Oui le style est tres bien. Je ne comprend pas par contre un tel succès….mais tant mieux pour l’auteur 🙂.
Je ne comprends pas non plus, mais je n’en suis plus à une incompréhension près!
@Marie-Claude Oui, son succès est énorme et ses livres sont adaptés au cinéma d’où ma curiosité et j’ai trouvé une partie du livre très prenante, et elle écrit bien. Enfin, je ne le dis pas ici (spoiler) mais le début commence avec la maison des Richardson détruite par un incendie … il y a du bon !
Comme je le dis, quand elle a commencé son enquête, j’ai vraiment été accro et puis tout à coup tout retombe .. pas un vrai thriller. Il y a par contre une excellente étude sociologique et une bonne analyse des relations humaines mais sinon, oui j’en suis ressortie déçue. Reste qu’elle écrit très bien et que ça plait beaucoup – je suis l’auteur sur Twitter et elle est très intéressante.
Je ne suis pas très thriller (ou même ce qui peut s’en approcher..), donc je n’en fais pas une priorité.
N’en fais pas une, mais ce n’est pas du tout un thriller donc ça devrait plus te plaire au final !
ça me fait parfois la mention « thriller » sur certains romans, ça semble être encore le cas ici, et si en plus tu dis que les 150 premières pages sont longuettes, je vais passer mon tour !
Oui, parfois les gens aiment « les longueurs » mais au début d’un roman, je trouve ça étrange – après par contre, j’ai apprécié ma lecture jusqu’à ce chapitre étrange à la fin et l’impression de ne pas avoir de vraie fin.
Pas du tout envie!
J’ai lu « Tout ce qu’on ne s’est jamais dit », son premier roman, et ça m’a suffit!
Ah, je ne savais plus le titre- il a été adapté au cinéma, non ? Moi, j’ai testé. Et je ne pense pas retenter l’expérience, sauf si elle se met aux nouvelles, car l’accroche est excellente .. mais j’ignore si (pourtant elle est Americaine), le format des nouvelles est fait pour elle?
Clairement pas pour moi celui-là je crois !
Je confirme. Passe ton chemin !
Il me faisait envie mais avec ta chronique, j’ai un peu perdu en enthousiasme… Pas sûre de me lancer dans celui-là cet été !
Beaucoup ont aimé, Eva plus que moi – mais son avis n’a pas changé le mien. Un beau portrait mais il manque définitivement quelque chose.
Les commentaires sont fermés